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Raisins, légumes et coquillages : le RSA récolte à tout vent

Le département de la Gironde prévoit, dans le cadre de son pacte territorial d'insertion, l'expérimentation d'un cumul entre RSA et revenus liés à certaines activités dont les vendanges. D'autres départements ont mis en place ce type de cumul temporaire.

En 2017-2018, la Gironde, rejointe par 17 autres départements à majorité socialiste, avait lancé le projet d'expérimentation d'un revenu de base, finalement écarté par un vote de l'Assemblée nationale le 31 janvier dernier au profit du futur revenu universel d'activité (RUA), porté par le gouvernement mais répondant à une logique différence (voir nos articles ci-dessous). Cet échec n'a pas dissuadé Jean-Luc Gleyze, le président du conseil départemental, de proposer une innovation lors de sa dernière réunion plénière : l'expérimentation d'un cumul intégral entre le RSA et les revenus (plafonnés) tirés de certaines activités ciblées.

Viticulture et insertion : des intérêts communs ?

La Gironde est toutefois loin d'être le premier département à mettre en place un tel cumul. Ce type de dispositif se développe en effet depuis deux ans. Il existe ainsi notamment dans l'Aisne, avec le "RSA vendanges" (voir notre article ci-dessous du 1er juillet 2019), dans l'Aube, en Indre-et-Loire, en Dordogne, en Charente-Maritime ou dans le Bas-Rhin et le Haut-Rhin. Le fait qu'il s'agit essentiellement de départements viticoles ne doit évidemment rien au hasard.

L'objectif du dispositif est en effet double. D'une part, il améliore les revenus des allocataires du RSA et leur permet de retrouver une activité rémunérée et un contact avec le monde du travail, du moins de façon temporaire. D'autre part, il offre un palliatif à la pénurie croissante de main-d'œuvre durant les périodes de récoltes ou de vendanges. Ces activités connaissent en effet des difficultés croissantes de recrutement sur les emplois saisonniers. Elles sont confrontées à la fois à la – relative – décrue du chômage et... au changement climatique. Celui-ci avance en effet la date des vendanges et des récoltes, parfois à des moments où les étudiants, traditionnellement disponibles entre la fin des vacances et la rentrée universitaire, ne sont pas sur le marché des petits boulots de rentrée.

Un cumul limité dans le temps

Le mécanisme repose sur un cumul temporaire intégral entre le RSA et une activité salariée, dans la limite d'un plafond. Dans son communiqué, la Gironde explique par exemple que le dispositif, qui entrera en vigueur cet automne, prévoira un nombre maximal d'heures de travail annuel, défini "avec les partenaires institutionnels" (Pôle emploi, CAF, MSA...) afin de permettre ce cumul de rémunération. Une première phase concernera les emplois du secteur agricole et viticole. Puis un bilan sera ensuite réalisé avant d'envisager un éventuel élargissement, notamment au secteur du tourisme, également grand consommateur d'emplois saisonniers.

L'Aisne, qui recherche 1.000 vendangeurs pour la saison 2019, est plus avancée, car le dispositif a déjà bénéficié à plus de 120 allocataires en 2018. Il suffit aux personnes intéressées d'appeler un "conseiller vendanges" de Pôle emploi sur un numéro dédié, pour trouver un viticulteur employeur. Après les vendanges, l'allocataire remplit normalement sa déclaration trimestrielle de ressources (DTR) adressée à la CAF, mais il y joint les bulletins de salaires délivrés (en y inscrivant son numéro d'allocataire). La même opération est à faire avec Pôle emploi.

La nature du cumul n'est pas toujours précisée sur les documents destinés aux allocataires, mais en Dordogne, par exemple, elle est de 300 heures annuelles. D'après le conseil départemental, cela porte le revenu à 1.089 euros à mi-temps sur un mois.

Ce type de dispositif devrait s'étendre rapidement. En Charente-Maritime, il pallie par exemple le manque de personnel saisonnier dans le secteur de la conchyliculture. Outre le tourisme et la restauration (c'est déjà le cas en Dordogne), il pourrait s'appliquer aussi à d'autres secteurs. En pointe sur le sujet, l'Aisne réfléchit ainsi à un "RSA primeurs", dédié au secteur des fruits et légumes.

Seuls bémols à ces initiatives : elles semblent ressusciter de facto le "RSA activité", pourtant supprimé pour être remplacé au 1er janvier 2016 par le dispositif plus pérenne de la prime d'activité...