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Sécurité des manifestations culturelles : la mission flash de l'Assemblée plaide pour des clarifications

La commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a adopté, le 20 février, les conclusions de deux députés d'une "mission flash" sur "les nouvelles charges en matière de sécurité pour les festivals et les salles de spectacle". Des préconisations qui tombent à point nommé alors que deux syndicats demandent l'annulation de la circulaire de Gérard Collomb du 15 mai 2018 relative à l'indemnisation des services d'ordre qu'ils accusent d'être "un prétexte pour réévaluer à la hausse la facturation des prestations, au point de fragiliser l'équilibre financier de certains évènements, y compris les plus réputés". Les mesures de sécurité représentent un surcoût de l'ordre de 3% pour les festivals de musiques actuelles et la mise en place du fonds d'urgence après les attentats de 2015 ne suffit pas à le compenser.

Alors que les deux syndicats du secteur des musiques actuelles - SMA (Syndicat des musiques actuelles) et Prodiss (Syndicat national du spectacle musical et de variété) - demandent, devant le Conseil d'Etat, l'annulation de l'instruction de Gérard Collomb du 15 mai 2018 relative à l'indemnisation des services d'ordre (voir notre article ci-dessous du 4 décembre 2018), la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a adopté, le 20 février, les conclusions d'une "mission flash" sur "les nouvelles charges en matière de sécurité pour les festivals et les salles de spectacle". La mission a été menée par Brigitte Kuster, députée (LR) de Paris, et Bertrand Bouyx, député (LREM) du Calvados.

Un prétexte pour réévaluer à la hausse les prestations de sécurité ?

Les deux députés reconnaissent d'ailleurs que "les organisateurs de festivals ont eu le sentiment que la circulaire était un prétexte pour réévaluer à la hausse la facturation des prestations, au point de fragiliser l'équilibre financier de certains évènements, y compris les plus réputés". Après avoir rappelé le rôle et les responsabilités des différents intervenants dans la sécurité des manifestations culturelles et des salles de spectacle - organisateurs, maires, préfets, forces de sécurité... - et distingué les différents cas de figure - sécurité des abords, sécurité à l'intérieur de la salle ou de la manifestation... -, les rapporteurs rappellent les termes de l'article L.211-11 du code de la sécurité intérieure (issu de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité) : "Les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif peuvent être tenus d'y assurer un service d'ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie. Les personnes physiques ou morales pour le compte desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des services d'ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l'ordre sont tenues de rembourser à l'Etat les dépenses supplémentaires qu'il a supportées dans leur intérêt".

Une règle à géométrie variable

Le problème est que cette règle a été appliquée "de façon assez aléatoire dans le secteur culturel, selon les préfectures et en fonction des contraintes politiques locales", d'où la circulaire ministérielle du 15 mai 2018, qui était d'ailleurs réclamée par de nombreux acteurs du secteur culturel pour clarifier les choses. Mais la difficulté vient de la définition du "périmètre missionnel", autrement dit le lien de causalité entre la manifestation et les actions de sécurité.
En termes financiers, les rapporteurs reconnaissent que "les mesures de sécurité représentent un coût très important que les organisateurs de spectacles et festivals ont du mal à assumer". Ce surcoût est en moyenne de l'ordre de 3% pour les festivals de musiques actuelles et la mise en place du fonds d'urgence après les attentats de 2015 ne suffit pas à le compenser. En outre, l'application de la circulaire a parfois été un peu rigide, malgré le communiqué des ministres de l'Intérieur et de la Culture appelant à faire preuve de "discernement" (voir notre article ci-dessous du 4 décembre 2018). Le rapport cite ainsi l'exemple des Eurockéennes de Belfort, pour lesquelles le montant facturé au titre de la sécurité est passé de 30.000 euros en 2017 à 250.000 euros en 2018...

Des mesures dès la saison des festivals 2019

Forts de ce constat, les rapporteurs formulent donc un certain nombre de propositions. Ils préconisent ainsi de prolonger et d'abonder le fonds d'urgence, mais en le réorientant vers l'investissement en matière de sécurité. Face aux incertitudes dans la mise en œuvre du cadre juridique, ils recommandent aussi de clarifier la loi, d'harmoniser les pratiques et d'anticiper l'emploi des services d'ordre indemnisés. Cela pourrait passer, entre autres, par des éclaircissements sur la notion de "lucrativité" des spectacles (utilisée dans l'article L.211-11 du code de la sécurité intérieure) et par une définition plus précise de la notion de périmètre missionnel. Enfin, le rapport propose de mieux associer et accompagner le secteur de la sécurité? privée - très présent dans les manifestations culturelles -, grâce à une meilleure coordination avec les forces nationales de sécurité.
Dans l'immédiat, le ministère de la Culture et celui de l'Intérieur doivent se concerter en vue des festivals de 2019. Sur le terrain, les préfectures et les organisateurs "doivent se rencontrer le plus en amont possible afin d'anticiper les coûts des services d'ordre". Et lorsque les coûts de la sécurité mettent en péril l'existence des festivals, l'augmentation des remboursements doit être étalée dans le temps, afin que l'organisateur puisse intégrer ces coûts dans son modèle économique.
 

 
 

 

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