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Projet de loi sur l’économie circulaire : Amorce livre ses consignes

Le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire sera présenté au ­conseil des ministres le 3 juillet. Pour le réseau de collectivités et d'entreprises Amorce, il comporte des avancées mais fait fausse route sur la consigne. Des dispositifs et financements restent à trouver ou à faire appliquer pour activer la valorisation des biodéchets, améliorer l'information du consommateur sur les produits non recyclables et assumer l'objectif, déjà inscrit dans la loi de transition énergétique, de division par deux du stockage d'ici 2025. 

Auditionné le 26 juin par les députés de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, le délégué général d'Amorce, Nicolas Garnier, a détaillé le positionnement des collectivités que le réseau représente sur les leviers et progrès à atteindre pour réduire le gaspillage et muscler l’économie circulaire. L'exécutif s'apprête en effet à dévoiler un projet de loi qui renforce notamment la responsabilité élargie du producteur (REP) et l'étend, comme le réclame cette association d'élus depuis des années, à de nouveaux produits. "Mais la REP étant une forme de privatisation d'un service public, il faut corriger le tir et faire évoluer la gouvernance en créant une commission de régulation des filières, un vrai gendarme capable de donner le change", propose le délégué général.

Du retard mais aussi de belles performances

La valorisation des déchets organiques accuse toujours du retard. Or elle représente "un tiers de la poubelle des Français", bien plus que les bouteilles en plastique qui tendent à focaliser l'attention. "Mettons des composteurs individuels dans tous les jardins, mobilisons des financements - ce serait une mesure phare - et affectons-y les recettes de la TGAP déchets", défend Nicolas Garnier. Pour Amorce, cette TGAP devrait être redistributive et réservée aux produits qui sont recyclables mais atterrissent en décharge ou incinération, "alors qu'ils ne devraient pas y être" - et non aux autres qui n'ont tout simplement pas d'exutoire. 

Un autre tiers de notre poubelle est constitué de déchets pour lesquels une filière de recyclage existe. "Comparé à nos voisins, outre-Rhin notamment, nous n'avons pas tant que cela à rougir de nos résultats", remotive-t-il. Les marges de progression n'en restent pas moins fortes, "il faut s'attaquer aux déchets les plus polluants et encore peu recyclés, par exemple les piles, le petit électroménager et les portables".

Mieux vaut prévenir que détruire

Autres leviers négligés, la prévention, l'information. Amorce appelle de ses vœux une évaluation des dispositifs prévus en milieu scolaire et se dit prête à accompagner l'Education nationale. Souvent perdu face au maelström de messages et d'indications sur les produits, le consommateur peut se fier au logo officiel Triman, obligatoire depuis quatre ans mais encore trop peu apposé. La réparabilité mérite aussi de progresser : "L'obstacle est connu, le consommateur rapporte son produit à réparer mais pour le diagnostiquer ou établir un devis, le prix est tel qu'il abandonne et en rachète plutôt un". Amorce propose ainsi un crédit d'impôt pour que chacun fasse valoir la réparabilité d'un produit. 

Quant à la destruction des produits invendus non alimentaires (vêtements, électroménager, produits d’hygiène ou de beauté), qui va être interdite dans le texte, elle est à mettre selon l'association du côté des bonnes nouvelles. Côté invendus alimentaires, Amorce attire l'attention sur une dérive actuelle : les supermarchés les donnent massivement aux associations au point d'être débordées, avec des volumes dépassant leur capacité. "C'est une forme de transfert de charge d'un déchet non valorisable vers un service public : il y a sur cet enjeu le besoin d'un accord entre associations, collectivités et supermarchés", demande Nicolas Garnier.

Eviter de nouvelles déconvenues

Si des dispositions ne sont pas prises dans le texte pour atteindre l'objectif de diviser par deux du stockage, "on va au-devant de graves difficultés", poursuit-il. Fidèle à sa ligne, Amorce propose de responsabiliser tous les metteurs sur le marché, et de faire graver dans le marbre une responsabilité d'information, d'écoconception et sur la fin de vie des produits. Et craint, si le flou actuel persiste, de nouvelles déconvenues et l'expression de désillusions : "Avec l'extension des consignes de tri à tous les emballages, on dit aux Français de mettre leurs pots, barquettes et films plastique dans le bac de recyclage. S'ils se rendent compte qu'en fait tout cela n'est pas recyclé, comment va-t-on gérer cela sur le terrain ?"

Dans ce domaine où rien n'est simple, et où on touche très vite aux pratiques de consommation, une contrariété va altérer les croyances : "Interdire les sacs plastique à usage unique en caisse de magasin, ce fut une mesure de bon sens… mais l'étude d'évaluation nationale de cette mesure sur le point d'être publiée montre des résultats décevants : les consommateurs achètent des sacs consignés mais ne les rapportent pas, en rachètent puis les jettent, si bien que les volumes ne baissent pas".

Autre point noir, la reprise des déchets des professionnels du bâtiment par les distributeurs de matériaux, pourtant entrée en vigueur en 2017, "la mesure n'est quasi pas respectée mais les collectivités souhaitent accompagner le monde du bâtiment vers une économie circulaire et faciliter par exemple la création de déchetteries professionnelles et de points de collecte gratuits : les professionnels effectuent le tri à condition que cette collecte soit gratuite". La proposition se retrouve dans le projet de loi du gouvernement. 

Effets contre-productifs de la consigne

Amorce ­s’inquiète aussi du système de consigne qu'il est question d'instaurer sur les canettes et bouteilles en plastique. La Fédération des entreprises du recyclage (Federec) partage ce profond sujet de désaccord avec le gouvernement : selon elle, ce sera coûteux pour un gain environnemental dérisoire. "Pourquoi se focaliser sur ces bouteilles en plastique alors qu'elles sont bien collectées sélectivement, correctement recyclées, que cette consigne ne rapportera rien au consommateur et que cela remettra en cause un système édifié depuis une vingtaine d'années", s'interroge Nicolas Garnier. La comparaison avec l'Allemagne ne marche pas : outre-Rhin, la consigne mène à la réutilisation, "chez nous les bouteilles seront récupérées mais ensuite broyées, recyclées comme on le fait déjà quand on les jette chez nous dans le bac".

En outre, monétariser ce geste de tri, et pas celui pour d'autres déchets comme les piles ou biodéchets, serait peu compréhensible et risquerait en fin de compte de démobiliser, de casser le tri citoyen. "Nous ne sommes pas contre la consigne - pour du réemploi c'est bien, ou pour les déchets d'emballages hors-foyer, consommés hors du domicile et qui posent toujours problème - mais là on joue avec le feu", explique Nicolas Garnier. Il perçoit que cette forme de gratification financière sans réutilisation servirait au fond à raviver l'image écornée des bouteilles d'eau. Les supermarchés pourraient l'utiliser comme une forme de fidélisation. Et de conclure devant les députés, qui l'ont applaudi : "Si le but est vraiment de réduire les bouteilles plastiques, lançons alors une grande campagne nationale pour promouvoir l'utilisation de l'eau du robinet !"