Quel plan d'urgence pour les urgences ?

La nouvelle ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon, prévoit deux semaines de concertations pour répondre à la crise des urgences hospitalières. 120 hôpitaux seraient actuellement contraints de limiter leurs activités aux urgences. L'Association des maires de petites villes alerte sur la gravité de la situation. Et fait valoir que l'enjeu est plus largement celui de la désertification médicale. Le débat sur les mesures coercitives pouvant être imposées à la médecine de ville ne devraient pas tarder à rejaillir.

La nouvelle ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon, va rencontrer les soignants ces deux prochaines semaines, avant de prendre des mesures pour répondre à la pénurie de personnels dans les services d'urgence, a-t-elle fait savoir ce mercredi 25 mai sur RTL. Tout en soulignant que "nous souffrons surtout d'une pénurie globale de personnels, pas seulement de médecins, mais aussi d'autres soignants".

"Ma méthode va être celle de la concertation car les situations ne sont pas toutes les mêmes partout en France. Je ne vais pas vous donner les solutions qu'on va trouver car je vais les construire avec les gens qui sont sur le terrain. Je vais les rencontrer, j'ai 15 jours devant moi pour le faire, je veux les écouter", a-t-elle déclaré. Il s'agira dans l'immédiat de "prendre des mesures pour faire face à l'été". "Des mesures que l'on va construire avec les professionnels et les services concernés, elles seront différentes et variées".

Mais "il n'y a pas que les seules urgences et les hôpitaux, il y a aussi l'offre de santé sur les territoires", a souligné la ministre, faisant valoir que la situation, héritée d'un "manque d'anticipation depuis des années sur la démographie médicale", ne "date pas d'aujourd'hui". Et à l'hôpital, "on ne réglera pas tout par les revalorisations salariales". "Ce que nous demandent les soignants, c'est plutôt de valoriser l'engagement qu'ils ont, que ce soit le travail de nuit, les week-ends, et ça c'est différent", a ajouté Brigitte Bourguignon.

Interrogée sur les soignants évincés pour non-vaccination contre le covid – une situation qui concernerait environ 15.000 personnes –, la ministre a fait savoir que "l'obligation vaccinale demeurera le temps nécessaire" dans la mesure où l'épidémie "n'est pas derrière nous".

"Une politique très territoriale"

Brigitte Bourguignon avait déjà évoqué ces enjeux samedi 21 mai lors de sa passation de pouvoirs au ministère avec Olivier Véran, affirmant que "l'accès aux soins pour tous" représentait la priorité de sa feuille de route : il faudra "poursuivre nos efforts pour la prévention, consolider, adapter le système de soins en ville, à l'hôpital, avec l'enjeu particulier de cette lutte contre les déserts médicaux".

Le même jour, le premier déplacement de l'ex-ministre déléguée à l'Autonomie des personnes âgées avait été la visite d'une maison de santé pluriprofessionnelle installée dans une zone rurale du Pas-de-Calais. Saluant le succès de cette structure ouverte en 2018, Brigitte Bourguignon avait dit souhaiter que ces maisons deviennent "de vrais lieux de stage, de formation, ce qui peut faire naître des vocations", sachant que "la majeure partie des médecins ne veulent plus être isolés et veulent travailler comme vous". Et cette ancienne travailleuse sociale et élue socialiste de ce département du Pas-de-Calais de poursuivre : "La politique d'accès à la santé est une politique très territoriale, qui doit être accompagnée plutôt que décrétée du haut vers le bas, construite avec les territoires."

Activité suspendue, fermetures par intermittence...

Au total, 120 hôpitaux seraient actuellement contraints de limiter leurs activités aux urgences. "La situation est particulièrement grave dans un certain nombre d’établissements hospitaliers de petites villes qui voient leur fonctionnement se dégrader du fait du manque d’effectifs", confirme l'Association des petites villes de France (APVF). Tout en reconnaissant que la situation "se répète chaque année à l’occasion de l’été", l'association cite plusieurs exemples concrets : "Les hôpitaux de Sarlat (Dordogne), Jonzac (Charente-Maritime), Sainte-Foy-la-Grande (Gironde), Guingamp (Côtes-d’Armor), ainsi que Chinon (Indre-et-Loire), où l’activité est carrément suspendue, et bien d’autres encore sont contraints à des fermetures par intermittence depuis plusieurs semaines, allant totalement à l’encontre du principe d’accès 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 aux urgences."

Dans un communiqué diffusé ce 25 mai, les maires de petites villes font eux aussi clairement le lien entre la situation des services d'urgence et "la progression de la désertification médicale", qui renforce évidemment l'afflux de patients vers l'hôpital. C'est donc "l’ensemble des sujets relatifs aux inégalités d’offre de soins dans les territoires" qu'ils souhaitent aborder rapidement avec la ministre. En posant "sans tabou" toutes les questions… y compris "l’obligation de la permanence de soins pour les médecins libéraux et la régulation de l’installation des médecins".

Gardes ou astreintes pour tous les praticiens ?

Des questions qui fâchent, on le sait. En témoigne par exemple le concert de réactions virulentes (du côté des médecins libéraux surtout) qu'a suscité une récente prise de parole du président de la Fédération hospitalière de France (FHF). Frédéric Valletoux, également maire de Fontainebleau, s'exprimant le 17 mai en ouverture du salon Santexpo, avait évoqué "les passages aux urgences [qui] explosent depuis plusieurs décennies, en parallèle d’une érosion de l’offre de premier recours" : "à l’exception de cinq d’entre eux, les départements français ont tous connu ces dix dernières années une hausse des passages aux urgences et une baisse du nombre de médecins généralistes, de plus de 10% dans les deux cas pour plus de la moitié d’entre eux". Et Frédéric Valletoux de lancer : "La France est-elle frappée d’une pénurie de médecins ? La réponse est 'non, pas tant que ça' (…) La France manque tout simplement de médecins qui prennent en charge des malades, disons-le."

Parmi ses convictions : "avoir une réflexion collective sur la participation aux gardes et sur la reconnaissance qui va avec, sur la question du non programmé en ville", mieux payer "les sujétions, c’est-à-dire les gardes et astreintes", faire en sorte que "l’effort soit en permanence réparti entre tous les acteurs, et que l’hôpital public ne soit pas seul à pallier ces défaillances du système de santé"… Très concrètement, le président de la FHF estime que "compte tenu de la situation, une obligation de participation de tous les praticiens devrait être décidée en urgence", chaque praticien devant "s’inscrire sur une ligne de garde ou d’astreinte, en ville ou à l’hôpital, lorsqu’elle est jugée indispensable pour l’accès aux soins sur le territoire d’exercice", y compris par "la réquisition si nécessaire".

 

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