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Projet de loi Économie circulaire : de la lutte contre le gaspillage aux filières REP, les retouches des députés

Lutte contre le gaspillage, possibilité donnée aux maires d'interdire la publicité numérique sur une partie du territoire de leur commune, compétences du comité des parties prenantes des filières de responsabilité élargie des producteurs (REP)… : le point sur les récents changements apportés par les députés au projet de loi Économie circulaire, dont l'examen en séance reprend ce 18 décembre.

Au terme des neuf premières séances d'examen en séance publique du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, les députés avaient adopté ce 13 décembre 143 amendements sur un peu moins de 2.500 déposés. Ils doivent reprendre les débats ce 18 décembre pour les achever le 20.
À ce stade, ils ont bouclé l'examen du volet "information du consommateur et lutte contre le gaspillage". Le premier ne concerne pas directement les collectivités mais on retiendra l'adoption d'un amendement à l'article concernant les obligations des copropriétés en matière de consignes de tri. Selon l'exposé des motifs, l'objectif est de "parfaire l'information des copropriétaires", en leur précisant, au-delà de l'adresse des déchetteries, les modalités d'accès (justificatif de domicile à produire, par exemple), ainsi que les horaires d'ouverture.

Invendus non alimentaires : interdit de détruire

Parmi les mesures anti-gaspillage, les députés ont voté à l'unanimité vendredi l'interdiction de la destruction des invendus non alimentaires, comme les produits d'hygiène et le textile. Pour les produits d'hygiène de première nécessité (savon, dentifrice, protections hygiéniques...), le don aux associations et aux autres structures de l'économie solidaire sera même obligatoire et le recyclage interdit. "C'est une avancée majeure" contre le "tout jetable", s'est félicité le député LREM de l'Isère Jean-Charles Colas-Roy, en décrivant les modalités de cette interdiction : au plus tard en 2022 pour les produits relevant de filières pollueurs-payeurs existantes (filières REP) et en 2024 pour tous les autres produits.
Le dispositif rejoint les mesures déjà en vigueur contre la destruction des produits alimentaires. Selon le ministère de la Transition écologique, chaque année, 630 millions d'euros de produits non alimentaires sont détruits, la plus grande part dans le domaine de l'hygiène et des cosmétiques.
Cette interdiction, "c'est un signal très fort que nous envoyons aux professionnels, y compris aux plateformes" comme Amazon, a souligné la rapporteure Véronique Riotton (LREM) auprès de l'AFP. Consensuelle dans l'hémicycle, la mesure a été saluée par des députés de tous bords.
Pour son application, il faudra surveiller les éventuels "effets de bords", dans les zones frontalières, avec la possibilité d'aller détruire ses invendus dans les pays voisins. "Les effets de bords resteront limités. Ça fait toujours peur, mais dans chaque mesure, il peut y en avoir. Là, je pense qu'ils seront minimes", estime la députée LREM Célia de Lavergne.

"Label national anti-gaspillage alimentaire"

Un amendement LREM qui aligne le régime fiscal du don sur celui de la destruction a également été adopté à l'unanimité. Actuellement, la destruction de produits invendus bénéficie d'un avantage fiscal puisque les entreprises ne sont pas tenues de reverser la TVA dans le premier cas alors qu'elles doivent le faire en cas de don. La secrétaire d'État Brune Poirson y a donné un avis "tout à fait favorable", notant que des entreprises comme Amazon laissent entendre qu'elles sont "obligées de détruire leurs invendus à cause de la TVA".
L'Assemblée a par ailleurs voté la création d'un "label national anti-gaspillage alimentaire", que portait le socialiste Guillaume Garot. Il vise à encourager des pratiques comme le glanage dans les champs, la transformation des fruits et légumes "moches" et à valoriser entreprises ou restaurants "vertueux".

Possibilité d'interdire la publicité numérique ou lumineuse

Les débats sont redevenus beaucoup plus ardents sur le terrain de la publicité. Après le rejet de plusieurs amendements qui visaient à interdire les panneaux publicitaires numériques, la députée des Deux-Sèvres Delphine Batho a obtenu contre l'avis du gouvernement l'adoption d'un amendement de repli prévoyant que "le maire ou, à défaut, le représentant de l'État dans le département, sur demande ou après avis du conseil municipal, peut interdire par arrêté toute publicité numérique ou toute publicité lumineuse sur les voies ouvertes à la circulation publique, dans les gares, stations et arrêts destinés aux transports publics de personnes qui se situent sur le territoire de sa commune". "Afin de prévenir l’utilisation des ressources et de promouvoir une consommation sobre et responsable conformément à l’article L. 110-1-2 du code de l’environnement, il est nécessaire de donner le pouvoir aux maires de mettre fin aux sources de pollution lumineuse et de gaspillage énergétique qui aggravent le conditionnement au consumérisme", a mis en avant l'ancienne ministre de l'Écologie dans l'exposé des motifs.
Les députés ont aussi adopté un amendement de François-Michel Lambert prévoyant que, à l'instar des établissements d'État, les établissements publics des collectivités puissent se voir céder gratuitement les biens de scénographie des collectivités et de leurs groupements "qui sont aujourd'hui jetés lorsqu'aucune solution de réemploi en interne n'est possible", a fait valoir l'élu. En outre, l'objectif de réduction de la consommation de plastiques à usage unique et de la production de déchets a été inscrit dans le code de la commande publique.

Précisions sur les filières REP

Enfin, les députés ont entamé l'examen des dispositions du texte concernant la responsabilité des producteurs. Ils ont notamment ajouté une nouvelle compétence au comité des prenantes des filières REP, qui sera composé de représentants des producteurs, des collectivités, des associations et des opérateurs de prévention et de gestion des déchets et Ce comité pourra ainsi se prononcer aussi sur l’octroi des financements provenant du fonds de réemploi. Un autre amendement vise à compléter les conditions d'agrément des éco-organismes afin de vérifier qu’ils respectent les conditions de gouvernance fixées dans le texte. Il prévoit également que le cahier des charges réglementaire doit préciser les projets des éco-organismes qui devront faire l’objet d’une consultation de la commission inter-filières, afin que les parties prenantes soient consultées sur les appels à manifestation d’intérêt ou encore les programmes d’action territoriaux.