Projet de loi Santé : les hôpitaux de proximité sont lancés, mais il faudra attendre l'ordonnance pour y voir plus clair

Plusieurs dispositions du projet de loi "relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé" présenté le 13 février en conseil des ministres renvoient à de futures ordonnances. Tel est le cas pour l'article le plus attendu par les collectivités, celui relatif aux hôpitaux de proximité. Au-delà de la réforme des études médicales, d'autres points du texte sont liés à la lutte contre les déserts médicaux.

Agnès Buzyn a présenté, au conseil des ministres du 13 février, le projet de loi "relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé", déposé l'après-midi même sur le bureau du président de l'Assemblée nationale. La ministre des Solidarités et de la Santé a accompagné cette présentation d'une brève communication sur l'avancement du plan "Ma santé 2022", qui comprend de nombreuses mesures ne relevant pas de dispositions législatives. Très attendu, ce projet de loi - encore relativement concis à ce stade avec 23 articles - est conforme aux versions qui ont circulé aux différents stades de la concertation (voir nos articles ci-dessous).

500 à 600 hôpitaux de proximité, mais pour quoi faire ?

L'article le plus attendu par les collectivités territoriales est, bien sûr, celui relatif aux hôpitaux de proximité (art. 8), dont le nombre devrait s'élever à environ 500 à 600, par labellisation et transformation d'établissements de santé publics existants. Sur ce point, il était déjà acquis qu'il s'agirait d'un article d'habilitation, autorisant le gouvernement à prendre des mesures par ordonnance dans un délai de 18 mois. Mais, contrairement à ce qui se pratique fréquemment, l'exposé des motifs et l'article d'habilitation ne donnent aucune indication sur les grandes lignes de cette réforme par ordonnance. L'exposé des motifs se borne à indiquer que "cette évolution législative est nécessaire pour pouvoir mettre en place une organisation nouvelle des soins de proximité, en lien avec les acteurs de la ville et du médicosocial".

Pour sa part, l'article 8 se contente d'autoriser le gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures du domaine de la loi pour : définir les activités, les missions, et les conditions d'intervention des hôpitaux de proximité ; déterminer les modalités d'établissement de leur liste ; définir les modalités de financement, d'organisation, de fonctionnement et de gouvernance de ces établissements, "notamment en ouvrant leur gouvernance à d'autres catégories d'acteurs du système de santé du territoire concerné" ; déterminer dans quelles conditions ces dispositions peuvent être applicables à une structure dépourvue de la personnalité morale et partie d'une entité juridique.

De façon générale, le projet de loi s'apparente, pour une bonne part, à un texte d'habilitation. Sur 23 articles, pas moins de sept renvoient à des ordonnances, tandis que deux autres procèdent à la ratification d'une série d'ordonnances antérieures.

Pas de moratoire sur les fermetures de services

Il faudra donc attendre l'ordonnance pour connaître la réalité et le fonctionnement des hôpitaux de proximité. Face aux questions des parlementaires, Agnès Buzyn devrait toutefois être amenée à apporter des précisions sur ce point en commission et lors de l'examen du texte en séance publique. Dans une interview à L'Express du 13 février, la ministre de la Santé indique déjà que ces établissements "pourront décliner des activités de radiologie, de biologie, de rééducation, de médecine polyvalente et d'hébergement d'équipes mobiles de gériatrie. Les professionnels libéraux d'un territoire pourront continuer à suivre leurs malades dans ces établissements".

Dans cette même interview, la ministre est en revanche très claire sur la possibilité de fermetures de services, en affirmant : "Notre responsabilité, c'est de garantir la même qualité des soins sur l'ensemble du territoire. En France, il existe des services où les praticiens exercent trop peu, ce qui entraîne des risques pour les patients. Ce que je mets sur la table consiste à la fois à maintenir partout un accès à des hôpitaux de proximité pour la médecine polyvalente, et à concentrer les actes complexes comme la chirurgie dans des hôpitaux assurant toutes les conditions nécessaires de sécurité."

Une réforme des études de médecine pour accroître le nombre de praticiens

Parmi les autres dispositions du projet de loi, on retiendra notamment l'importante réforme des études médicales (art. 1 à 3), avec en particulier la suppression du numerus clausus, la diversification des voies d'accès, la suppression des épreuves classantes nationales du deuxième cycle d'études médicales et la réforme de l'accès au troisième cycle.

Toutes ces mesures doivent contribuer - avec le décalage temporel inévitable en raison de la durée des études médicales - à augmenter le nombre de médecins. Même si la communication en conseil des ministres et l'exposé des motifs du projet de loi ne le mentionnent pas, l'objectif est d'arriver, à terme, à une augmentation du nombre de médecins de l'ordre de 20%.

Des dispositions incitatives pour lutter contre les déserts médicaux

D'autres dispositions (art. 4 à 6) visent également à lutter contre les déserts médicaux, mais par le biais de mesures incitatives. Ainsi, le texte prévoit l'élargissement du contrat d'engagement de service public (CESP) à des praticiens à diplômes étrangers hors Union européenne. Autre extension : celle du recours au statut de médecin adjoint (un interne en médecine assistant un médecin installé). Jusqu'alors réservé aux zones touristiques lors d'afflux saisonniers ou d'afflux exceptionnels de population, ce dispositif sera étendu aux zones caractérisées par des difficultés dans l'accès aux soins, ou lorsque l'Ordre des médecins constate une carence particulière. Enfin, le projet de loi prévoit la création (par ordonnance) d'un statut unique de praticien hospitalier, doublée de la suppression du concours. Un double statut (titulaire ou contractuel) remplacera ainsi les cinq statuts actuels.

Toujours dans l'approche territoriale, le texte (art. 7) généralise le projet territorial de santé (PTS), qui existe depuis deux ans en matière de santé mentale. L'objectif affiché est de "concrétiser l'objectif de décloisonnement entre ville, hôpital et médicosocial". Dans cet esprit de décloisonnement, l'article soumet aussi les projets des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) à l'approbation du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS), "afin d'assurer leur coordination avec les autres acteurs du système de santé" et de "mettre en cohérence les démarches des acteurs, sur un même territoire".

De la télémédecine au télésoin et à l'e-prescription

On peut également rattacher à la lutte contre les déserts médicaux - même si ce n'est pas leur seul objectif - les articles 13 et 14, qui donnent, en complément de la télémédecine déjà autorisée, un cadre légal au télésoin pour les pharmaciens et les auxiliaires médicaux et qui modernisent le cadre juridique de la prescription dématérialisée (e-prescription).

Même finalité avec l'article 21, qui "rénove les modalités de recrutement des praticiens à diplôme étranger hors Union européenne" (Padhue) qui exerceront à l'avenir dans le système de santé français. La situation juridique jusqu'alors très incertaine des 4.000 Padhue actuels a en effet déjà été réglée par une récente loi spécifique. Il n'y aura donc plus désormais qu'un statut unique de praticien associé.

Des autorisations simplifiées, des GHT renforcés

Renvoi à une ordonnance également pour l'article 9, qui prévoit d'introduire diverses simplifications en vue de "renforcer la prise en compte des exigences de qualité et de technicité des soins dans les conditions d'autorisation des différentes activités, [d']organiser une meilleure répartition territoriale de l'offre de soins selon une logique de gradation des soins, et [d']étendre le champ des activités de soins soumises à autorisation"

Sur le volet hospitalier, le projet de loi (art. 10) renforce l'évolution vers l'intégration, au sein des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Il rend notamment obligatoires les commissions médicales de groupement et étend leurs compétences. Il mutualise également la compétence en gestion des ressources humaines médicales, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques. Et il donne aux GHT qui souhaiteraient aller plus loin, la possibilité, par le biais d'un droit d'option, de mutualiser d'autres fonctions à titre dérogatoire : trésorerie, programme d'investissement et plan global de financement pluriannuels communs, signature d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (Cpom) unique avec l'ARS, rapprochement, voire fusion, des instances représentatives ou consultatives…

Données de santé... et toujours des simplifications

Les autres dispositions du projet n'ont pas d'impact direct sur les collectivités territoriales. On y trouve notamment un élargissement de l'utilisation des données de santé, avec la création d'une "plateforme des données de santé", remplaçant l'actuel Institut national des données de santé tout en élargissant ses missions (art. 11), ou encore la possibilité donnée à chaque assuré d'ouvrir son espace numérique de santé d'ici au 1er janvier 2022, "afin notamment d'accéder à son dossier médical partagé, ainsi qu'à des outils numériques permettant des échanges sécurisés avec les professionnels et établissements de santé, favorisant la prévention par l'accès à des informations de santé référencées et personnalisées, simplifiant la préparation d'une hospitalisation ainsi que le retour à domicile ou encore permettant d'évaluer son parcours de soin" (art. 12).

Pour leur part, les articles 15 à 19 procèdent à toute une série de simplifications administratives, de modernisation de procédures et de suppression de dispositions devenues obsolètes (comme la suppression du pacte territoire santé remplacé, depuis 2017, par le plan d'égal accès aux soins). Parmi ces simplifications, on retiendra notamment la disposition exonérant les opérations de transformation d'établissements et services sociaux et médicosociaux ayant également un impact sur leur niveau d'activité et le public accueilli de l'obligation de recourir à un appel à projet. L'exposé des motifs cite l'exemple de la transformation d'un institut médico-éducatif (IME) en service d'accompagnement médicosocial pour adultes handicapés (Samsah), avec une augmentation de sa capacité d'accueil, afin de permettre une transformation de l'offre de prise en charge en matière planification médicosociale plus simple et plus souple. L'objectif est d'adapter au mieux l'offre disponible dans le cadre des engagements gouvernementaux d'une réponse accompagnée pour tous.

Pour sa part, l'article 20 renforce encore le dispositif de préparation aux situations sanitaires exceptionnelles, tandis que les articles 22 et 23 modifient ou ratifient une série d'ordonnances antérieures.

Début de l'examen en séance publique à la mi-mars

Le projet de loi Santé fait l'objet d'une procédure accélérée (une seule lecture dans les deux chambres), afin que les dispositions sur la réforme des études médicales puissent entrer en vigueur dès la rentrée universitaire 2019. La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a donc déjà désigné les deux rapporteurs du texte. Il s'agira en l'occurrence de deux députés également médecins : Stéphanie Rist, députée (LREM) du Loiret, rapporteure générale, et Thomas Mesnier, député (LREM) de la Charente, rapporteur. Après le passage en commission, l'examen du projet de loi en séance publique devrait débuter à la mi-mars.

Références : projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé (enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 13 février 2019).

 

 

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