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Réouverture des lieux culturels : le Sénat plaide pour une "reprise rapide et raisonnée"

La mission sénatoriale d'information sur les restrictions d'activités dans le secteur culturel a présenté ses conclusions et douze propositions. Pour les sénateurs, la reprise impliquera pour l'heure "un mode dégradé avec des jauges progressives". Et devra se faire en deux temps, en commençant par les formats assis. Ils préconisent une approche territorialisée, sous la houlette du préfet en concertation avec les collectivités.

Présidée par Bernard Jomier, sénateur (PS) de Paris, la "mission commune d'information destinée à évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d'activités" dans le secteur culturel a présenté le 13 avril ses conclusions adoptées le matin même en commission. A l'occasion de cette conférence de presse, le rapporteur, Roger Karoutchi (LR, Hauts-de- Seine) – le second rapporteur, Jean-Michel Arnaud (UC, Hautes-Alpes) ne l'ayant rejoint qu'en toute fin de réunion –, a détaillé douze "propositions pour la réouverture des lieux culturels". Un corpus qui se veut résolument pratique et cherche à concilier reprise de la vie culturelle, soutien aux acteurs culturels et prise en compte de la diversité territoriale de la crise sanitaire et de ses évolutions.

Une "blessure" qui ne se referme pas

La présentation ne s'est pas attardée sur le constat, tant est partagé celui d'un "impact très fort de la fermeture des établissements culturels et de l'interdiction des grands rassemblements", tout en reconnaissant que l'État et les collectivités ont su réagir pour soutenir le secteur. Le rapport souligne toutefois le manque cruel de visibilité, qui perdure toujours, mais aussi "la blessure causée par la distinction qui a été opérée, depuis le début de la crise sanitaire, entre les activités considérées comme essentielles à la vie de la Nation et les autres activités". La crainte existe aussi que les Français se détournent de certains modes de consommation culturelle, notamment pour le cinéma, et que les pertes de recettes de 2020 et 2021 obèrent la création culturelle durant un certain temps.

En une quinzaine de pages, le rapport préfère se concentrer sur ses douze propositions. Des propositions qui, selon Bernard Jomier, ont pour objectif de converger vers une "reprise rapide et raisonnée". La philosophie générale est en effet que "la réouverture des établissements culturels ne peut être envisagée que selon un mode dégradé avec des jauges progressives, tant que la situation sanitaire n'est pas sous contrôle ou que la campagne de vaccination n'est pas achevée".

Un rôle clé pour les préfets, en lien avec les collectivités

Sur le calendrier de la reprise, la mission d'information prône une démarche en deux temps. Dans un premier temps, rouvrir les musées et monuments, les cinémas et les salles de spectacles en format assis, dès la levée des mesures du troisième confinement (donc, en pratique, à une date à partir de la mi-mai). L'argument pour cette première série de réouvertures est la possibilité de porter le masque durant les représentations, et l'absence d'échanges verbaux entre spectateurs durant les spectacles ou les visites. Dans un second temps, il s'agit d'"accélérer et amplifier les expérimentations cliniques dans différentes configurations en ce qui concerne les concerts en format debout, afin de déterminer les conditions dans lesquelles les concerts pourraient être de nouveaux autorisés". Interrogé sur la nécessité de cette phase expérimentale alors que des expériences de ce type ont déjà été menées dans d'autres pays de l'Union européenne (UE), Roger Karoutchi a indiqué que ces expériences devaient parfois être regardées avec réserves, n'étant pas toujours concluantes.

Plusieurs propositions portent sur les modalités de la reprise. Ainsi, la mission d'information "ne partage pas l'idée du gouvernement d'une ouverture uniforme par secteur culturel" (les musées, les cinémas, les théâtres, les festivals...). Selon le Sénat, une telle approche ne tient pas compte des différences dans les contextes sanitaires comme dans les jauges des salles. La mission d'information préconise au contraire de soumettre toute réouverture à l'autorisation du préfet, en concertation avec les collectivités territoriales concernées. Elle écarte a priori le risque d'une surcharge des préfectures (et plus encore des Drac) et celui de possibles divergences d'interprétation selon les départements. Faute de directives nationales, le risque serait pourtant alors que la définition d'une doctrine en la matière revienne finalement à la justice administrative, qui n'est pas forcément la mieux armée pour cela. La solution serait la même – et pour les mêmes raisons de pragmatisme – pour les quelques festivals encore envisageables cet été, dont le maintien devrait être apprécié "au cas par cas" par les préfets.

Finis les esquimaux, bienvenue au "pass sanitaire"...

Autre recommandation dans le même esprit : "adapter les jauges par paliers successifs, en fonction du volume, de la disposition et des conditions de ventilation des locaux ou des espaces".

D'autres propositions visent plutôt à assurer le contrôle des règles sanitaires. La mission recommande ainsi de laisser les établissements culturels assurer eux-mêmes le contrôle du respect des gestes barrières et "contribuer à la prise de conscience par leur public de l'importance de ces gestes". Cela malgré l'expérience assez peu concluante en la matière du comportement des spectateurs dans les salles de cinéma après le premier déconfinement du 11 mai 2020.  Dans le même esprit, et pour éviter les risque de brusque affluence, la mission recommande de limiter l'accès des établissements culturels aux seules personnes ayant préalablement réservé leurs billets, y compris pour les musées. Enfin, elle préconise de maintenir fermées toutes les activités annexes aux salles de spectacles présentant un risque de contamination : buvettes, restaurants, et même vente de confiseries durant les séances de cinéma (qui obligent les spectateurs gourmands à baisser leur masque). La reprise de ces activités annexes devrait être alignée sur celle concernant les cafés et restaurants.

Sur la question délicate du "pass", la mission d'information se dit hostile à un "pass vaccinal", tel qu'envisagé par l'Union européenne. Elle préconise, en revanche, la création d'un "pass sanitaire" pour les salles debout ou les festivals. Le distinguo peut sembler subtil, mais ce pass sanitaire ne serait pas un document ad hoc, combinant en fait deux possibilités : soit présenter un certificat vaccinal complet, soit présenter le résultat négatif d'un test récent.

Commencer dès maintenant à penser l'après

Enfin, sur la question des aides de l'État, la mission d'information formule trois propositions. D'une part, maintenir un accompagnement des établissements aussi longtemps que perdurent des restrictions sur leurs jauges. En d'autres termes, ces aides diminueraient au fur et à mesure qu'augmenterait la jauge autorisée pour chaque salle. D'autre part, instaurer une garantie financière de l'État pour le redémarrage des lieux de culture, notamment pour les festivals. Il s'agit très clairement de pallier le désengagement des assurances qui refusent de contracter avec les festivals, face à l'incertitude sur le risque et sur l'ouverture, mais aussi, de façon plus large, de pallier les pertes de recettes afin d'inciter les établissements culturels à continuer à investir dans la création. Interrogé sur la nécessité d'une nouvelle année blanche pour les intermittents, Roger Karoutchi a préféré botter en touche, en expliquant que la question n'"entrait pas dans le champ de la mission". Enfin, la dernière recommandation sur les aides de l'État vise le plus long terme et le possible retour d'une pandémie. Le retour d'expérience et les explications fournies par les épidémiologistes auditionnés incite la mission à recommander la création d'un fonds pour l'équipement des salles en systèmes d'aération et de ventilation plus performants et en soutenant le développement des offres numériques.

 

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