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Tout le littoral bientôt zone interdite ?

Entre arrêtés préfectoraux et arrêtés municipaux, bien au-delà du seul accès aux plages, les territoires touristiques du littoral font l'objet d'un nombre croissant d'interdictions, entre autres en matière d'hébergement touristique. Tour d'horizon.

Alors que le discours sur la crise sanitaire multiplie les références à la guerre, d'aucuns pourraient être tentés de faire le lien entre les interdictions d'accès qui se multiplient sur tout le littoral et celles qui prévalaient lors de la dernière Guerre mondiale sur le littoral atlantique et son tristement célèbre mur. La comparaison est certes poussée mais, en ces temps de confinement renforcé, accéder au littoral devient de plus en plus difficile, y compris parfois pour ceux qui y vivent. Désormais, ce ne sont plus seulement les plages qui sont inaccessibles (voir notre article ci-dessous du 19 mars 2020), c'est tout le littoral qui le devient peu à peu. Tour d'horizon...

Le mouvement part des îles...

Le mouvement a commencé avec les îles "envahies" par des habitants des grandes villes, et notamment des Franciliens venus se confiner dans des conditions moins exiguës. Dès le 17 mars, la plupart des maires de l'île de Ré ont ainsi pris un arrêté pour interdire l'accès des non professionnels aux plages, ainsi que parfois aux pistes cyclables en dehors des bourgs et à d'autres lieux publics, comme les espaces naturels de la commune. Pour le maire de La Couarde-sur-Mer, "le confinement, ce n'est pas les vacances".

Ce confinement s'est élargi et durci d'un cran dès le 19 mars, avec un arrêté du préfet de la Charente-Maritime interdisant l'accès à toutes les plages et tous les plans d'eau du département. Nouvel arrêté le 20 mars, élargissant l'interdiction d'accès aux chemins et sentiers côtiers, aux espaces dunaires, aux canaux, aux forêts et cales de mise à l'eau des bateaux situés sur le littoral, et cela sur l'ensemble du territoire du département, sauf motif professionnel justifié. Interdiction valable également pour la fréquentation à pied, à vélo ou en voiture de l'ensemble des espaces publics artificialisés du littoral : ports, quais, jetées, esplanades, remblais et fronts de mer, sauf motif professionnel justifié.

... avant de gagner tout le littoral

Avec l'approche des vacances de printemps en Île-de-France et en Occitanie, les interdictions ont progressivement gagné tous le littoral océanique, jusqu'aux Pyrénées-Atlantiques. Dans cette perspective, les interdictions ne visaient plus seulement l'espace public, mais aussi la réservation de chambres d'hôtels, les locations meublées ou tout autre logement destiné à la location saisonnière. Précision des quatre préfectures concernées : cette interdiction "ne concerne pas l'hébergement au titre du domicile régulier des personnes qui y vivent, l'hébergement d'urgence ou pour besoins professionnels". Dans les Landes, l'interdiction a toutefois été étendue aux communes limitrophes de celles du littoral. Au total, ces mesures couvrent 143 communes de la Nouvelle-Aquitaine.

Plus au nord, les locations de vacances ont également été interdites sur le littoral de la Vendée et de la Loire-Atlantique, ainsi que sur celui des quatre départements bretons (Côtes-d'Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine et Morbihan). La Méditerranée n'est pas en reste et va même plus loin, puisque les locations touristiques sont interdites sur la totalité du territoire départemental dans les Bouches-du-Rhône, en Corse, dans le Var, ainsi que dans les Alpes-de-Haute-Provence et dans le Vaucluse, deux départements assez éloignés de la mer. Seules les Alpes-Maritimes ont pris une mesure plus limitée, en cantonnant l'interdiction aux seules communes du littoral et à celles de plus de 10.000 habitants. Le préfet de Corse a, en outre, indiqué à l'AFP que "parallèlement, avec les collègues préfets de la Côte d'Azur, nous renforçons encore les contrôles à l'embarquement, que ce soit en avion ou en bateau". Toutes ces mesures sont généralement prises jusqu'au 15 avril, mais ne devraient pas manquer d'être prolongées avec l'extension annoncée de la période de confinement.

Les maires interdisent à leur tour

À ces décisions préfectorales peuvent s'ajouter des décisions prises par les maires de certaines villes. À Chamonix par exemple, c'est le maire, Éric Fournier, qui a pris, le 7 avril, un arrêté pour interdire toute location saisonnière jusqu'à la fin de la période de confinement. Interrogé par le journal local "Le Messager", le maire reconnaît toutefois que "c'est un arrêté que nous avons pris vite, alors je ne vais pas vous dire qu'il est sans faille. Il peut certainement être attaqué mais, je le redis, l'important c'est d'envoyer un signal. Ceci dit, j'ai discuté de ce texte avec le préfet avant de le signer".

Aux Sables-d'Olonne (Vendée), le maire, Yannick Moreau, a décidé d'aller plus loin que les arrêtés préfectoraux en prenant un arrêté interdisant "tout nouvelle occupation de résidences secondaire". Un arrêté plus que fragile juridiquement, dans la mesure où les personnes visées sont propriétaires de ces logements. À Saint-Malo, le maire a pris un arrêté, au-delà des décisions préfectorales, pour interdire les promenades sur les remparts. De son côté, le maire du Cap-Ferret (Gironde), Philippe de Gonneville, a été plus prudent, en se contentent d'appeler ses administrés à ne pas louer leur bien dans les prochaines semaines, mais sans prendre d'arrêté.

D'autres maires ont préféré en passer directement par l'autorité préfectorale. Le maire de la Grande-Motte, par exemple, a préféré solliciter du préfet de l'Hérault un arrêté interdisant certaines zones de la ville à la promenade (front de mer, golf...). L'arrêté correspondant a été pris le 9 avril.   

Incongruités

Inévitablement, ces salves d'arrêtés amènent leur lot d'incongruités – généralement vite réparées – qui donnent au moins une brève occasion de sourire aux administrés confinés. Pour ne citer que quelques exemples : interdiction de sortir à plus de dix mètres de son domicile et d'acheter plus d'une baguette ou d'un journal à la fois à Sanary (Var, arrêtés finalement rapportés, mais le maire prévient, dans une interview à Var Matin : "Que les Sanaryens ne s'inquiètent pas, d'autres sont en préparation !"), interdiction de s'asseoir pour "une durée de plus de deux minutes sur un banc ou un espace assimilable" à Biarritz (arrêté également rapporté dans la journée), démontage pur et simple des bancs publics à Béziers...

Finalement, et comme Localtis l'avait déjà signalé (voir notre article ci-dessous du 24 mars 2020) les seuls à profiter réellement du confinement renforcé et des multiples mesures d'interdiction du littoral sont... les animaux. Surfant habilement sur l'actualité pour mieux se faire connaître, le parc national des Calanques vient ainsi de mettre en ligne un vidéo montrant deux superbes rorquals – le plus gros animal du monde après la baleine bleue – vaquant nonchalamment à quelques centaines de mètres... du littoral.

 

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