Une deuxième édition de la journée contre la précarité énergétique fort à propos

Événement lancé l’an passé par la fondation Abbé-Pierre et une vingtaine d’associations, la deuxième édition de la journée contre la précarité énergétique, qui se tiendra le 24 novembre prochain, prend un relief particulier compte tenu de la crise énergétique. Plus d’une centaine de manifestations sont encore prévues cette année dans toute la France, pour sensibiliser à la question. À court terme, les organisateurs insistent sur la nécessité "d’aider plus, et très vite, les plus fragiles", à l’approche de la hausse de 15% des tarifs.

La deuxième édition de la journée contre la précarité énergétique, qui se déroulera le 24 novembre prochain, prend un relief particulier en pleine crise énergétique. 20% des ménages en France, soit 12 millions de personnes, étaient déjà victimes de précarité énergétique avant la crise, rappellent les organisateurs de cette manifestation – la fondation Abbé-Pierre et une vingtaine d’associations, dont le réseau Amorce et la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (voir notre article du 4 novembre 2021). En 2020, 10,5% des Français ont dépensé plus de 8% de leurs revenus pour payer leur facture énergétique de leur logement. Si les chiffres n'ont pas été actualisés, le contexte – inflation, et singulièrement explosion des coûts de l’énergie – ne laisse guère la place au doute : "La crise énergétique va sans nul doute amplifier le phénomène et toucher des ménages jusqu’alors épargnés", prédisent les organisateurs de cet événement. Christophe Robert, délégué général de la fondation Abbé-Pierre, argue d’ailleurs que "785.096 ménages ont subi une coupure ou une réduction de puissance en 2021 suite à des impayés, contre 550.000 en 2020". Il souligne encore que "les demandes d’aide alimentaire ont augmenté de 10 à 12% cette année". Le responsable se déclare toutefois encore "plus inquiet à l’approche du 1er janvier", avec l’augmentation de 15% des tarifs réglementés. "Ça ne passera pas", estime-t-il, ajoutant : "Il faut impérativement aider plus, et très vite, les plus fragiles."

Augmenter les APL et le chèque énergie, mettre fin aux coupures

Christophe Robert propose quatre mesures :
- "augmenter significativement – de 10% – les aides personnelles au logement, avec le doublement du forfait charges, qui était très dévalorisé ces quinze dernières années" ;
- "augmenter significativement le montant du chèque énergie, en le portant jusqu’à 800 euros pour les plus pauvres et en l’indexant sur le prix de l’énergie". 5,8 millions de ménages ont reçu ce chèque, d’un montant de 50 à 277 euros, en 2022, mais 4,7 millions de ménages seulement l’auraient effectivement utilisé ;
- adopter une loi pour "stopper les coupures d’énergie", pour que "tous les fournisseurs soient concernés, et pas seulement EDF qui en a fait un choix d’entreprise" ;
- "accélérer le rythme de rénovation des 5,2 millions de passoires énergétiques, avec un reste à charge égal à 0 pour les plus pauvres et les plus modestes".

Une rénovation non performante, des politiques publiques cloisonnées

Déplorant une "logique des petits pas", Nicolas Nace, chargé de la transition énergétique au sein de Greenpeace France, plaide en l’espèce pour une "revalorisation de 5 milliards d’euros par an du budget de la rénovation des bâtiments". Il insiste en outre sur la nécessité d’une "rénovation performante", invoquant l’enquête Tremi de l’Ademe (campagne 2017) selon laquelle "75% des travaux de rénovation en maisons individuelles n’ont pas permis à ces logements de changer de classe du diagnostic de performance énergétique" (voir notre article du 29 octobre 2018).

Plus largement, Christophe Robert dénonce "des politiques publiques cloisonnées". Il insiste sur l’importance de "traiter simultanément la lutte contre la précarité énergétique et la lutte contre l’habitat indigne", soulignant que parmi les 600.000 logements indignes identifiés dans le parc résidentiel, "on retrouve beaucoup de passoires thermiques".

Repérer, aller chercher et accompagner les ménages

Dans la même veine, Suzanne de Cheveigné, présidente de l’Association nationale des compagnons bâtisseurs, déplore "le découplage entre l’aide sociale et l’aide technique". Elle regrette également "la complexité des dispositifs, nombreux et mal connus". Juliette Laganier, directrice générale de la fédération Soliha, confirme : "Les ménages en situation de précarité, souvent, ne se sentent pas concernés. Cela leur paraît complexe." Singulièrement "les méandres administratifs auxquels il faut faire face et faire front", d’où selon elle la nécessité "d’informer, d’aller chercher et d’accompagner les ménages". Bouchra Zeroual, directrice des programmes et du développement au Cler, réseau pour la transition énergétique, lui fait écho : "Quand on veut lutter contre la précarité énergétique, le premier pas, c’est de repérer les ménages." Pour aider les collectivités à détecter ces derniers, elle rappelle l’existence depuis 2013 du dispositif CEE Slime mis en œuvre par ce réseau, qui "permet de financer entre 50 et 70% des dépenses des collectivités". Pour 2022-2025, avec 56 millions d’euros, le Cler ambitionne d’y engager une centaine de collectivités, pour accompagner environ 100.000 ménages.

  • Plus d’une centaine d’événements en France

Plus d’une centaine d’événements dans toute la France devraient être organisés aux alentours du 24 novembre à l’occasion de cette deuxième édition de la journée contre la précarité énergétique. Le 23 novembre, un colloque sera organisé à Paris, au cours duquel sera notamment discutée l’éventuelle mise en place d’une obligation de rénovation.

Parmi les manifestations, relevons que le département de Seine-et-Marne organisera du 24 novembre au 14 décembre des permanences de conseillers France Rénov’ dans les différentes maisons départementales des solidarités du territoire, que la collectivité européenne d’Alsace organisera le 29 novembre une réunion d’échanges entre élus et bailleurs sociaux pour développer les réseaux de chaleur ou encore que la communauté de communes du Grand Pic Saint Loup organise le 24 novembre une réunion à l’attention des ménages modestes et très modestes sur le thème "Comment faire des économies d’énergie".