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Recul du trait de côte : le Sénat fait front en adoptant une proposition de loi spécifique

Le Sénat a adopté ce 16 mai à la quasi-unanimité (335 voix pour et une seule contre), contre l’avis du gouvernement, la proposition de loi de la sénatrice de Gironde Françoise Carton visant à instaurer un régime transitoire d'indemnisation pour les interdictions d'habitation résultant d'un risque de recul du trait de côte. Déposé il y a quelques semaines, ce texte pragmatique répond à une situation particulière, celle des propriétaires de l'immeuble "Le Signal" à Soulac-sur-Mer en Gironde, vestige d’un vaste projet d’aménagement abandonné, désormais à moins de dix mètres de l’océan. Son article unique vise à rendre éligibles à une indemnisation rétroactive par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRN) ces copropriétaires frappés depuis déjà quatre ans par un arrêté d’interdiction d’occuper l’immeuble en raison de l’érosion dunaire, sans qu’ils aient été expropriés ni même indemnisés. Cet usage dérogatoire du fonds Barnier leur permettrait de bénéficier d’une indemnisation à hauteur de 75% du prix de leur bien. Pour défendre son texte, Françoise Cartron a joué sur la corde sensible, faisant valoir la détresse de "ces gens simples à bout physiquement et nerveusement", "engagés à contrecoeur dans une procédure judiciaire", dont le dernier épisode s’est déroulé devant le Conseil constitutionnel avec le rejet de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le syndicat des copropriétaires - sachant que la procédure est toujours pendante devant le Conseil d’Etat qui devrait se prononcer sur le fond en juin prochain (lire nos articles ci-dessous).

Traitement spécifique versus approche globale

Fruit d’une situation particulièrement "complexe et inextricable", le cas du Signal "appelle un traitement exceptionnel", s’est également défendue la rapporteur Nelly Tocqueville (PS) face à la secrétaire d'Etat à la Transition écologique, Brune Poirson, tout en concédant que "le recul du trait de côte nécessite une réflexion globale". C’est bien là toute la cause de la discorde avec le gouvernent partisan quant à lui d’une solution "globale, complète et équitable". "Nous y parviendrons en offrant aux collectivités territoriales concernées des outils adaptés d'aménagement du territoire et en faisant évoluer le cadre juridique existant pour mieux prendre en compte le recul du trait de côte dans les documents d’urbanisme", s’est expliquée la secrétaire d’Etat. L’horizon de cette nouvelle proposition de loi semble bouché tant les chances d’inscription à l'ordre du jour de l’Assemblée sont réduites. "Pour la troisième fois, nous allons voter un dispositif qui remédie à cette situation dramatique, et, pour la troisième fois, notre vote ne servira à rien. Pour la troisième fois, on nous dit : on verra plus tard…", s’est agacé le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Hervé Maurey, notamment en référence à la proposition de loi portée par le sénateur LR Michel Vaspart adoptée par la chambre haute en janvier dernier. "Il est inadmissible de repousser la solution à plus tard, alors que l'Etat est totalement responsable, à tous les niveaux. On ne peut plus attendre", s’est-il indigné.