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Territoires zéro chômeur de longue durée : l'extension de l'expérimentation pourrait être annoncée à la rentrée

Plus de 500 personnes ont été recrutées par les entreprises à but d'emploi des dix territoires de l'expérimentation nationale contre le chômage de longue durée. Et quelque 50 territoires pourraient rejoindre la dynamique, dans le cadre d'une deuxième loi qui serait portée par des parlementaires ou le gouvernement. Ce dernier devrait préciser ses intentions en septembre, en présentant ses dispositions pour lutter contre la pauvreté et développer l'économie sociale et solidaire. 

A Loos et Tourcoing, l'entreprise à but d'emploi (EBE) créée dans le cadre de l'expérimentation "Zéro chômeur de longue durée" vient de passer le cap des 100 emplois créés. 106 personnes, exactement, étaient auparavant au chômage depuis plus d'un an et ont pu accéder à un emploi correspondant à leurs aspirations et compétences.
Alors que le gouvernement a manifesté à plusieurs reprises son intérêt pour l'expérimentation, encore le 5 juillet en la personne de Christophe Itier, haut-commissaire à l'économie sociale et solidaire, l'extension de l'expérimentation, dont il avait été question dès la première loi qui n'avait permis de retenir que dix territoires, serait désormais à l'ordre du jour. "On espère un projet de loi ou une proposition de loi, qui serait ciblé sur le dispositif", a confié à Localtis Laurent Grandguillaume, président de l'association Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD). L'ancien député, à l'origine de la loi de 2016 ayant permis à l'expérimentation nationale de démarrer, peut aujourd'hui compter sur le soutien de 85 parlementaires. Quant au gouvernement, il a reporté à septembre toutes ses annonces relatives à la stratégie de lutte contre la pauvreté et au pacte de croissance pour l'économie sociale et solidaire ; peut-être pour se laisser le temps de préparer quelques mesures emblématiques, dont l'extension de l'expérimentation en question.
Une centaine de territoires seraient intéressés et, parmi eux, la moitié serait déjà dans une dynamique de projet, certains depuis plusieurs mois. Le montage d'un tel dossier prend du temps, deux ans environ, selon l'association TZCLD qui rappelle que le but est bien de toucher les personnes qui ont "disparu des radars", dont certaines ne perçoivent même par le revenu de solidarité active.

Évaluer l'impact pour les personnes concernées et le territoire dans son ensemble

En attendant, plusieurs démarches d'évaluation sont en cours, pour appréhender l'impact global d'un tel projet : impact de la reprise d'activité pour la personne concernée, mais aussi impact pour la collectivité et le territoire dans son ensemble. L'objectif final de l'expérimentation est bien d'"activer" la dépense sociale, par un projet qui crée de l'emploi pour des personnes qui auraient pu pour certaines ne jamais retravailler.
A la Fabrique de l'emploi de Loos et Tourcoing, les domaines d'activité sont variés : garage solidaire, maraichage urbain et espaces verts, épicerie sociale, ressourcerie, services aux habitants… La métropole européenne de Lille, qui pilote le comité local de l'expérimentation, a mis en avant plusieurs témoignages de salariés. Celui d'une femme heureuse d'avoir pu retrouver du travail à 57 ans, celui d'un jardinier amateur devenu maraîcher et préparant un projet pour "redonner le goût des bons produits aux enfants", ou encore celui d'une jeune femme "de nature introvertie" disant sa fierté de se dépasser dans son travail. Autant de premières victoires pour l'association ATD Quart Monde et l'ensemble des partenaires (1) ayant imaginé le dispositif "Territoires zéro chômeur de longue durée".

Mauléon et Pipriac proches du "zéro chômeur de longue durée"

Engagés pour cinq ans dans l'expérimentation, les dix premiers territoires désignés par l'ancienne ministre du Travail fin 2016 se sont organisés pour mettre en œuvre les grands principes de la démarche : mobiliser les personnes les plus éloignées de l'emploi, fédérer les acteurs du territoire autour du projet, développer des activités utiles sans concurrencer les entreprises locales...
Alors que les premières EBE ont commencé à recruter en janvier 2017, 521 personnes étaient embauchées sur les dix territoires au 31 mai 2018. Un bilan mensuel détaille les effectifs et activités par entreprise. Certains territoires ruraux – Mauléon et Pipriac, engagés depuis l'origine – devraient parvenir '"à l'exhaustivité" à l'automne prochain, c'est-à-dire à embaucher toutes les personnes volontaires, nous précise l'association TZCLD. Le "zéro chômeur" sera forcément plus long à mettre en œuvre dans d'autres territoires, dans l'agglomération lilloise ou à Villeurbanne par exemple.

Enrichir l'activité en permanence pour continuer à recruter

Les entreprises étant multi-activités, les domaines d'intervention sont nombreux - patrimoine, transport de personnes, médiation et lien social, services aux entreprises, artisanat, tourisme… -, avec l'objectif de se glisser dans les "interstices", de proposer de nouveaux services ou de compléter l'offre existante, la collectivité et les entreprises n'ayant pas la possibilité de répondre à l'ensemble des besoins.
L'association TZCLD juge ces débuts "très positifs", tant sur la dynamique locale que sur la structuration des EBE. Pour ces dernières, le challenge serait de créer en permanence de l'activité – et donc d'adapter les locaux, le matériel, etc. - pour pouvoir recruter, tout en cherchant un équilibre entre des prestations vendues au prix du marché et des services destinés à être accessibles à tous. Recevant actuellement 18.000 euros de l'État par an et par personne – sur une charge totale estimée entre 23 à 25.000 euros -, les entreprises devront progressivement augmenter leur part d'auto-financement. Certaines reçoivent aussi d'autres aides de collectivités, de fondations d'entreprises ou d'organismes comme l'Ademe sur des projets ciblés. Engagées dans le pilotage local - le comité local étant présidé par un élu -, les collectivités soutiennent également les entreprises en étant leurs clientes ou encore par la mise à disposition de locaux.

(1) Le Secours catholique, Emmaüs France, Le Pacte civique et la Fédération des acteurs de la solidarité.