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Programmation des infrastructures de transport : faute de trajectoire budgétaire pérenne, l’Afitf navigue à vue

A la veille de l’arrivée au Parlement du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), Christophe Béchu à la tête de l’Afitf - l’Agence de financement des infrastructures de transport de France- depuis avril dernier, s’est à nouveau plié à l’exercice des auditions devant les chambres, jouant cartes sur table sur les zones d’ombres entachant la trajectoire financière de l’établissement public.    

Les commissions en charge de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat et de l’Assemblée nationale ont tour à tour auditionné, ces 29 et 30 janvier, le président de l’Afitf - l’Agence de financement des infrastructures de transport de France -, Christophe Béchu, dans le cadre des travaux préparatoires du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), qui devrait débuter son parcours au Sénat, le 6 mars, en commission, avant d’arriver dans l’hémicycle à partir du 19 mars. La programmation des investissements de transports pour les dix ans à venir - intégrée à la LOM - concerne au premier chef l’Afitf, bras armé des investissements de l’État dans les systèmes de transports selon une logique de report modal. Une feuille de route claire - dotée d’une enveloppe de 13,4 milliards d'euros sur la période 2018-2022-, "qui semblait relativement simple à décrypter et à mettre en musique", remarque Christophe Béchu, en suivant plus ou moins le scénario médian du Conseil d’orientation des infrastructures (COI). C’était sans compter sur un invité inattendu  "sur les ronds-points de notre pays", analyse-t-il. Une sorte de fatalité pour l’Afitf, qui vient d’opérer un dernier remboursement de 347 millions d'euros au titre de l’écotaxe, "sans en avoir jamais touché un centime". "L’histoire de l’Afitf, c’est une histoire de renoncements successifs et d’une absence de vision (…)", souligne Christophe Béchu, qui s’est résigné à l’ajournement du débat sur la vignette poids lourds,  "pour ne pas mettre de l’huile sur le feu". 

Sécuriser les recettes dès 2020

Reste que la trajectoire d’investissements repose sur la mobilisation de ressources additionnelles pérennes pour financer la programmation à hauteur de 500 millions d'euros par an à partir de 2020. Pour le successeur de Philippe Duron à la tête de l’Afitf, le projet de loi de finances qui sera présenté en fin d’année "doit être l’occasion d’adopter cette nouvelle ressource sans laquelle il n’y a pas de scénario 2 crédible". A défaut, l’équation est simple, l’Afitf se trouvera dans l’impossibilité de renforcer la régénération routière, d’augmenter les crédits de Voies navigables de France (VNF) ou potentiellement de financer le plan vélo évoqué par la LOM (à hauteur de 350 millions d'euros sur sept ans) et d’accompagner de nouveaux projets. D'autant que l’établissement accuse dans le même temps une forte diminution des encaissements au titre des amendes radars consécutive aux dégradations subies par le parc ces derniers mois. Le budget prévisionnel 2018 de l'Afitf tablait sur 450 millions d'euros de recettes issues des radars. Finalement, elle n'en a récupéré que 248, soit un manque à gagner de 202 millions d'euros. Christophe Béchu espère malgré tout "faire atterrir" le budget pour 2019, dont le vote est reporté au 27 février, c’est-à-dire peu avant l’examen de la LOM. Aux 2,6 milliards d'euros prévus, le président s'attend plutôt à 2,35 ou 2,4 milliards d'euros. Alors même que la trajectoire globale de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) est gelée, l’Afitf a néanmoins obtenu de conserver la hausse prévue de 200 millions d'euros qui lui sera octroyée. "Depuis sa création, l’Agence a fait preuve de résilience autrement plus complexe que la diminution sur quelques mois des amendes radars (…)", rappelle Christophe Béchu, tout en plaidant pour une  "sanctuarisation" des recettes. Ne pourrait-on pas remplacer le produit des amendes radars "incertain par nature", "par un complément TICPE"  - sachant que l’Afitf perçoit 1 milliard d'euros sur les 30 milliards d'euros de TICPE -, suggère-t-il, de façon à rendre plus soutenable la trajectoire budgétaire de l’Agence. 

Volonté de transparence sur les objectifs

Depuis sa création, c’est le rôle même de l’Afitf - qualifiée de "quasi-coquille vide" par la Cour des comptes - qui est mis à mal. Pour parer aux critiques, l’opérateur de l’Etat devrait se doter d’ici la fin de l’année d’une convention d’objectifs et d’indicateurs d’efficacité, sous contrôle parlementaire. Christophe Béchu fonde également l’espoir que l’existence du COI soit pérennisée dans la LOM. Le rapporteur, Didier Mandelli (LR-Vendée), l’a confirmé durant l’audition au Sénat. Le Groupement des autorités responsables de transport (Gart) avait regretté l’abandon dans le projet de texte de cette disposition, perçu  comme "un mauvais signal donné aux collectivités en termes de garantie de suivi du plan pluriannuel d’investissements en matière d’infrastructures". Le COI, instance indépendante, sera chargé de faire des propositions au gouvernement et de s’assurer de la bonne mise en œuvre de la programmation. Pour Christophe Béchu, il serait souhaitable que le président de l’Agence en soit membre es qualité "de manière à ce qu’il ne perde pas de vue la trajectoire".  

Sécurité des ponts : priorité aux communes

Alors qu’une table ronde avec les élus locaux sur la sécurité des ponts se tenait également au Sénat ce 30 janvier, à l’initiative de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, le président de l’Afitf a naturellement été questionné sur ce sujet lors de cette double audition. La mission d’information destinée à évaluer les modalités de surveillance et d’entretien des ponts gérés par l’État et par les collectivités constitue, pour Christophe Béchu, "un préalable avant d’imaginer un programme de financement de l’entretien ou de la régénération de ces ouvrages". A ses yeux, les risques les plus importants concernent les ouvrages d’art appartenant aux communes "compte tenu de l’hétérogénéité de leurs ressources financières". En résumé, la mission d’expertise doit "plutôt pointer du doigt le besoin d’accompagner les collectivités que de lancer un plan Marshall des infrastructures nationales" sur lequel de son point de vue, "il y a moins de sujets d’inquiétudes".  
 

 

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