Transition écologique et résilience des territoires : le Forum pour l'avenir franco-allemand veut renforcer l'action des collectivités

Créé en 2019 pour renforcer la coopération et l'intégration franco-allemande en formulant des recommandations de politiques publiques, le Forum pour l'avenir franco-allemand a publié ce 12 mai sept recommandations pour "accélérer la transition écologique et sociale", inspirées par l'action de plusieurs collectivités territoriales pionnières de part et d'autre du Rhin. Il appelle notamment à repenser les outils de financement de l'action climatique des collectivités, à renforcer les dispositifs de coopération inter-institutionnelle au niveau local ou encore à développer les systèmes alimentaires locaux et durables.

"Renforcer la capacité des acteurs locaux, principalement des communes, dans leur volonté de transformation" : tel est l'objectif des sept recommandations de politiques publiques portant sur la transition écologique et la résilience économique et sociale des territoires publiées ce 12 mai par le Forum pour l'avenir franco-allemand. Fruit de 18 mois de dialogue, d'analyses et de concertations avec des acteurs locaux et de la société civile des deux côtés du Rhin, elles seront adressées aux gouvernements allemand et français ainsi qu'à l'Assemblée parlementaire franco-allemande.
Ces propositions résultent du premier cycle de travail du Forum, qui a été créé par le Traité d'Aix-la-Chapelle signé en janvier 2019 par le président Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel. Constitué de 40 acteurs des deux pays (issus de collectivités territoriales, de la société civile, de l'administration et du monde académique), le Forum, dont la gouvernance est assurée par un Comité d'orientation de seize membres, et par un Secrétariat réunissant France Stratégie et l'Institute for Advanced Sustainability Studies de Potsdam (IASS), a pour vocation de renforcer la coopération et l'intégration franco-allemande en formulant des recommandations de politiques publiques à partir d'expériences de terrain et de dialogues inédits entre acteurs de secteurs très variés. Six collectivités territoriales ont pris part à ses premiers travaux qui se sont déroulés en 2020 et 2021 : en Allemagne, les communes de Marbourg (Hesse), Nebelschütz (Saxe), Burgenlandkreis (Saxe-Anhalt) et en France, celles de Dunkerque, Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais) et Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes).

"Repenser" les outils de financement de l'action climatique des collectivités

Les recommandations du Forum portent d'abord sur les outils de financement de l'action climatique des collectivités territoriales. Il s'agit de les "repenser" pour "garantir l'accès de toutes les collectivités territoriales à un financement de long terme de leurs mesures climatiques." Pour cela, quatre mesures sont proposées aux gouvernements français et allemand : 
- simplifier "drastiquement" les procédures administratives requises dans le cadre des dispositifs d'aide gouvernementale destinés aux collectivités et "renforcer les structures proactives et régionalisées" soutenant leur capacité de planification des mesures climatiques, les collectivités devant aussi être associées à l'évaluation et à la révision des dispositifs d'aide gouvernementale ;
- "intégrer comme critère important de tous les programmes nationaux d'aide aux collectivités les effets sur la protection du climat, l'adaptation aux conséquences climatiques et la protection de l'environnement" ;
- lancer un "concours d'innovations climatiques inter-administrations potentiellement binational pour accroître la visibilité des solutions efficaces d'atténuation et d''adaptation au changement climatique" ;
- renforcer les critères environnementaux et climatiques dans le droit des marchés publics.
Le Forum propose aussi qu'en France, les dépenses des collectivités liées à l'action climatique restent exclues des engagements de limitation des dépenses publiques pris lors de la conférence de Cahors de 2017.

Meilleur suivi des émissions de gaz à effet de serre

La deuxième grande recommandation porte sur les moyens à donner aux collectivités pour leur permettre d'assurer un suivi efficace des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l'échelon local. Dans les deux pays, il faudrait "garantir légalement l'accès des collectivités territoriales aux données nécessaires au suivi local de leur émissions GES, y compris celles des acteurs privés tels que les gestionnaires de réseau" et "rendre visibles les contributions des collectivités territoriales aux objectifs nationaux et européens de réduction des GES", préconise le Forum. En France, il faudrait "renforcer la capacité des Agences et observatoires régionaux de l'énergie et de l'environnement à préparer, traiter et analyser les données, ainsi que leur rôle d'assistance auprès des communes et intercommunalités-, défend-il, et aussi "accélérer la convergence des outils méthodologiques utilisés dans les collectivités territoriales pour comptabiliser les émissions GES".
Partant du principe que le changement climatique ne s'arrête pas aux frontières administratives, le Forum recommande aussi de renforcer la coopération entre collectivités territoriales et avec les acteurs de leur territoire. Il faudrait ainsi favoriser "explicitement" la coopération entre institutions et acteurs locaux dans les programmes de financement proposés aux collectivités territoriales et "assurer un soutien financier durable aux réseaux régionaux, nationaux et transnationaux de collectivités territoriales qui renforcent l'apprentissage entre pairs".

"Stratégies alimentaires locales innovantes"

Les gouvernements sont en outre priés de "promouvoir le développement et la mise en œuvre de stratégies alimentaires locales innovantes et d'améliorer le cadre d'action juridique et financier des collectivités territoriales et des autres acteurs locaux dans ce domaine". Le Forum propose une dizaine de dispositions en ce sens – renforcement des systèmes alimentaires régionaux en soutenant des postes de délégués à l'alimentation durable, réforme du droit européen des marchés publics pour faciliter l'achat de denrées alimentaires et de services de restauration à l'échelle locale et régionale, soutien à l'émergence de plateformes mettant en réseau, localement, acheteurs, producteurs et autres parties prenantes de la chaîne de production alimentaire régionale, soutien aux acteurs de l'agriculture locale en rémunérant leurs prestations environnementales et d'intérêt général, mesures permettant aux collectivités territoriales de garder le contrôle des terres agricoles pour encourager une production agricole respectueuse de l'environnement (droit de préemption amélioré pour l'achat et le fermage de terres gérées de manière écologique, création d'un fonds destiné à financer l'achat de terres par les collectivités et les établissements publics, taxation des terres en jachère non utilisées afin d'inciter à leur mise en culture), formation des personnels de la restauration collective à l'alimentation durable.

Action culturelle participative

Le Forum appelle par ailleurs à reconnaître l'action culturelle participative comme "levier de la transition écologique et sociale et vecteur essentiel de résilience économique et sociale." Concrètement, il propose aux gouvernements d'instaurer un service de conseil destiné à accompagner les villes et communes, en particulier celles de petite taille et aux faibles ressources financières, par des programmes de mentoring. "Ce service devrait sensibiliser au rôle de l’action culturelle participative comme stratégie de développement territorial en concentrant son action autour des axes suivants : réalisation de diagnostics de territoire partagés ; renforcement de l’attachement des habitants à leur territoire par des démarches culturelles participatives ; cartographie des projets existants et mise en réseau des acteurs locaux ; recherche de possibilités de financement pour la création d'une offre culturelle participative", détaille-t-il.

Coopération continue avec la société civile et les citoyens

Il estime également qu'il faudrait "soutenir la mise en place et le développement de formats de coopération continue entre autorités publiques, société civile et citoyens" en mettant notamment en place un pôle de compétences national sur les "partenariats 'public-communs'", qui expérimentent de nouvelles formes de coopération pérenne entre administration et société civile autour de projets d’intérêt général, en créant un cadre juridique s'inspirant des pompiers volontaires pour reconnaître et récompenser les citoyens participant à ces partenariats et en soutenant par un fonds franco-allemand des projets de coopération durable entre administrations publiques locales et acteurs de la société civile.
Enfin, craignant qu'en France comme en Allemagne, la politique climatique ne prenne pas suffisamment en compte les différents points de vue et leur examen critique et renforce les discriminations existantes, le Forum veut amener les gouvernements à intégrer cette dimension dans les politiques locales. Il leur propose ainsi d'intégrer dans les dispositifs nationaux finançant les politiques climatiques et environnementales des collectivités territoriales des dimensions favorisant la coopération entre acteurs publics et acteurs de la société civile engagés dans la lutte contre les discriminations, de promouvoir la collecte de données et la conduite de recherches montrant l'impact des politiques climatiques sur les inégalités et les discriminations existantes et de "veiller à ce que les conseils citoyens soient constitués en prenant en compte les inégalités et discriminations existantes et qu’ils favorisent l’expression d’une diversité de points de vue sur toutes les questions de la transition socio-écologiques."
 

 

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