Vers une stratégie européenne pour le vélo ?

Dans une résolution adoptée ce 16 février, le Parlement européen invite la Commission à développer une stratégie spécifique pour le vélo, avec l’objectif d’en faire un mode de transport à part entière. Les collectivités sont plus particulièrement invitées à investir massivement dans des infrastructures dédiées.

"Cette semaine nous écrivons l’histoire. Hier, nous avons mis fin au règne de la voiture thermique [v. l’encadré de notre article du 15 février]. Aujourd’hui nous installons la première stratégie de vélo de l’histoire en Europe." Karima Delli (Europe Écologie), présidente de la commission Transports du Parlement européen, se fait grandiloquente lorsqu’elle présente à la presse, ce 15 février, ce qui n’est encore pour l’heure qu’une résolution du Parlement européen – pétition dépourvue de valeur contraignante –, adoptée ce 16 février.

Avec cette résolution, le Parlement entend "dire à la Commission qu’il est temps d’avoir une vraie politique" en la matière, décrypte l’élue, également rapporteure du texte et née à… Roubaix. Il lui demande de développer une "stratégie européenne spécifique, dans le but de doubler le nombre de kilomètres parcourus en Europe d’ici 2030". L’objectif ? "Faire du vélo un véritable moyen de transport du quotidien, au même titre que la voiture ou même le métro et les transports en commun", déclare Karima Delli, qui entend que la petite reine ne soit plus cantonnée "au sport ou au loisir".

D’abord, les infrastructures 

Pour y parvenir, le Parlement appelle à débloquer les deux principaux obstacles à l’expansion du vélo : l’absence d’aires de stationnement sécurisées et de mesures de prévention des vols d’une part, le manque de pistes cyclables dédiées d’autre part.

Les collectivités locales sont ainsi invitées à pérenniser les infrastructures temporaires mises en place pendant la crise sanitaire, et plus largement à "accroître considérablement les investissements dans la construction d’infrastructures cyclables séparées", "à intégrer des systèmes abordables de partage de vélos dans les réseaux et plans de mobilité" ou encore à "valoriser le vélo en tant que solution vitale pour le dernier kilomètre dans les nœuds urbains" (le vélo-cargo). L’attention est également attirée sur l’installation de places de stationnement sécurisées, sur l’intermodalité ou encore sur la capacité de recharge des vélos électriques dans la conception des logements.

Pas qu’en ville

Les Parlementaires soulignent que le sujet dépasse le seul cadre urbain. Ils plaident "pour une meilleure connectivité entre les banlieues et les centres-villes, en particulier grâce aux autoroutes cyclables", mais aussi pour "soutenir le cyclotourisme et la pratique du vélo dans les zones rurales en accélérant le développement du réseau EuroVelo et de ses 17 itinéraires" (v. notre article du 8 mars), notamment en "exploitant les synergies avec les réseaux RTE-T". Plus encore, ils estiment que la construction ou la modernisation des infrastructures de ce réseau devrait "tenir dûment compte du vélo, notamment en ajoutant des pistes cyclables parallèlement aux voies ferrées et aux voies navigables intérieures, là où cela est réalisable". De l’importance de savoir si ces voies seront, dans le cadre du ZAN, finalement considérées comme artificialisées ou non (pour "construire une France 100% cyclable", le cabinet BL évolution estime qu’il faut développer 100.000 km d’aménagements cyclables sécurisés, soit au maximum 30.000 ha).

Promouvoir une filière européenne

Alors que "l’écosystème du vélo" compterait "plus de 1.000 PME" et générerait "un million d’emplois" dans l’Union – chiffre "qui pourrait doubler d’ici 2030" –, le Parlement demande à la Commission "de reconnaître l’industrie du cycle" (incluant la fabrication de batteries et le volet recyclage) comme composante de la stratégie industrielle de l’Union. Il l’invite, ainsi que les États membres, à soutenir la production de vélos et de composants "fabriqués en Europe", notamment en réduisant le taux de TVA sur la fourniture, la location et la réparation des vélos.

De la formation et des normes

Commission, États membres et collectivités sont également invités à mener des campagnes de sensibilisation mais aussi de formation à la pratique du vélo. La Commission est en outre conviée à proposer des lignes directrices "pour une pratique sûre du vélo (casques, restrictions d’âge, transport d’enfants, etc.)" – sujets toujours sensibles (v. notre article du 14 janvier 2022). Le Parlement appelle de même à donner une "qualification juridique appropriée" aux vélos électriques (v. notre article du 18 janvier 2022).

Karima Delli assure que le Parlement est d’ores et déjà entendu. Pour preuve, elle annonce "une déclaration interinstitutionnelle [i.e. avec la Commission et le Conseil] à venir dans quelques semaines".