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Projet de loi d'orientation des mobilités : la régulation des nouvelles mobilités crispe les députés

Covoiturage, voies réservées et régulation des nouveaux services de mobilité… le 17 mai, l'examen du titre 2 du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) et de son chapitre sur les innovations a fait l'objet de passes d'armes plus ou moins appuyées en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à l’Assemblée nationale. Le point sur les principaux amendements adoptés ou ceux à retravailler d'ici la présentation en séance. 

Véhicules autonomes - article 12 

Une stratégie nationale pour le véhicule autonome a été lancée il y a un an et débouche sur des expérimentations (voir notre article du 24 avril dernier). L'article du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) habilitant le gouvernement à construire le cadre législatif permettant leur circulation sur les voies publiques est donc un sujet brûlant, notamment en termes d'adaptation du cadre juridique assurantiel. Par un amendement adopté en commission, le gouvernement préfère se donner du temps et allonger d'un an le délai initialement prévu pour légiférer par ordonnance sur ce cadre juridique et le niveau de responsabilité applicable à ce domaine encore neuf et qui dépend aussi de textes internationaux en cours de révision. 

Covoiturage et voies réservées - article 15

Les articles 13 et 14 ont été peu amendés, l'article 15 concernant directement les maires, un peu plus. Pour encourager le covoiturage, il renforce la possibilité de réserver, tel que le prévoit l'article L. 2213?3 du code général des collectivités territoriales, des emplacements de stationnement pour les véhicules utilisés dans ce cadre, mais aussi l'usage de certaines voies de circulation. Ces "voies réservées" peuvent être créées non seulement sur les autoroutes et routes express, mais aussi sur les nationales et départementales hors agglomération. Les députés ont précisé les catégories de véhicules pouvant emprunter ces voies : transports en commun, "véhicules transportant un nombre minimal d’occupants notamment dans le cadre du covoiturage et véhicules à très faibles émissions", mais aussi les taxis en excluant les VTC, et ce "afin d'éviter un encombrement trop important de ces voies". Les discussions ont aussi porté sur l'usage des données de mobilité générées par ces véhicules, puis sur les voies et places réservées. Il a aussi été question de l’abaissement de la vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires (art. 15 bis). La mesure a suscité, souligne-t-on en commission, de fortes "réactions dans les territoires ruraux". Les sénateurs l'ont modifié en introduisant la possibilité de la rehausser pour les préfets et présidents de conseils départements. Les députés ont restreint ce champ aux seuls présidents de départements.

Contrôle automatisé des voies réservées - article 16 

Quel devenir pour les images collectées dans le cadre du contrôle automatisé des voies réservées ? Le travail en commission a permis de préciser les modalités de leur traitement "en conciliant les impératifs tenant à la protection des libertés publiques, comme souligné par la CNIL, et les nécessités du contrôle". Le dispositif, déjà enrichi par les sénateurs, a été complété sur amendement par un principe empêchant "de manière irréversible", à l’exception du conducteur, l’identification des autres occupants du véhicule (passagers). "Ainsi le dispositif est complet", s'est félicitée la ministre Élisabeth Borne. Des députés ont demandé que le gouvernement produise un an après sa mise en place un bilan de ce dispositif de contrôle automatisé. Ce fut sans succès, "mais nous serons transparents sur les résultats et les communiquerons", assure la ministre.

Plateformes d'intermédiation - article 17

Initialement cantonné au transport de marchandises, l'article habilitant le gouvernement à prendre par ordonnance des mesures encadrant les plateformes d’intermédiation numérique a été élargi au secteur du transport public collectif de voyageurs. Un amendement "répondant à une demande forte exprimée par la profession et à l’objectif de veiller à la sécurité des passagers et à une concurrence loyale" a ainsi été adopté pour autoriser le gouvernement à légiférer et mieux encadrer cette offre en plein essor.

Régulation des nouveaux services de mobilité - article 18 

Le débat sur la régulation des engins de déplacement personnel (EDP) a été chronophage et pris une tournure que le député de la Meuse Bertrand Pancher n'a pas manqué de fustiger "car ces problèmes de Paris avec les trottinettes en libre-service prennent trop de place, ils ne doivent pas faire oublier le reste et qu'ailleurs, chez moi notamment à Bar-le-Duc, cela n'en pose aucun !".

Première forme de régulation possible, par la gouvernance. Le député du Maine-et-Loire Matthieu Orphelin a proposé qu'à l'autorisation préalable au lancement d'un service en free-floating prévue dans le texte soit substituée une déclaration préalable, soit une étape plus exigeante. Autre débat, mené en parallèle, à qui faut-il confier le contrôle du free-floating ? Les uns estiment primordial une régulation au plus près du terrain par les maires et le maintien de la prérogative de gestion de la voirie et de l'espace public de ce dernier, et d'autres plus cohérent, "afin d'éviter les écarts d'une commune à l'autre" (Élisabeth Borne), de confier la main à l'autorité organisatrice de mobilité (AOM). Des amendements ont été retirés pour travailler d'ici la séance cette question de la coordination entre commune et AOM, à qui la capacité d'exercer cette compétence de régulation a néanmoins été ajoutée suite à un amendement porté par la rapporteure Bérangère Couillard. Pour "une meilleure coordination des mesures de régulation du free-floating au niveau intercommunal", la délivrance de l'autorisation préalable peut donc être déléguée aux AOM.

Des règles portant sur l'entretien des EDP, leur mode de recharge lorsqu'il s'agit d'engins électriques ou encore l’encadrement des signaux sonores qu'ils émettent automatiquement ont aussi été introduites. Des députés LREM ont aussi proposé de relever l'âge légal d'utilisation des trottinettes électriques, fixé dans un décret à 8 ans, par parallélisme avec l’âge auquel il est interdit pour un enfant à vélo de circuler sur un trottoir. Même si la réflexion relève du réglementaire, Élisabeth Borne s'est engagée à retravailler le décret pour relever cet âge à 12 ans.

80 km/h : les présidents de département demandent une "co-gestion"

Les présidents de département souhaitent pouvoir bénéficier de l'avis des acteurs de la sécurité routière lorsqu'il s'agira d'assouplir la limitation de vitesse sur les routes secondaires.
S'exprimant jeudi 16 mai sur France Info, Édouard Philippe avait ouvert la voie à un assouplissement de la limitation à 80 km/h (lire notre article du 16 mai). La règle de principe demeurerait au niveau national, mais les présidents de conseil départemental auraient le pouvoir de relever la vitesse maximale sur certains tronçons, quitte à en assumer les conséquences en matière de sécurité routière. Dans la foulée, un amendement au projet de loi d'orientation des mobilités a été adopté en ce sens par les députés en commission du développement durable.
Pour que cette adaptation "soit une réussite, il est important que la responsabilité des présidents de département, qu'ils assument pleinement, soit éclairée par l'ensemble des responsables de la sécurité routière", écrit le président de l'Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau, dans un courrier adressé vendredi 17 mai au Premier ministre. Évoquant la "nécessité d'une co-gestion de cette mesure", le président de l'ADF demande "que la décision du président de département soit prise avec la possibilité de solliciter un avis du préfet", poursuit-il, concluant : cela "fluidifiera et facilitera la collaboration des services des départements et de l'État (gendarmerie et police nationales, sapeurs-pompiers)".
Un amendement sénatorial avait initialement prévu que les présidents de département prennent avis de la commission départementale de la sécurité routière. "Il convient uniquement au président de département de prendre une décision politique sur une telle mesure, et d’assumer une politique moins ambitieuse qu’au niveau national en matière de sécurité routière", dit aujourd'hui l'exposé des motifs de l'amendement des députés LREM.
C.M.