Trottinettes électriques : le gouvernement présente son plan pour mieux réguler leur usage sur la voie publique

Le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, a présenté ce 29 mars le nouveau plan du gouvernement pour mieux réguler l’usage des trottinettes électriques sur la voie publique. Relèvement à 14 ans de l’âge minimum d’utilisation de ces engins, sanctions alourdies en cas d’infraction, création d’un Observatoire national de la micromobilité, signature d’une "charte d'engagements" avec les opérateurs de trottinettes en libre-service… : le plan vise à la fois à éviter les comportements dangereux, sensibiliser et évaluer les usages et responsabiliser les acteurs.

Bien souvent couplées à d’autre modes de transport, les trottinettes électriques se sont solidement ancrées dans le paysage urbain. Plus de 2 millions de Français en possèdent une, le prix de ces engins de déplacement personnel ayant fortement baissé ces dernières années. Selon une enquête Opinéa/Smart Mobility d’octobre 2022, un Français sur 3 utiliserait ou aurait utilisé une trottinette électrique de façon ponctuelle ou quotidienne. L’an dernier, 100.000 trajets ont été réalisés chaque jour avec une trottinette en libre-service, que l’on trouve aujourd’hui dans plus de 200 villes françaises. Revers de ce succès : un taux d’accidents graves en forte hausse pour les utilisateurs de ces engins (+38% en 2022 par rapport à 2021), qui a même conduit l'Académie de médecine à tirer le signal d'alarme.

Application par décret

Pour mieux réguler l’usage de ces engins sur la voie publique, le gouvernement a présenté ce 29 mars un plan prolongeant les dispositions de la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019, qui doit être appliqué par décret dans les semaines à venir. Il coupe ainsi l'herbe sous le pied de la mairie de Paris, qui propose ce dimanche 2 avril aux Parisiens une votation "pour ou contre" les trottinettes en libre-service. "Il faut passer d'un stade anecdotique, folklorique, à une étape d'encadrement, d'apaisement de l'espace public", a lancé Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports lors d'une conférence de presse. "Les trottinettes peuvent être une chance si elles sont bien organisées, bien régulées".

Renforcement des sanctions pour dissuader les comportements dangereux

Le plan, qui comporte six mesures, entend répondre à "trois objectifs essentiels : protéger et éviter les comportements dangereux, sensibiliser et évaluer les usages, responsabiliser les acteurs pour offrir des services de qualité, durables et sûrs dans les villes". Il prévoit d’abord un relèvement de 12 à 14 ans, comme pour les scooters, de l'âge minimum pour conduire une trottinette électrique. Pour dissuader les comportements dangereux, il renforce les sanctions, en relevant certaines classes de contraventions. Ainsi les amendes sont augmentées de 35 à 135 euros pour les circulations à deux sur une trottinette ou encore pour la circulation sur des voies interdites aux engins de déplacement personnel motorisés (EDPM). Débrider un engin donnera lieu aussi à 135 euros d’amende et rouler avec un engin dont la vitesse maximale par construction est supérieure à 25 km/h à 1.500 euros damende. La nuit, ou le jour lorsque la visibilité est insuffisante, ne pas porter un gilet ou un équipement rétro-réfléchissant expose à une amende de 35 euros, de même que pousser ou tracter une charge avec sa trottinette électrique ou se faire remorquer.

Les trottinettes devront également être obligatoirement équipées de feux stop et de clignotants (l'application de cette mesure doit encore être précisée dans le décret à venir). En plus de ces nouvelles mesures, le cadre existant demeure applicable, rappelle le ministère. En agglomération ou sur les voies vertes et les pistes cyclables, le port du casque n’est pas obligatoire mais "fortement recommandé". Les EDPM sont interdits de circuler sur le trottoir. En agglomération, ils ont obligation de circuler sur les pistes et bandes cyclables lorsqu’il y en a. A défaut, ils peuvent circuler sur les routes dont la vitesse maximale autorisée est inférieure ou égale à 50 km/h. Hors agglomération, leur circulation est obligatoire sur les voies vertes et les pistes cyclables. L’autorité investie du pouvoir de police peut autoriser à circuler sur certaines voies. Comme les vélos, les EDPM ont la possibilité de se garer sur les trottoirs mais leurs utilisateurs ne doivent pas gêner la circulation des piétons et doivent assurer leur sécurité.

Création d'un Observatoire national de la micromobilité

Par ailleurs, pour mieux évaluer leurs impacts, en termes de fréquentation, de performance environnementale ou d’accidentologie, le plan prévoit la création d’un Observatoire national de la micromobilité. Initié par l’Etat, il s’appuiera sur l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) qui associera les représentants des acteurs de la micromobilité et les collectivités. Ses rapports auront vocation à "offrir aux collectivités locales un cadre de référence homogène permettant d’informer leurs décisions de politique publique en matière de mobilité". Des campagnes de communication seront en outre lancées par la Délégation à la Sécurité Routière et toutes les parties prenantes pour sensibiliser aux règles de conduite des trottinettes électriques, rappeler les interdictions et les risques encourus, notamment en milieu scolaire. Les informations sur la réglementation en vigueur seront également généralisées sur les points de vente (physiques comme numériques) et les contrôles renforcés, souligne le ministère.

Charte d'engagements signée avec les opérateurs

Celui-ci a également fait signer une "charte d'engagements" aux opérateurs de trottinettes en libre-service. Basée sur la confiance, elle généralise des mesures déjà mises en place à Paris ou Lyon, comme le bridage de la vitesse dans les zones piétonnes ou autres espaces sensibles définis avec la collectivité, la vérification de l'âge des utilisateurs, l'identification des trottinettes par une petite plaque afin de faciliter la verbalisation par la police nationale et municipale, dès cette année, ou l’interdiction du stationnement des trottinettes en dehors d’emplacements dédiés grâce à la localisation GPS de chaque véhicule. La charte ajoute une double béquille, pour éviter que les trottinettes ne chutent et jonchent le sol, ainsi qu'un objectif de cinq ans de durée de vie pour les engins et un recyclage de leurs batteries en France. Les opérateurs ont également obtenu du ministère qu'il recommande une durée des contrats allant jusqu'à deux ou trois ans. Ils s’engagent aussi à réaliser des enquêtes régulières pour informer les collectivités de l’usage des services sur leur territoire.

Après avoir appliqué la plupart de ces mesures, la mairie de Paris entame ce dimanche un nouveau chapitre de son bras de fer avec les opérateurs des 15.000 trottinettes de la capitale, avec une votation ouverte à tous les électeurs de la capitale. Le vote s'annonce négatif, de l'avis du ministre comme des opérateurs. Ceux-ci ont payé des influenceurs pour inciter les fans de trottinettes à aller voter (sous le mot-clé #sauvetatrott). Lime a offert des minutes gratuites aux utilisateurs inscrits sur les listes électorales. La mairie, de son côté, a lancé une campagne d'affichage.

Député de Paris, Clément Beaune a souligné qu'il n'avait "pas beaucoup de doutes sur l'issue de ce référendum". "Il y a zéro information, les arguments n'ont pas pu s'exprimer, il n'y a qu'un bureau de vote par arrondissement. Je regrette que ce sujet soit binaire", a lancé le ministre sur Europe 1. "C'est une consultation importante qui sera regardée par beaucoup d'autres villes en France et à l'étranger. Je regrette qu'on ait caricaturé et qu'on ait simplifié ce débat (...) Au lieu de faire pour ou contre, on peut faire pour, avec des règles", a souligné Clément Beaune.

 

Mise en œuvre d’un service de trottinettes en libre-service : un rappel des bonnes pratiques pour les collectivités

A l’occasion de la présentation de son plan pour mieux réguler les trottinettes électriques, le ministère chargé des transports rappelle les bonnes pratiques pour les collectivités locales qui mettent en œuvre une offre de trottinettes en libre-service.

Pour  "déployer une régulation favorisant le développement d’offres de mobilité attractives pour les usagers des territoires", le ministère formule les recommandations suivantes :

  • publier les appels à manifestation d’intérêt sur le bulletin officiel des annonces de marché public (BOAMP) ;
  • autoriser le déploiement d’un "volume de flotte équilibré, assurant la fiabilité et la disponibilité de l’offre tout en préservant l’occupation de l’espace public et en tenant compte des configurations territoriales" ;
  •  délivrer des permis d’occupation du domaine public d’une durée suffisamment longue pour permettre aux habitants de se familiariser avec l’offre et aux opérateurs d’investir sur le territoire (2 ou 3 ans avec une capacité de dénonciation en cas de manquement avéré) ;
  • adopter les standards internationaux de collecte de données (MDS ou GBFS).

Pour "assurer les conditions nécessaires à l’implantation réussie d’une nouvelle offre de mobilité dans l’espace public", les conseils du ministère sont les suivants :

  •  aménager un nombre suffisant d’emplacements de stationnement dédiés "afin de garantir un maillage cohérent de l’offre sur le territoire et faciliter son adoption par les habitants et bien les identifier" ;
  • organiser ou relayer les campagnes de sensibilisation institutionnelles afin d’accompagner le développement des usages dans le respect du Code de la Route ;
  • mener des opérations de verbalisation par la police municipale afin de sanctionner les comportements dérogeant au code de la route ;
  • garantir le suivi des services par des rencontres régulières avec les opérateurs, afin notamment de résoudre ensemble les problématiques rencontrées.