Toilettes scolaires : une enquête pose un diagnostic préoccupant

Une enquête de la Fédération nationale des délégués départementaux de l'Éducation nationale met en lumière les carences des toilettes dans les écoles maternelles et élémentaires. Le manque d'intimité et le nettoyage sont les principaux points noirs.

"Il faut briser l’omerta !" C'est le cri d'alarme lancé par la Fédération nationale des délégués départementaux de l'Éducation nationale (FNDDEN) à propos des toilettes scolaires. En avril 2022, cette association qui regroupe 16.000 bénévoles, chargés par l’inspecteur d’académie de visiter les écoles et d'informer sur leur état, estimait qu'en la matière il existait "un manque criant d'équipements" et que "les toilettes [n'étaient] pas toujours dans un bon état de fonctionnement". Pour établir un diagnostic précis de la situation, la FNDDEN a mené une enquête à laquelle 4.149 écoles maternelles et élémentaires ont répondu et dont les résultats viennent d'être publiés.

En ce qui concerne les écoles maternelles, l'enquête affirme tout d'abord que "le nombre de toilettes comme le nombre de points d’eau équipés semblent globalement suffisant". Par ailleurs, si les blocs sanitaires sont facilement accessibles, elle constate que "pas ou très peu de cabines sont adaptées au handicap moteur alors que c’est une obligation légale".

Un seul nettoyage par jour

Toujours en maternelle, l'aspect des toilettes est globalement jugé "accueillant, propre et suffisamment éclairé". En revanche, le système d’assainissement "est souvent défaillant [et] engendre des émanations d’odeurs désagréables qui génèrent une non-utilisation des lieux par bon nombre d’enfants". Autre manque relevé par l'enquête : l'absence de cabines basses ou des cloisons latérales parfois absentes entre les urinoirs, ce qui fait dire à la FNDDEN que "l'intimité n’est donc pas toujours respectée". En outre, l'association note "l'absence de tailles différentes pour les urinoirs et un nombre insuffisant de lavabos le plus souvent non pourvus d’eau chaude". En revanche, "les consommables sont présents ainsi que des poubelles et meubles de rangement pour rechange".

Le principal problème mis en lumière en maternelle est le nettoyage : "Il n’est pratiqué qu’une seule fois par jour dans la majorité des écoles." Et la FNDDEN de déplorer que "si le périscolaire ou autre(s) organisme(s) utilisent les lieux, aucun nettoyage n’est vraiment prévu après leur passage dans les blocs".

L'enquête réalise par ailleurs un focus sur les Atsem (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles) qui, dans l’éducation à l’hygiène, ont "un rôle avéré et incontestable". Or ces personnels apparaissent en "relatif déficit", puisque dans 54,28% des écoles visées par l'enquête on dénombre moins de un Atsem par classe, ce qui ne permettrait pas de faire progresser les enfants vers l'"autonomie dans le respect de son intimité".

Inertie des pouvoirs municipaux

Sur les sanitaires des écoles élémentaires, si l'enquête avance que "la localisation et l’accessibilité des sanitaires sont considérées correctes", elle déplore le "manque d’intimité, de consommables, de poubelles dans les cabines notamment chez les filles, [et des] toilettes aux normes 'handicap' insuffisantes surtout chez les filles". Le nombre de points d’eau chaude et froide est par ailleurs jugé "nettement insuffisant en période épidémique".

Alors que 70% des utilisateurs estiment les sanitaires "propres", ici encore surgit le problème "récurrent et persistant" des émanations d’odeurs incommodantes qui "met en relief l’inertie des pouvoirs municipaux à régler la situation et leur manque de respect en direction des usagers de l’école et en premier lieu les enfants".

Enfin, on apprend que 7 à 8% des adultes utilisent les toilettes des élèves, "ce qui reste anormal et objet d’interrogations", pointe l'enquête. Toutefois, celle-ci ne relève pas de "remontées significatives concernant l’insécurité ressentie dans ces lieux" mais note que "selon l’appréciation des adultes, la surveillance de l’extérieur n’est pas aisée et semble nettement insuffisante".

Plus généralement, les enquêteurs se disent "étonnés que le sujet des sanitaires ne soit pas abordé dans 100% des conseils d’école", alors que, selon eux, le sujet devrait pouvoir y être débattu en présence d’élus municipaux. Cette absence de dialogue a d'ailleurs une conséquence directe : "Dans la majorité des cas, aucuns travaux ne sont prévus pour améliorer les lieux. D’ailleurs, pas ou très peu de budget spécifique existe pour faire face aux problèmes de rénovation des sanitaires."

8 enfants sur 10 se retiennent d’aller aux toilettes

Après le diagnostic,  la FNDDEN propose une "remédiation sur trois axes". Selon elle, il convient tout d'abord d'agir sur la conception, la réhabilitation et l’équipement des toilettes. Elle préconise par exemple un nettoyage après chaque récréation. Le deuxième axe porte sur la surveillance. Sur ce point, l'association estime que "cet espace doit assurer un maximum d’intimité et de confort aux enfants, ces derniers craignant d’être vus aux toilettes. Des vitres et portes vitrées, judicieusement disposées, doivent permettre une surveillance effective mais discrète pour prévenir et interdire jeux et harcèlement". Enfin, le troisième axe vise à éduquer à la santé et plus particulièrement à l’hygiène. Parmi les douze points d'amélioration, la FNDDEN n'oublie pas les finances publiques, puisqu'elle préconise d'"évaluer les coûts [des aménagements] pour la commune".

L'enquête de la FNDDEN met bien évidemment l'hygiène au centre du débat. Mais la question est en réalité bien plus vaste. "La fréquentation des sanitaires scolaires participe à la satisfaction des besoins fondamentaux des élèves dont le non-assouvissement entraîne des répercussions sur les fonctions supérieures et donc sur les apprentissages, conclut l'étude. Il apparaît que huit enfants sur dix se retiennent d’aller aux toilettes à l’école ce qui entraîne des troubles physiques (fuites et infections urinaires, maux de ventre, constipation, etc.) et un manque de concentration au travail." Autrement dit, améliorer l'hygiène des toilettes scolaires, c'est aussi faire un pas en faveur de l'égalité des chances à l'école…