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Une proposition de loi pour revoir la prise en charge financière des mineurs non accompagnés

Une proposition de loi signée par des députés LR entend inscrire dans la loi la prise en charge financière par l'État de l’aide sociale à l’enfance assurée par les départements au bénéfice des mineurs étrangers non accompagnés (MNA). Mais aussi mieux identifier les "faux mineurs".

Alors que le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État sont saisis de recours contre la pratique des tests osseux pour déterminer l'âge de certains jeunes se déclarant mineurs non accompagnés (MNA) et contre le décret du 29 janvier 2019 "relatif aux modalités d'évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et autorisant la création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à ces personnes" (voir notre article ci-dessous du 1er février 2019), une proposition de loi apporte sa contribution au débat sur ce sujet sensible.

Le retour des Boat People ?

Déposée par Jean-Louis Thiériot, député de Seine-et-Marne (et brièvement président de ce département), et une cinquantaine de ses collègues du groupe Les Républicains, cette proposition de loi est relative "à l'accueil et à la prise en charge des mineurs étrangers isolés". Sur l'accueil, le texte - rejoignant en cela plusieurs suggestions du même type - prévoit différentes mesures visant à limiter fortement les possibilités d'arrivée ou de prolongation du séjour des MNA sur le territoire national. Il est plus original sur le volet de la prise en charge.

Rappelant que "sur l'ensemble de l'année 2017, les départements ont ainsi procédé à l'évaluation de minorité de 50.000 jeunes migrants pour confier finalement 14.000 nouveaux mineurs non accompagnés aux services de l'aide sociale à l'enfance pour une dépense effective de 1,25 milliard d'euros", la proposition de loi prévoit de transférer à l'État l'intégralité du coût de cette prise en charge.

Les auteurs ont hésité à réactiver l'article L.228-5 du code de l'action sociale et des familles (Casf), introduit lors de la crise des Boat People et prévoyant qu'"une convention signée entre le représentant de l'État dans le département et le président du conseil général fixe les conditions dans lesquelles les mineurs accueillis sur le territoire national à la suite d'une décision gouvernementale prise pour tenir compte de situations exceptionnelles sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance. Les dépenses en résultant pour le département sont intégralement remboursées par l'État".

Cet article tombé en désuétude ne cadrant plus avec les dispositions actuelles du code civil, la proposition de loi choisit plutôt de rajouter à la liste des dépenses d'aide sociale à la charge de l'État celles "engagées par le département au titre de l'aide sociale à l'enfance pour l'entretien, l'éducation et la conduite des étrangers mineurs confiés par l'autorité judiciaire en application des articles 375-3 et 375-5 du code civil". Un second article ajoute également à cette liste les dépenses correspondant à la phase d'accueil provisoire d'urgence des personnes se présentant comme MNA.

Un net durcissement des conditions d'accueil

Côté accueil, la proposition de loi durcit fortement les conditions. Elle prévoit ainsi qu'en cas de refus de réaliser les examens radiologiques osseux, le demandeur se présentant à l'aide sociale à l'enfance (ASE) est "présumé majeur, inversant de cette manière la charge de la preuve".

De même - et d'une façon qui ne manquerait pas de faire sourciller le Conseil constitutionnel -, le texte déroge à l'article 47 du code civil présumant la validité des actes d'état civil rédigés en France ou à l'étranger, en prévoyant que "dans le cadre de l'évaluation de la situation des personnes se présentant comme des mineurs étrangers non accompagnés d'un représentant légal, les documents présentés comme des actes d'état civil faits en pays d'étranger ne font pas foi et ne permettent pas d'établir de façon certaine l'état civil de celui qui le produit". Enfin, la proposition de loi supprime la possibilité d'une carte de séjour dérogatoire au-delà de 18 ans, pour les MNA pris en charge à l'ASE entre 16 et 18 ans.

Si la proposition de loi n'a que fort peu de chance de passer en l'état, elle pourrait néanmoins être discutée sur le contingent de l'opposition. Elle pourrait aussi relancer le débat sur la compensation, qui s'était quelque peu apaisé avec le compromis difficilement trouvé en mai dernier entre l'Etat et l'Assemblée des départements de France (ADF).

Dans son exposé des motifs, Jean-Louis Thiériot souligne la fragilité de ce type d'accord dépendant chaque année du "bon vouloir" du gouvernement à défaut de "base légale pérenne imposant à l’État une participation financière". L'idée est donc bien, écrit-il, "afin d’éviter à ce scénario de se répéter tous les ans, et prenant en considération le fait que les circonstances 'exceptionnelles' sont en réalité devenues les circonstances normales", d’inscrire dans la loi le principe de la prise en charge financière par l’État. Ceci, est-il précisé, "sans remettre en cause la vocation naturelle du département à exercer sa mission d’aide sociale à l’enfance."