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Comment "inspirer dynamisme et équilibre" au sein des métropoles

Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a présenté mercredi 23 octobre un avis intitulé "les métropoles : apports et limites pour les territoires", dans lequel il insiste sur l’augmentation des inégalités entraînées par la prégnance du fait métropolitain et sur ses conséquences environnementales. Les rédacteurs de l’avis, Yann Lasnier et Dominique Riquier-Sauvage, formulent quatorze préconisations organisées selon cinq axes pour "favoriser un développement durable, équilibré et coordonné du territoire s’appuyant […] sur les métropoles". Si les constats et les propositions peuvent sembler connus, le large spectre des problématiques abordées en font une somme reflétant finalement assez bien les préoccupations qui animent aujourd'hui les décideurs publics.

29% de la population en France réside dans 22 métropoles sur 2% de la superficie du territoire national. Dans son avis intitulé "les métropoles : apports et limites pour le territoire", publié mercredi 23 octobre 2019, le Cese a commencé par délimiter le phénomène métropolitain avant de s'interroger sur l’augmentation des inégalités qu’entraîne la métropolisation du territoire français et de préconiser une batterie de solutions pour y remédier.

Premier constat, l’hétérogénéité des situations métropolitaines : si "les métropoles sont de grandes villes qui concentrent populations, emplois et activités économiques", les auteurs de l’avis soulignent que "leurs évolutions démographiques et en termes d’emploi sont hétérogènes". Bien qu'ayant toutes un solde naturel - la différence entre le nombre des naissances et celui des décès - positif "lié à la jeunesse de leur population", les métropoles connaissent  bel et bien "des évolutions variées". Tout particulièrement Montpellier, Nantes, Bordeaux, Rennes, Toulouse, dont les aires urbaines connaissent, sur la période 1975-2012, à la fois un fort accroissement démographique et "une croissance de l’emploi très forte". A Montpellier toutefois, "cette croissance de l’emploi n’a pu suffire face à l’augmentation de la population active, engendrant un taux de chômage élevé”. 

L’un des critères distinctifs des métropoles, notent les auteurs, est l’enseignement supérieur : "En 2014, les 22 métropoles françaises accueillent 69% des étudiantes et étudiants. Paris et Lyon ont la population étudiante la plus nombreuse, tandis que Rennes, Nancy et Montpellier présentent le ratio nombre d’étudiantes/étudiants rapporté à la population le plus élevé". 

Concentration de la difficulté à se loger

Deuxième constat, les métropoles sont les territoires où se concentrent les inégalités : "Résident dans les métropoles, à la fois, une grande partie de la population pauvre et des ménages au niveau de vie élevé”. D'ailleurs, nombre des 1.296 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) de l'hexagone sont situés dans des métropoles : 32% de la population des QPV résident dans l'agglomération parisienne et 38% dans les aires urbaines de plus de 200.000 habitants. Les métropoles de Metz et Nancy concentrent respectivement 43% et 68% de la population en QPV de leur département, relève de même l'avis du Cese. 

"L’Île-de-France et une dizaine de métropoles concentrent l’essentiel des difficultés persistantes d’accès au logement dans l’hexagone", met en garde le Cese. Dans la métropole du Grand Paris, il faut, selon le CGET, 30 ans à un ménage de 3 personnes avec un revenu proche de la médiane locale pour acquérir un T3 de 65m², 19 ans dans celle de Nice-Côte d’Azur, mais 12 ans à Toulouse et 11 à Rennes.

Dernier constat : "Avoir le statut de métropole permet de changer de dimension en termes de gouvernance, de moyens, et favorise la visibilité. Mais la montée en puissance des métropoles en France s’est accompagnée d’un sentiment d’accroissement des inégalités territoriales et/ou de décrochage pour beaucoup de ménages habitant hors métropoles”. Citant l'un de ses précédents avis, intitulé "Fractures et transition : réconcilier la France", le Cese note que ce ressentiment est partagé "en particulier par nombre de personnes habitant des bourgs ruraux et des villes petites et moyennes, avec une concentration des difficultés dans le quart nord-est et le centre de la France”. 

Donner un caractère obligatoire à la réunion de la conférence métropolitaine

Les auteurs du rapport formulent quatorze préconisations, articulées selon cinq axes. Le premier porte sur l’amélioration de la gouvernance, pour "mieux prendre en compte la diversité territoriale". Il s’agit notamment de "donner un caractère obligatoire à la réunion de la conférence métropolitaine des maires des communes membres au moins deux fois par an, en lui confiant la mission de veiller à l’équilibre territorial", ce que prévoit le projet de loi "relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique" tel qu’il a été amendé par le Sénat. Le Cese préconise de "créer les conditions d’une meilleure coopération entre les métropoles et leurs territoires en proximité d’interaction (villes moyennes, espaces ruraux) par la conclusion de contrats de réciprocité, en inscrivant cet impératif dans la loi". On sait que les mérites de ce type de contrats sont régulièrement mis en avant par l'association France urbaine. L’instance appelle aussi à favoriser la parité au sein de la conférence métropolitaine et du conseil de développement des métropoles.

Le deuxième axe mis en avant par les auteurs de l’avis vise à "promouvoir un développement équilibré du territoire, en affirmant le rôle de la région comme "cheffe de file du développement économique sur le territoire, en collaboration avec les autres collectivités, dont les métropoles" (préconisation 3), et en accélérant le développement du très haut débit dans tous les territoires (préconisation 4). Car “la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) du 27 janvier 2014 a fait naître, en matière économique, de possibles points de crispation entre régions et métropoles”, estiment-ils.

Le troisième axe, intitulé "reconstruire une dynamique forte d’aménagement du territoire", comporte une préconisation visant à "amplifier la péréquation et les politiques nationales d’aménagement des territoires au bénéfice de ceux qui sont le plus en difficulté", ainsi qu’une autre portant sur la promotion d’une "dynamisation durable du tissu économique des territoires" dans les secteurs de l’industrie, de l’agriculture, du social et du tourisme. L’amélioration de l’accès aux services publics "via un moratoire sur leur fermeture" et l’instauration d’un “panier minimum de services publics pour toutes et tous” complète ce troisième axe.

Favoriser la mixité

Le quatrième axe de préconisations porte spécifiquement sur "un urbanisme pluriel intégrant plus et mieux la dimension environnementale". La préconisation 8 recommande ainsi la réalisation d’un "véritable diagnostic urbain" avant d’ouvrir des territoires à l’urbanisation, "étudiant en priorité la possibilité de reconstruire la ville sur la ville", ainsi que la limitation de l’étalement urbain en "incitant à la requalification prioritaire des friches" industrielles ou portuaires, ainsi que des anciennes zones d'aménagement concerté (ZAC),

La neuvième préconisation du rapport s’attaque aux inégalités dans l’accès au logement, et recommande aux métropoles de favoriser la "mixité fonctionnelle, générationnelle, économique et sociale", en renforçant le nombre des logements intermédiaires, et en "continuant de promouvoir le logement social par des financements pérennes et des interventions volontaristes des pouvoirs publics, en particulier sur la maîtrise du foncier". "Rappelons que  l'Île-de-France et une dizaine de métropoles concentrent l’essentiel des difficultés persistantes d’accès au logement dans l’hexagone", souligne le Cese dans son introduction. 

La préconisation 10 porte sur la résilience des métropoles, et recommande l’harmonisation des indicateurs de suivi des Plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), ainsi que l’évolution de l’urbanisme pour réduire les risques liés au changement climatique.

Amplifier les plans de développement des mobilités douces sécurisées

Le dernier axe de recommandations du Cese porte sur les transports, et comporte quatre préconisations.  Les métropoles ont un réseau de transports en commun important mais “souvent saturé”, est-il souligné en introduction du rapport. Elles favorisent donc l’essor du vélo, de la marche à pied - les mobilités dites “douces” - mais “le prix élevé de l’immobilier conduit une partie des personnes qui y travaillent à résider en périphérie et la prédominance de  'l'autosolisme' pour sa desserte engendre des nuisances”, regrettent les auteurs. Il faut donc "amplifier les plans de développement des mobilités douces sécurisées" et “définir un plan de transports partagé entre le conseil régional et les métropoles de son territoire”, suggère-t-on dans la 11e préconisation. La 12e consiste à "promouvoir l’intermodalité", en particulier avec les réseaux TER, tandis que la 13e vise la mise en place des "contrats de déplacements dans les plans de mobilité impliquant les organisations représentatives des employeurs et des salariés", et la dernière porte sur l’encouragement au télétravail et la création de "bureaux des temps" pour favoriser l’étalement horaire des déplacements.

En soulignant que "les métropoles sont dans une situation particulière au regard des mobilités", à la fois bien dotées en transports en commun, bien connectées mais subissant les nuisances automobiles liées à l’étalement urbain, lui-même lié à un marché immobilier en forte hausse, le rapport du Cese met en garde contre "un risque de fragilisation du lien social", engendré par les frustrations d’une partie des personnes qui résident en métropole mais "peinent à accéder aux ressources qu’elles concentrent".

En conclusion, le rapport du Cese met également en garde sur la diffusion des dynamiques métropolitaines aux territoires environnants : si "certaines métropoles, telles Lyon ou Nantes, partagent leurs dynamiques de croissance avec des zones d’emploi contiguës", ce serait "moins le cas d’autres métropoles telles Lille et Toulouse ou Montpellier, dont les performances en termes de créations d'emploi sont supérieures à celles de leur région, mais dont les dynamiques 'tireraient' relativement peu celles des territoires alentour".