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Projet de LOM : l’Assemblée ouvre la voie aux zones à faibles émissions mobilité

Parvenus à la troisième partie du projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), les députés ont donné leur feu vert à deux dispositifs phares du texte, à savoir l’instauration d’un forfait mobilités durables et la création des zones à faibles émissions mobilité. Au fil des séances - qui se sont étirées du 7 au 13 juin pour ce seul titre 3 -, d’autres leviers pour développer les mobilités propres et actives ont été renforcés, que ce soit au titre du verdissement des flottes ou de la promotion du vélo, dont il a aussi été beaucoup question.  

 

Exceptions à la servitude de marchepied - article 21 BA

L’Assemblée a amorcé l’examen du titre 3 sur les mobilités propres et actives par un ajustement permettant aux autorités administratives de limiter le droit d’usage de la servitude de marchepied - qui permet aux pêcheurs et piétons d’emprunter les rives des cours d’eau - pour préserver la biodiversité. 

Ouverture des chemins de halage aux cyclistes - article 21 C

Déjà largement enrichie au Sénat ainsi qu’en commission à l’Assemblée, la promotion du vélo a fait l’objet de nombreux amendements en séance. À commencer par un article additionnel - défendu par les députés LREM Jean-Marc Zulesi et Barbara Pompili - ouvrant les chemins de halage aux cyclistes. Pour ce faire, le texte permet aux collectivités de passer une convention avec Voies navigables de France (VNF), qui sera ainsi déchargé de sa responsabilité en cas d’accident. 

Promotion de l’intermodalité au bénéfice du vélo - article 22

Le rapporteur du titre Jean-Luc Fugit complète le dispositif de marquage introduit pour lutter contre les vols de vélos, en prévoyant que le cycle identifié qui n’a pas été retiré dans un délai de trois mois à compter de l’information de son propriétaire, pourra être vendu ou détruit par le professionnel en vue de son recyclage. 
Un amendement de Bertrand Pancher (Libertés et territoires) précise que les modalités de mise en œuvre des équipements de stationnements sécurisés pour les vélos dans les gares (délais, financements…) peuvent être définies dans le contrat opérationnel de mobilité prévu à l’article 4. 
Sans remettre en cause la mesure introduite par le Sénat, un amendement tardif du gouvernement assouplit l’obligation d’emport de vélos pour les cars. Il permet ainsi aux autorités organisatrices d’y déroger, par décision motivée, pour les services réguliers qu’elles organisent. Pour les services librement organisés, un décret en définira les conditions. Il pourrait s’agir d’octroyer une dispense de cette obligation dans certaines situations, par exemple pour les services saisonniers desservant les stations de ski. 
Un amendement identique du rapporteur et de la présidente de la commission du développement durable, Barbara Pompili, avance la date limite de mise en œuvre de l’obligation relative au transport de vélos dans les trains pour les marchés publics. Sont visés les marchés de matériels neufs, pour lesquels l’avis de marché a été publié après l’entrée en vigueur de l’obligation le 1er juillet 2020. L’obligation s’applique également aux matériels dont la rénovation est engagée ou fait l’objet d’un avis de marché à compter de cette même date. 

Droit au local à vélo - article 22 bis AAA

Un article additionnel - introduit via des amendements identiques du rapporteur et de Bertrand Pancher - assouplit les conditions de majorité (en passant à la majorité des présents) pour la construction d’emplacements de stationnement sécurisé des vélos dans l’habitat collectif quand les copropriétaires qui en font la demande en financent également la réalisation. 

Schéma national des véloroutes - article 22 bis

Le schéma national des véloroutes s’appuiera, lorsqu’ils existent, sur les schémas régionaux.  "Les régions peuvent en effet se saisir de cet enjeu qu’est le développement d’itinéraires cyclables – certaines l’ont déjà fait – en établissant des schémas régionaux de véloroutes", a souligné Barbara Pompili pour défendre son amendement identique à celui du rapporteur. Le texte intègre également dans le code de la voirie routière - au sein du titre V relatif aux voies à statut particulier - une définition harmonisée des véloroutes, afin d’en fixer certaines caractéristiques structurantes. "En pratique, les véloroutes prennent en effet des formes très diverses : il peut s’agir de pistes, de bornes cyclables, de routes que la faible circulation automobile rend praticables aux cyclistes ou encore, depuis cet après-midi, de chemins de halage !", a relevé Barbara Pompili. 

Aménagements des itinéraires cyclables sur les voies urbaines - article 22 ter A

Un article additionnel - également défendu par Barbara Pompili - propose aussi d’expliciter de façon non exhaustive les différentes formes d’aménagements que peuvent prendre les itinéraires cyclables en milieu urbain, en actualisant l’énumération qui avait été faite lors de l’adoption en 1996 de la loi sur l’air et l’utilisation de l’énergie (dite loi LAURE). Empreinte d’une certaine ambiguïté, la rédaction actuelle de l’article L. 228?2 du code de l’environnement a en effet donné lieu à de nombreux contentieux, "car elle peut laisser penser qu’il est possible de s’affranchir de l’obligation de réaliser ces itinéraires cyclables". 

Création d’itinéraires cyclables sur les voies interurbaines - article 22 ter

Le Sénat a dupliqué le dispositif existant pour les voies urbaines pour l’appliquer aux voies interurbaines. Etant précisé que cette obligation ne vaut que si, sur le fondement de l’étude préalable, le besoin est avéré et la faisabilité financière et technique établie. En séance, l’Assemblée a renforcé le poids qu’aura l’évaluation préalable faite par le gestionnaire de voirie en lien avec les AOM, en prévoyant qu’elle soit "rendue publique dès sa finalisation". C’est bien l’existence d’un besoin avéré qui prévaut, dans la décision de réaliser ou non un aménagement ou un itinéraire cyclable. D'éventuelles difficultés techniques ou financières ne sauraient remettre en question leur création. Par ailleurs, le besoin est réputé avéré si l'itinéraire cyclable concerné est inscrit dans les plans de mobilité et de mobilité simplifiés, dans les Sraddet ou dans le schéma national des véloroutes, précise le texte, sans toutefois que cela présage de la faisabilité technique ou financière. 

Continuité des aménagements cyclables - article 22 quater

Un autre article additionnel - proposé par la Fédération française des usagers de la bicyclette et défendu par Barbara Pompili - vise à maintenir la continuité des aménagements destinés aux piétons et aux cyclistes, quand ils sont affectés par des créations ou des réhabilitations d’infrastructures de transport terrestre ou fluvial.  Un sous-amendement du rapporteur prévoit là encore de conditionner ce rétablissement de continuité à l’existence d’un besoin avéré et d’une faisabilité technique et financière. 

Déploiement des bornes de recharge - article 23

Le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Damien Adam, a activement participé à enrichir cet autre volet, notamment en proposant de créer une dérogation pour autoriser le raccordement indirect de bornes, par exemple via le réseau électrique associé à l’éclairage public. 
Pour accélérer le déploiement des bornes de recharge ouvertes au public, l’article 23 relève temporairement, jusqu'au 31 décembre 2021, le plafond de prise en charge à 75% au plus des coûts de raccordement. Un amendement de Bertand Pancher permet d’appliquer ce principe de réfaction tarifaire pour les demandes de raccordement, adressées entre la publication de la présente loi et le 31 décembre 2022, concernant les bornes affectées à des services de transports publics de personnes routiers, de façon " à faciliter l’atteinte des objectifs de renouvellement des parcs d’autobus et d’autocar pour les collectivités territoriales et leurs groupements". 
Le texte renforce également les obligations d'équipement en bornes des bâtiments non résidentiels existants, d’ici 2025, en prévoyant une place équipée par tranche de vingt places existantes. 

Offre de stationnement mutualisé - article 23 bis A

Un article additionnel permet aux organismes HLM de participer à la mutualisation des aires de stationnement, le cas échéant, en donnant librement l’usage des places dont ils disposent en contrepartie d’une redevance.

Pilotage de la recharge et bidirectionnalité des flux - article 23 ter

Les obligations - introduites en commission - destinées à garantir l’interopérabilité des infrastructures de recharge ou de ravitaillement ne porteront que sur les infrastructures accessibles au public. 

Schéma directeur de développement des infrastructures de recharge - article 23 quater

Un article additionnel propose l’élaboration de schémas territoriaux de développement des bornes de recharge de véhicules électriques. Ces schémas, non contraignants, permettront de répondre aux besoins liés aux trafics locaux et de transit des territoires. Ils pourront être mis en place, selon les cas, par les EPCI, les AOM ou les AODE (autorités organisatrices de la distribution d’énergie), en concertation avec les gestionnaires de réseaux de distribution. Ils s’appuieront notamment sur des données concernant l’usage des infrastructures de recharge existantes, telles que la fréquence, la durée de charge, le nombre d’usagers, qui seront fournies par les opérateurs des infrastructures. Afin d’inciter les territoires à élaborer de tels schémas, le texte prévoit là encore une réfaction sur leurs coûts de raccordement à hauteur de 75% jusqu'au 31 décembre 2025.  

Droit à la prise - article 24

Le texte renforce davantage l’exercice du droit à la prise dans les copropriétés en les encourageant à réaliser une étude préalable. La réalisation de l’étude devra être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires avant le 1er janvier 2023. Par ailleurs, les copropriétaires qui souhaiteraient prendre à leur charge les travaux pourront voter ces derniers à la majorité simple. 

Développement du gaz et biogaz dans les transports - article 25

A l’initiative de Damien Adam, le texte supprime la possibilité de modifier les conditions du complément de rémunération en cours de contrat pour les producteurs de biogaz non injecté. Il donne également plus de flexibilité à l’autorité administrative pour recourir à une procédure d’appel d’offres, en ne la soumettant pas à une appréciation préalable de la Commission de régulation de l’énergie sur les conditions concurrentielles.

Décarbonation du secteur des transports terrestres - article 26 AA

L’objectif de décarbonation complète du secteur des transports terrestres, d’ici 2050, doit s’entendre comme "le cycle carbone de l’énergie utilisée", précise un amendement Modem, c’est-à-dire en y incluant des véhicules qui utilisent des carburants à cycle carbone nul (électricité et hydrogène d’origine décarbonée, carburant 100 % bio sourcé etc.).  

Verdissement des flottes publiques - articles 26 ABA, 26 AC et 26 CA

Un article additionnel (art. 26 ABA) habilite le gouvernement à transposer par ordonnance la directive 2009/33/CE "véhicules propres" - en cours d’adoption -, en particulier, en ce qui concerne les marchés passés par l’État et par les collectivités, auxquels il faudra désormais imposer une proportion minimale de véhicules à faibles ou à très faibles émissions. Il complète un autre article additionnel (art. 26 AC) visant, en cohérence avec la future directive, à durcir les objectifs de renouvellement des flottes publiques inscrits dans la loi de Transition énergétique. Pour rappel, la directive prévoit un taux moyen national minimum de renouvellement par des véhicules à faibles émissions de 37,4 % jusqu'en 2026, puis par des véhicules à très faibles émissions de 37,4 % à partir de 2026 et jusqu'en 2030."La discussion du projet de loi en commission a permis d’affirmer des choix ambitieux en matière de renouvellement des flottes, en particulier pour les loueurs de VTC – voitures de transport avec chauffeur – et de taxis. Si nous demandons aux entreprises privées de consentir des efforts, l’État et les collectivités territoriales doivent eux aussi se montrer exemplaires, en accélérant le verdissement de leur flotte", a justifié Jean-Marc Zulesi pour soutenir son amendement identique à celui du rapporteur. La ministre des Transports, Elisabeth Borne, s’est toutefois opposée - par sous-amendements - à imposer un objectif de 50% en 2030, qui reviendrait, à ses yeux, à "surtransposer la directive, sans concertation avec les collectivités".
En vue de contrôler le respect de la trajectoire ainsi fixée, les députés ont par ailleurs adopté un article 26 CA de façon à rendre public, en open data, sur une base annuelle, le pourcentage de véhicules propres acquis l’année précédente. 

Forfait mobilités durables - article 26

Les députés ont adopté le nouveau forfait mobilités durables pour encourager les salariés à se rendre au travail à vélo ou en covoiturage, certains élus y compris dans la majorité plaidant en vain pour qu'il soit obligatoire (lire notre article du 12 juin). 

Renforcement des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) - article 27

Le plan d’action du PCAET - dont le volet air est musclé par le projet de loi - devra également analyser les solutions à mettre en œuvre pour réduire la pollution à proximité des établissements accueillant un public sensible au premier rang desquels les enfants. 

Zones à faibles émissions mobilité (ZFE) - article 28

Sur la centaine d’amendements déposés sur cet article contesté pas les députés communistes et LFI qui y voient une "mesure anti-sociale", un seul a finalement été adopté. Le texte revient ainsi sur la clause de lien direct - introduite au Sénat - entre l’installation de dispositifs de contrôle en ZFE par une commune et le reversement des recettes des amendes de ces dispositifs aux dites communes. Tout en partageant l’objectif consistant à permettre aux collectivités ayant investi dans le projet une prise en charge de leurs investissements via les recettes des amendes, le gouvernement considère en effet qu’un fléchage vers les collectivités locales "nécessite des dispositions qui sont à prendre dans le cadre d’une loi de finances". Une quinzaine de métropoles ont d’ores et déjà répondu présent en s’engageant à mettre en œuvre une ZFE. S’ajoutent à la démarche les 19 collectivités lauréates de l’appel à projets lancé par le gouvernement et l’Ademe pour soutenir financièrement la réalisation d’études permettant de préfigurer la mise en place de ZFE.  

Évaluation des nuisances sonores des transports - article 28 ter et suivants

S'agissant du ferroviaire, le Sénat a notamment introduit explicitement dans le texte la notion "d’indicateurs de bruit événementiel", dont la définition devra prendre appui sur la fréquence et l’intensité des nuisances subies. L’Assemblée y ajoute - via des amendements Modem et du rapporteur - le critère de la "répétitivité", en particulier à travers la définition d’indicateurs de bruit événementiel tenant compte notamment "des pics de bruit" caractéristiques du passage des trains à grande vitesse. 
Les vibrations liées au passage des trains ont par ailleurs fait l'objet d'amendements spécifiques (LREM et Modem) portant article additionnel, afin d’aboutir d’ici 2020 à l’élaboration d’outils d’évaluation et de mesure dédiés.  
Un autre article additionnel - également à l’initiative du Modem - ouvre la voie à l’expérimentation d’une procédure de contrôle à la volée des niveaux sonores émis par les véhicules, notamment par les deux roues, afin de pouvoir sanctionner les comportements routiers bruyants perçus par des radars acoustiques, notamment développé par des associations comme Bruitparif. 
La rapporteure du titre V, Zivka Park, s’est également emparée du sujet, en reprenant une mesure proposée dans le cadre des Assises nationales du transport aérien. Un article additionnel étend ainsi l’obligation d’information relative à la situation d’un bien à l’intérieur d’un plan d’exposition au bruit d’un aérodrome, qui existe déjà en matière de location d’habitation, au cas de l’acquisition d’un bien immobilier (bien construit à usage d’habitation ou bien non bâti constructible).