Réseaux sociaux : le Conseil d'État encourage un usage plus intensif par les administrations

Alors que l’Union européenne vient d’adopter un cadre juridique pour la régulation des réseaux sociaux, le Conseil d’État consacre son étude annuelle 2022 à cette thématique des réseaux sociaux, incitant administration et collectivités locales à adopter "un usage plus intensif", à opter pour les réseaux sociaux dits alternatifs et à former leur community manager. 

Au moment où l’Union européenne vient d’adopter deux règlements européens très importants, le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA), qui ont mis en place un cadre de régulation européen ambitieux pour les réseaux sociaux visant à préciser les obligations à la charge des grandes plateformes, le Conseil d’État publie le 27 septembre 2022 une étude sur le sujet. Contre toute attente, il recommande "un usage plus intensif des réseaux sociaux par les administrations, afin de mieux toucher certains publics, mais aussi de favoriser un fonctionnement interne moins vertical et plus coopératif". Une incitation qui n'est pas, il va de soi, à mettre en œuvre sans garde-fous.

Mais tout d'abord, le Conseil d'État revient sur les réseaux sociaux qui seraient la "splendeur de l’expression citoyenne". Les Sages saluent "l’arrivée d’internet et des réseaux sociaux" qui "constitue à l’évidence une révolution dans les modes de communication des citoyens". Ils estiment qu'ils sont devenus "un outil d’information, de mise en œuvre et de promotion de l’action publique, notamment pour toucher des publics plus jeunes" et constatent que "les collectivités territoriales font de plus en plus souvent appel à des community managers en charge de suivre en temps réel l’ensemble des réseaux sociaux en pratiquant une veille constante". Que ce soit pour répondre aux questions des administrés, expliquer les décisions, les recours ou maintenir un lien entre l’institution et le citoyen etc. Le community manager "est un atout indispensable" estiment les Sages. Pour autant, une telle généralisation nécessite de former les fonctionnaires. "À terme, il serait utile que toutes les collectivités territoriales importantes, les administrations centrales et déconcentrées et les services publics fortement présents sur le net disposent d’un tel dispositif", recommandent-ils.

Rapprochement de la collectivité et de ses habitants

Dans cette étude, le Conseil d'État note aussi l'existence d'un observatoire social média des territoires créé pour fournir une analyse comparative de leur présence sur les réseaux sociaux. En cas de crise, les réseaux sociaux se révèlent "précieux pour transmettre des informations rapidement et son usage est encouragé par l’Association des maires de France", citant un article de l'AMF du 17 novembre 2020. En sens inverse, les réseaux sociaux peuvent aussi permettre aux administrés de signaler des difficultés à leur collectivité ou poser des questions. "Ils favorisent ainsi le rapprochement de la collectivité et de ses habitants et peuvent faciliter, à terme, l’identification des besoins des usagers", se félicitent les Sages. L'étude met toutefois en garde contre une utilisation des réseaux sociaux les plus "grand public" car elle "expose aussi ces collectivités à certains risques comme les fausses informations et les trolls".

La question de l’usage des réseaux sociaux par les fonctionnaires dans leur sphère privée ou dans le cadre de leur gestion de carrière est également soulevée. Quid de l’obligation de réserve ? Dans des chartres, certaines collectivités ont rappelé à leurs agents qu'ils peuvent utiliser les réseaux sociaux grand public mais qu'ils doivent "prendre en considération un contexte caractérisé par la perméabilité de la frontière entre cadre professionnel et vie privée et le risque que les contenus soient repris ou relayés par des tiers".

Cap sur les réseaux sociaux "alternatifs"

Le Conseil d'État encourage finalement à un usage des réseaux sociaux dits "alternatifs" par les collectivités, dans certaines situations. Elles "pourraient impulser un changement de pratiques […], au moins pour accomplir leurs missions les plus sensibles telles que la consultation des administrés ou citoyens sur des politiques publiques, la remontée des difficultés, le traitement des réclamations, les échanges de données sensibles, etc. Pour ce faire, il estime qu'il conviendrait "de les sensibiliser notamment aux risques de perte ou de transfert de données que représente l’utilisation de réseaux extra-européens". Pour faire vivre la démocratie locale et utiliser des "civic techs", les Sages désignent les réseaux sociaux alternatifs comme étant les seuls "pour l’instant, à même de proposer un espace suffisamment sécurisé et serein". Il cite "Mastodon" et "Whaller" qui "devraient être promus auprès de tous les partenaires publics […]". Dans cette optique, il encourage à "mettre en œuvre une politique de soutien à l’industrie numérique européenne pour préserver l’autonomie stratégique".