Transports : la dépendance à la voiture individuelle s'accroît… sauf en Île-de-France

Selon les derniers résultats de l'Observatoire des mobilités partagées et électriques de l'Ifop, la crise sanitaire a encore accéléré l'usage de la voiture qui conforte sa place de premier mode de transport du quotidien. Mais l'Île-de-France fait figure d'exception : on y a observé pour la première fois en 2020 une baisse du nombre de voitures, a constaté dans une étude l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur).

La voiture individuelle reste au cœur des usages des Français en matière de transport et la crise sanitaire n'y a rien changé, bien au contraire, selon les résultats de l'Observatoire des mobilités partagées et électriques* publiés ce 21 avril. Cette étude menée par l'Ifop pour le compte du loueur de voitures Sixt montre que l'automobile reste le premier mode de transport utilisé au quotidien (66%), loin devant la marche (16%) et les transports collectifs (10%). Le vélo (4%), le covoiturage (1%), les cars (1%), la moto (1%) sont utilisés de façon marginale. 
La crise sanitaire semble avoir accéléré l’usage des transports individuels au détriment des transports collectifs, observe l'Ifop : moins d’un quart des personnes interrogées indiquent ainsi utiliser les transports en commun (23%), contre 31% en 2016. À l’inverse, les sondés sont un peu plus nombreux à utiliser la voiture individuelle (81%, + 2 points) et le vélo (15%, + 4 points).

72% des Français se disent dépendants de la voiture 

"De fait, cet usage très majoritaire de la voiture s’accompagne d’un sentiment de dépendance pour 72% des Français", analyse l'Ifop qui relève une corrélation entre ce ressenti et la catégorie d’agglomération dans laquelle vivent les personnes interrogées. 92% des ruraux estiment ainsi être dépendants de la voiture contre 47% de ceux de l’agglomération parisienne et le sentiment de dépendance décroît avec la taille de l’agglomération.
Alors que la question du pouvoir d’achat est aujourd'hui une préoccupation majeure, l'étude s'est aussi intéressée à la place du budget transport dans le budget global des ménages. 63% des personnes interrogées estiment ainsi qu’il s’agit d’un poste de dépense important. Si les ruraux apparaissent comme les plus concernés (78%), ce ressenti est majoritaire y compris parmi les habitants des grandes agglomérations, souligne l'étude. Le budget alloué aux transports pèse d’autant plus que les sondés disposent de bas revenus : 72% des sondés appartenant aux catégories pauvres estiment qu’il s’agit d’un poste de dépenses importants contre 37% pour les catégories aisées. Le poids du budget transport est aussi ressenti avec plus d’acuité par les Français effectuant tous les jours des déplacements en voiture (69%), souligne l'étude.

Priorité des priorités : la réduction du prix du carburant

Dès lors, les attentes des personnes interrogées en matière de transports portent avant tout sur la réduction du prix du carburant. 62% considèrent qu'il s’agit du sujet prioritaire pour le prochain quinquennat, loin devant le maintien des lignes de train dans les territoires ruraux (14%), la réduction de l’impact négatif des transports sur l’environnement (15%) ou l’amélioration de la sécurité routière (6%). "Plus globalement, les enjeux liés au coût des transports sont ceux les plus largement jugés primordiaux pour l’avenir des mobilités devant les enjeux environnementaux ou encore le développement des mobilités alternatives", souligne l'Ifop.
Si seuls 28% des Français sont convaincus que l’usage de la voiture individuelle va reculer dans les dix prochaines années, ils ne s’y opposent pas par principe. 43% des sondés estiment ainsi qu’une telle réduction serait une bonne chose, contre 16% une mauvaise chose et 41% ni une bonne, ni une mauvaise chose. Les jeunes sont globalement plus favorables à une telle réduction (54% pour les moins de 25 ans contre 34% pour les plus de 65 ans).

Pas d'enthousiasme pour les voitures électriques

L'étude constate aussi une certaine frilosité à l’égard des solutions alternatives à la voiture individuelle thermique. "À peine un quart des automobilistes indiquent qu’ils pourraient envisager à l’avenir de ne plus avoir de voiture individuelle et d’utiliser des transports partagés (24%), relève-t-elle. Les voitures électriques ne suscitent guère plus d’enthousiasme avec seulement 31% des sondés qui souhaitent acquérir un tel véhicule dans les prochaines années." En cause, le coût d’achat et de fonctionnement jugé trop élevé (55%), mais également l’autonomie jugée trop faible (34%) et le manque de bornes de recharge (26%). C’est un prix moins élevé qui pourrait avant tout inciter les Français à faire l’acquisition d’une voiture électrique (45% des personnes interrogées), loin devant la disponibilité de points de recharge (14%), une performance accrue des véhicules (15%), un meilleur recyclage des batteries (17%) ou encore une diminution du temps de recharge (9%). Enfin, une proportion importante de sondés (42%) estiment que le développement du véhicule électrique n’est pas une bonne solution pour lutter contre le réchauffement climatique.

Premier recul du parc automobile en Île-de-France

Une autre étude publiée ce 22 avril par l'Atelier parisien d'urbanisme (Apur) et portant sur l'évolution du parc automobile depuis 2012 montre la singularité de l'Île-de-France en matière d'usage de la voiture. "Alors que la tendance de fond en France est à l'augmentation du nombre d'immatriculations, un phénomène de baisse du parc immatriculé se met en place depuis 2018 dans la Métropole (du Grand Paris) et depuis 2019 en Île-de-France", écrit cette agence, principalement financée par la mairie de Paris. Fin 2020, la première région de France, qui compte 5,4 millions de voitures pour 12 millions d'habitants, enregistrait environ 8.500 immatriculations de voitures et véhicules utilitaires légers de moins qu'en 2019, soit une diminution inférieure à 0,2%.
Depuis 2012, le parc automobile francilien avait progressé en moyenne de 53.000 véhicules par an (+0,9%). Mais cette rupture ne fait que confirmer une tendance à la décrue observée depuis 2014, avec une progression des immatriculations qui avait chuté entre 2017 (+70.747) et 2018 (+11.781). La courbe de la région semble rejoindre celle de Paris, qui perd en moyenne 3.400 véhicules, soit 0,5% de son parc, chaque année depuis dix ans. Une diminution qui s'est accélérée intra-muros avec 6.000 véhicules de moins en 2019 et 2020.

Coup de frein avec la crise sanitaire

"La diminution du parc immatriculé" observée à l'échelle métropolitaine et régionale "est un phénomène nouveau en France", souligne l'Apur pour qui "la crise sanitaire et les confinements successifs ont nettement freiné l'achat de nouveaux véhicules". Cette réalité cache "des tendances variables selon les périodes et selon les territoires", note cependant l'Apur en citant des secteurs de Seine-Saint-Denis où le parc automobile continue d'augmenter, même si c'est à un rythme moindre.
À Paris, la diminution du parc automobile est "une tendance de fond" qui s'explique selon l'Apur par le développement des transports collectifs, l'essor du vélo, la création des zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m) et l'augmentation du coût des véhicules (consommation et stationnement notamment).
 Mais "pour l'instant, les effets de la ZFE-mobilités ne s'observent pas encore de manière significative sur le parc immatriculé francilien", estime l'Apur pour qui les futures étapes de 2024 et 2030, synonymes de fin du diesel et des véhicules thermiques dans le coeur de la métropole, devraient encourager particuliers et entreprises à anticiper les conversions de véhicules. Selon l'étude, l'échéance de 2023 pour les voitures classées Crit'Air 3, qui ne pourront plus circuler dans le coeur de la métropole, concerne près de 574.000 voitures, soit 22% du parc.

*Enquête menée auprès d’un échantillon de 1.501 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans ou plus, selon la méthode des quotas (âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d'agglomération. Les interviews ont été réalisées par questionnaire autoadministré en ligne du 11 au 12 janvier 2022.