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Social : Emmanuel Macron livre son discours de la méthode et trace des pistes, en attendant les annonces

Le chef de l'Etat a profité de son discours devant la Mutualité française pour livrer sa vision de l'ensemble du champ social et sanitaire, notamment sur la lutte contre la pauvreté et l'insertion, mais aussi la dépendance et l'accès aux soins.

Intervenant ce 13 juin devant le 42e congrès de la Mutualité française à Montpellier, Emmanuel Macron a délivré une sorte de discours de la méthode sur sa politique sociale. Un choix qui s'explique par la polémique sur les "aides sociales", un terme utilisé actuellement à toutes les sauces et parfois à contresens et que le chef de l'Etat s'est d'ailleurs bien gardé de reprendre. Il tient aussi à la pression qui se développe depuis quelques semaines quant à la nécessité d'un rééquilibrage de la politique et du discours du chef de l'Etat sur le volet social du quinquennat. L'intervention d'Emmanuel Macron avait d'ailleurs été précédée ces derniers jours d'une série de propos et "petites phrases" de ministres ou de proches du président atour de ces questions.

Droits formels et droits réels

Comme le voulait l'exercice devant les représentants des organismes mutualistes, le chef de l'Etat a bien sûr évoqué les réformes en cours et annoncées sur la diminution, voire la suppression, du reste à charge sur des prestations comme l’optique, les soins dentaires et les prothèses auditives. Mais Emmanuel Macron a très vite débordé le cadre de la prise en charge par l'assurance maladie et les mutuelles pour livrer sa vision et ses perspectives sur l'ensemble du champ social. Sans, pour autant, annoncer de mesures précises, celles-ci étant renvoyées à divers événements programmés pour les prochaines semaines ou les prochains mois.
"Notre système est plus inégal qu'il y a 30 ans, plus déterministe", a-t-il expliqué. "S'attaquer aux inégalités c'est s'attaquer à leurs racines, bousculer une société de statuts, vouloir réinventer. [...] Ce que je veux pour ce quinquennat, c'est le combat d'une vie digne, ça ne veut pas dire promettre de rester là où on est né, là où on est tombé. Nous devons bâtir un Etat providence de la dignité et de l'émancipation" grâce à une "révolution profonde qui redonne aux Français leurs droits".
Le chef de l'Etat a notamment repris le distinguo entre les droits formels, "qui souvent n'existent que sur le papier", et les droits réels. Il rejette cependant l'opposition entre les tenants de la protection sociale et ceux de l'économie libérale : "Il ne faut pas considérer qu'il y aurait d'un côté ceux qui croient dans la transformation sociale et qui aligneraient les lignes de crédit et ceux qui n'y croient pas et qui seraient forcément pour réduire les dépenses."

La baisse des crédits d'insertion montrés du doigt

Emmanuel Macron a illustré à la fois sa politique et sa méthode sur trois sujets. Sur le RSA, il a rappelé que "nous avons, ces dix dernières années, augmenté le RSA de 80% et nous avons baissé l'accompagnement de 40%, en termes de dépenses", la seconde partie de la phrase visant clairement les départements. De la même façon, il souligne le contraste entre, d'un côté, les "50% de celles et ceux qui sont au RSA et qui, après quatre années, sont toujours au RSA" et les "30% de femmes et d'hommes qui ne vont pas vers les prestations qui leur sont promises, parce qu'elles sont trop complexes ou stigmatisantes". Sans entrer dans le détail à ce stade, le chef de l'Etat a insisté sur la nécessité d'avoir "plus de prévention, d'accompagnement". Les mesures en la matière devraient figurer dans la stratégie de lutte contre la pauvreté qu'il doit présenter au début du mois de juillet et qui pourrait donc couvrir un champ plus large que la seule pauvreté des enfants et des jeunes évoquée à l'origine.
Olivier Noblecourt, le délégué interministériel en charge de la lutte contre la pauvreté, avait d'ailleurs levé un coin du voile la veille, en indiquant à l'AFP qu'un "versement social unique" pourrait être mis en œuvre en 2019 ou 2020, en rapprochant le RSA, l'allocation adulte handicapé (AAH) et la prime d'activité, voire les aides personnelles au logement qui feront l'objet d'un nouveau calcul l'an prochain. Ce versement social unique - mesure de simplification technique - constituerait une première étape avant une éventuelle allocation sociale unique, beaucoup plus complexe à mettre en œuvre et qui n'est pas encore arbitrée.
Le terme d'"accompagnement" a été l'un des principaux leitmotive de ce discours de Montpellier. "Les engagements monétaires doivent être complétés par de l'accompagnement, de la présence", auprès des personnes les plus vulnérables, a dit le chef de l'Etat. "Nous devons assumer d'avoir un accompagnement social", "passer d'une logique de guichet à une logique d'accompagnement", a-t-il ajouté, évoquant l'"échec" des politiques passées et plaidant pour une "transformation de la place du travail social".
Le second mot-clef du credo présidentiel : "responsabilisation". Responsabiliser les acteurs et responsabiliser les bénéficiaires de minima sociaux, notamment en privilégiant à tout prix le retour au travail. Emmanuel Macron s'est d'ailleurs félicité que "des collectivités territoriales expérimentent" des formes de retour à l'emploi, se référant probablement au dispositif "territoires zéro chômeur".

Dépendance : "construire un nouveau risque"

Sur la dépendance, Emmanuel Macron a évoqué à nouveau la possibilité de création d'un cinquième risque, sans toutefois l'annoncer officiellement. "Il nous faut construire un nouveau risque", a-t-il en tout cas déclaré. Les annonces en ce domaine devraient intervenir au début de l'année 2019, à l'issue de la concertation lancée par Agnès Buzyn pour compléter la "feuille de route" en faveur des Ehpad présentée le 31 mai. Dans son intervention, le chef de l'Etat a annoncé qu'une loi sur la dépendance pourrait alors être présentée au début de l'an prochain. Au-delà du symbole, la création d'un cinquième risque constituerait au demeurant un changement limité, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et ses 25 milliards d'euros de budget présentant déjà toutes les caractéristiques d'une branche de la protection sociale, sous réserve d'une affection directe des ressources qui lui sont aujourd'hui transférées par l'assurance maladie.
Enfin, sur l'hôpital, le président de la République a évoqué "une réorientation de l'organisation du dispositif de soins, afin de traiter les pathologies très en amont, afin de repenser notre organisation collective". Il s'agira en l'occurrence de "passer de la logique d’une cartographie trop rigide" à une logique fondée sur la "demande" et "plus individualisée".
Emmanuel Macron a notamment appelé les professionnels de santé à s’organiser en réseaux et à "décloisonner médecine de ville et hôpital". Ces orientations devraient se concrétiser dans une annonce prévue pour cette été, aux termes de la concertation menée par la ministre des Solidarités et de la santé dans le cadre de la "stratégie de transformation du système de santé", lancée le 9 mars dernier. Ces mesures devraient également prendre en compte le plan pour l'égal accès aux soins dans les territoires, présenté en octobre dernier, et le plan "Priorité prévention" présenté le 26 mars.

 

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