Responsabilité financière des gestionnaires publics et intercommunalité au menu du CFL

Le Comité des finances locales (CFL) a examiné, ce 15 novembre, une série de projets de décrets, dont un très attendu, puisqu'il précise les modalités de la mise en œuvre au 1er janvier prochain de la refonte du régime de responsabilité financière des gestionnaires publics. Les élus locaux membres de l'instance ont aussi auditionné des magistrats de la Cour des comptes sur leur récent rapport sur l'intercommunalité. L'occasion de faire valoir leurs nombreux désaccords avec les constats et les propositions choc de la Cour.

À un mois et demi de l'entrée en vigueur de la refonte de la responsabilité financière des gestionnaires publics, le CFL a examiné un projet de décret pris en application de l'ordonnance du 23 mars 2022 qui a posé les bases de la réforme. Pour l'essentiel, le texte tire les conséquences, dans de très nombreux textes à caractère réglementaires, des modifications apportées par le nouveau régime, dit "unifié", de responsabilité des gestionnaires publics : suppression de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables (et par conséquent des régisseurs), recentrage du champ des infractions aux règles régissant l'exécution des recettes et des dépenses sur celles qui sont constitutives d'une "faute grave causant un préjudice financier significatif", disparition du rôle juridictionnel des chambres régionales des comptes (celles-ci ne jugeront plus les comptes déposés par les comptables publics), création d'une nouvelle juridiction financière (dont les missions seront exercées par la septième chambre de la Cour des comptes)…

Le projet de décret apporte également des précisions sur les modalités de mise en œuvre de certains points de la réforme. Comme la faculté donnée au comptable public de signaler à l'ordonnateur une infraction constituant une faute grave causant un préjudice financier significatif. Le projet de texte prévoit que dans une telle situation, l'ordonnateur "a alors la faculté d’informer le comptable des suites qu’il donne au signalement dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé du budget".

Autre information, concernant cette fois la prise en charge par l'État des déficits qui surviendraient du fait d'une faute commise par le comptable public : lorsque le comptable ou l'un de ses agents sera "condamné conjointement avec un ou des gestionnaires publics" de la collectivité, la prise en charge du déficit ne sera "pas intégrale".

Les régisseurs accueilleront sans doute avec satisfaction le maintien - en dépit de la disparition du principe de la responsabilité personnelle et pécuniaire - de la faculté pour les employeurs territoriaux de leur attribuer une indemnité spécifique, qui sera dénommée "indemnité de maniement de fonds" (on parle actuellement de l'indemnité de responsabilité). On notera en outre que, comme auparavant, les régisseurs seront tenus d'exercer des contrôles en matière de recettes et de dépenses.

Divers textes en matière de fiscalité

Le CFL a été par ailleurs consulté sur un projet de décret pris en application de l'ordonnance du 14 juin 2022, qui a prévu le transfert (au 1er septembre 2022) de la gestion de la taxe d'aménagement à la direction générale des finances publiques (DGFIP). Le projet de texte précise une des dispositions prévoyant que la taxe d'aménagement est assise, liquidée et recouvrée en vertu d'un titre de perception individuel ou collectif émis par le responsable des services fiscaux dans le département.

Un projet de décret sur la taxe annuelle s'appliquant aux parcs éoliens en mer situés sur le domaine public maritime était également soumis à l'avis du CFL. Le projet de texte vise à accélérer le versement du produit de la taxe, dont la moitié bénéficie aux communes littorales d'où des installations sont visibles. La taxe sera perçue en 2023 par les communes concernées par le parc éolien de Saint-Nazaire.

Comme traditionnellement à cette période de l'année, le CFL a traité aussi d'un projet de décret fixant pour l'année en cours le taux d'abattement des bases d'impositions directes locales dont bénéficie La Poste au titre de sa mission d'aménagement du territoire. Et ce alors que l'Association des maires de France (AMF), l'État et la Poste sont engagés dans la discussion du sixième contrat de présence postale territoriale 2023-2025.

Le CFL a émis un avis favorable sur l'ensemble des projets de décret sur lesquels il était consulté.

Positions divergentes sur l'intercommunalité

L'instance était par ailleurs informée de la répartition en 2022 de la dotation spéciale pour le logement des instituteurs (DSI). D'un montant de 5,7 millions d'euros pour cette année, celle-ci bénéficie aux communes et au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), en compensation des charges qui résultent du droit au logement des instituteurs (ceux-ci n'étaient plus que 1.832 en 2021).

Mais l'essentiel de la séance a été consacré à l'audition de Thierry Vught, président de la formation interjuridictions de la Cour des comptes chargée du rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Au cœur des échanges qualifiés de "polis" par l'entourage d'André Laignel, le président du CFL : le deuxième fascicule du rapport annuel pour 2022, que la Cour a publié fin octobre, et qui est largement consacré à l'intercommunalité. Les élus ont dit clairement au magistrat financier qu'ils "ne partagent pas" la vision de l'institution, celle-ci mettant l'accent sur "une intercommunalité obligatoire", qui comporte "un nombre de compétences défini" et "répartit les finances". Ils ont aussi contesté, entre autres, le vœu formulé par la Rue Cambon que les groupements à fiscalité propre deviennent la "locomotive du bloc communal". Ce résultat correspondrait à "l'inverse de la logique première de l'intercommunalité : celle-ci est un EPCI [établissement public de coopération intercommunale] au service des communes", fait valoir un proche d'André Laignel.

Nul doute que de telles critiques seront entendues lors du prochain congrès des maires de France et notamment à l'occasion du débat qui sera consacré, le 23 novembre, au sujet de l'organisation intercommunale. Un temps fort qui lance la réflexion avec ce slogan : "Faire du sur-mesure pour mieux agir".

 

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