Suppression de la CVAE : doutes des élus locaux sur la pérennité d'une partie de la compensation

La compensation de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) a été au cœur des débats de la séance que le comité des finances locales (CFL) a tenue ce 21 mars. Les élus locaux ont exprimé de vives craintes, pointant le risque qu'une partie de la compensation accordée cette année soit remise en cause ultérieurement.

La Direction générale des collectivités locales (DGCL) et la Direction générale des finances publiques (DGFIP) ont levé un coin du voile, ce 21 mars, sur les modalités de compensation par l'Etat, en 2023, de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

L'Etat va verser au bloc communal et aux départements un montant total de 11,265 milliards d'euros cette année, en compensation de la suppression de cette imposition, ont précisé les représentants de Bercy lors d'une séance plénière du Comité des finances locales (CFL). Au nom d'une "compensation à l'euro près", ce montant correspond à la somme que l'Etat a collectée en 2022, au titre de la CVAE, et qu'il aurait reversée cette année aux collectivités et à leurs groupements, dans l'hypothèse où cette ressource aurait continué à leur être affectée.

Selon plusieurs sources concordantes contactées par Localtis, la part prépondérante de la compensation (un peu plus de 10 milliards d'euros) correspond à un "socle garanti", calculé sur la base de la moyenne des recettes de CVAE sur la période 2020-2023. S'y ajoute une part de TVA d'un montant un peu supérieur à 600 millions d'euros, qui sera répartie selon les critères de répartition employés pour la CVAE. A savoir : un tiers pour la valeur locative foncière et deux tiers pour les effectifs salariés. Ce point est précisé par un projet de décret qui était soumis ce 21 mars à l'avis du CFL. Sur les 11,265 milliards d'euros devant être compensés, les collectivités et leurs groupements vont donc percevoir, en 2023, un total de 10,6 milliards d'euros sous forme de TVA.

Mission confiée aux inspections de l'Etat

Le solde (650 millions d'euros) sera compensé d'une autre manière. Conformément à ce que le gouvernement avait annoncé dès l'automne dernier, 500 millions d'euros de compensation sont dédiés en 2023 au fonds vert, qui vient d'être lancé, et 150 millions d'euros le sont aux services d'incendie et de secours (Sdis). Problème : le gouvernement n'a pas apporté de garanties concernant la pérennité de ces engagements. En outre, de tels financements "posent question" pour les élus locaux. "Dans l'hypothèse où la CVAE aurait été maintenue, l'Etat aurait de toute façon soutenu les Sdis, au vu des très forts incendies de l'été dernier", pointe Paul Simondon, adjoint à la maire de Paris et membre du comité. Les recettes qui viennent abonder le fonds vert iront à la section d'investissement - et non à la section de fonctionnement - des budgets locaux de leurs bénéficiaires, fait-il aussi observer. "Ceux qui sont perdants avec la réforme et ceux qui bénéficient du fonds vert ne sont pas exactement les mêmes", complète Sébastien Miossec, maire de Riec-sur-Bélon (Finistère) et, lui aussi, membre du CFL.

"Il y a eu une discussion assez importante et quelques difficultés de la part de l'administration à justifier la présentation qu'il a faite du périmètre de la compensation", relate l'adjoint à la maire de Paris. Au total, le projet de décret, dont le contenu (limité à la "répartition du fonds national d’attractivité économique des territoires") n'était pas véritablement en cause, n'a recueilli aucune voix pour (une voix contre et six abstentions).

Mise sur pied en début d'année, une mission conjointe de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'administration doit remettre prochainement des préconisations au gouvernement sur les critères de répartition de la croissance de la part de la TVA qui compensera à partir de 2024 la suppression de la CVAE. Les critères fixés pour 2023 pourraient ainsi évoluer, toutefois dans des proportions qui ne sont pas connues. En effet, la prise en compte des effectifs salariés poserait des problèmes méthodologiques, tandis que celle des valeurs foncières se trouve percutée par la mise en œuvre du principe du "zéro artificialisation nette" (ZAN), qui tend à limiter l'extension urbaine.

Performance environnementale des nouveaux logements sociaux

Lors de la séance, les élus locaux se sont également abstenus à l'unanimité sur un projet de décret prévoyant un durcissement des critères du dispositif incitant les constructions neuves dans le parc locatif social à avoir une performance énergétique et environnementale élevée. En cas de respect de critères de qualité environnementale renforcés, les bailleurs sociaux bénéficieront d'une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties de 25 ans (contre 15 ans dans le droit commun).

Reste que l'exonération est très partiellement compensée par l'Etat, entraînant une perte de recettes significative pour le bloc communal. C'est là où le bât blesse et les élus locaux tenaient à le faire savoir au gouvernement. En outre, ils se sont interrogés sur les réelles intentions de celui-ci. "Entend-il inciter et aider les bailleurs sociaux à être vertueux sur le plan environnemental, ou y a-t-il une perspective d'économie budgétaire ?", se demande par exemple Paul Simondon. L'interrogation est légitime, car au vu de l'étude d'impact fournie par le gouvernement, la proportion de constructions neuves qui rempliront les critères liés au dispositif pourrait passer de 80% à 25% ou 30%.

 

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