Réforme des retraites : les points à retenir dans le texte final

Ce 16 mars au matin, le Sénat approuvait le texte de compromis sur la réforme des retraites que la commission mixte paritaire (7 députés et 7 sénateurs) avait adopté la veille au terme de près de neuf heures de tractations. Un vote acquis par 193 voix contre 114. Direction, ensuite, l'Assemblée nationale, qui ne s'est quant à elle pas prononcée puisqu'après un long suspense, l'exécutif s'est résolu à l'emploi du 49.3 sur la réforme. Dans l'attente des motions de censure qui ne manqueront pas d'être présentées par l'opposition, le point sur les dispositions concernant les collectivités qui ont été introduites au cours du débat parlementaire - essentiellement au Sénat - et restent inscrites dans le texte élaboré par la commission mixte paritaire.

  • Droits sociaux des élus locaux

Les élus locaux qui exercent une activité professionnelle et perçoivent des indemnités de fonction mensuelles brutes inférieures à 1.833 euros mensuels pourront, s'ils le souhaitent, être assujettis aux cotisations de sécurité sociale de base sur les indemnités de fonction qu’ils perçoivent (article 11). Aujourd'hui, ces élus, très nombreux, ne peuvent cotiser qu'à l'Ircantec. Outre la cotisation salariale, il y aura "une cotisation patronale", a précisé René-Paul Savary, rapporteur au Sénat du projet de réforme, lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Autrement dit, la mesure crée une charge pour les collectivités concernées. Mais "il s’agira d’une option et non d’une obligation", a rappelé le sénateur. Par ailleurs, les élus locaux pourront racheter des trimestres de retraite pour des périodes de mandat électoral.

  • Compensation de la hausse des cotisations employeurs

Le principe de la compensation intégrale par l'État de la hausse d'un point des cotisations versées par les employeurs territoriaux et hospitaliers à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) est inscrit à l'annexe A du projet de loi. Les modalités de la compensation seront définies en loi de finances. Pour rappel, la hausse du taux de contribution employeur de 30,65% à 31,65%, qui sera effective l'année prochaine, générera un coût annuel de 460 millions d'euros pour les collectivités locales, à partir de 2024.

  • Reconnaissance de l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires

Les sapeurs-pompiers volontaires qui accomplissent au moins dix années de service, continues ou non, ont droit à "des trimestres supplémentaires pris en compte pour la détermination du taux de calcul de la pension et la durée d’assurance dans le régime" (article 11 bis).

La mesure adoptée en première lecture par le Sénat, avec l'accord du gouvernement, était plus précise : elle prévoyait l'attribution de trois trimestres au bout de dix ans d’engagement, avec une majoration d'un trimestre supplémentaire tous les cinq ans. Le texte adopté par la CMP indique, lui, qu'un décret en Conseil d’État précisera les conditions et les limites de la bonification. Mais, selon la rapporteure du projet de loi à l'Assemblée nationale, Stéphanie Rist, le gouvernement "a pris des engagements". La dépense prévue serait d’environ 30 millions d’euros.

  • Pension améliorée pour les mères de famille

Les mères de famille choisissant de partir à l'âge légal de la retraite, mais ayant cumulé les annuités requises dès un an avant, bénéficieront d'une "surcote" de pension (article 8). Celle-ci ira jusqu'à 5% pour les femmes qui dépasseront les 43 annuités requises, sous l'effet des trimestres maternité et éducation des enfants. Selon le ministre du Travail, Olivier Dussopt, la mesure "profitera à 130.000 femmes par génération, soit 30% d’entre elles".

  • CDI de fin de carrière

Le CDI de fin de carrière ne s'appliquera pas tel que le voulaient initialement les sénateurs. Les organisations d’employeurs et de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel engageront une négociation pour "définir des mesures visant à favoriser l’emploi des seniors demandeurs d’emploi de longue durée" (article 2 bis A). Ils se fonderont sur "un document d’orientation transmis par le ministre chargé du travail". En l’absence d’accord national interprofessionnel conclu avant le 31 août 2023, un CDI de fin de carrière sera mis en œuvre à titre expérimental durant trois ans (du 1er septembre 2023 jusqu’au 1er septembre 2026). Il sera réservé aux demandeurs d’emploi de longue durée âgés d’au moins 60 ans. Les employeurs concernés seront exonérés du paiement des cotisations familiales durant les 12 premiers mois du contrat.

À noter : la discussion parlementaire n'a pas abouti à des évolutions substantielles de la retraite progressive, contrairement aux souhaits des sénateurs. Pour mémoire, le dispositif sera élargi à la fonction publique. Les agents qui le souhaiteront pourront passer à temps partiel à partir de deux années avant l’âge de leur départ en retraite. Ce changement s’effectuera sans perte de rémunération, puisque l’agent touchera "par anticipation une partie de sa retraite".

À ce stade, l'avenir de la réforme des retraites est encore flou. L'annonce du recours au 49-3 par Élisabeth Borne sera en effet suivi par le dépôt de plusieurs motions de censure. Aussitôt après l'allocution de la Première ministre, Marine Le Pen a annoncé que son groupe (Rassemblement national) passera à l'acte. De son côté, la présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, a évoqué une "motion de censure transpartisane", mais aussi une prochaine saisine du Conseil constitutionnel par la Nupes et un référendum d'initiative partagée "qui permet de bloquer la réforme pendant neuf mois". Annonce d'une même "motion transpartisane", également, par Bertrand Pancher au nom du groupe Liot (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires).