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Violences scolaires : une circulaire pour redynamiser les dispositifs partenariaux sur les territoires

Dans le cadre du plan Blanquer contre les violences scolaires présenté à la dernière rentrée, une circulaire enjoint académies, établissements scolaires, parquets et forces de sécurité à redynamiser leur partenariat. Le texte invite également les procureurs à la sévérité.

Près de 340 "incidents graves" ont été déclarés chaque jour en France par les chefs d’établissement des seuls collèges et lycées publics durant l’année scolaire 2017-2018 (voir encadré ci-dessous). Un phénomène en pleine expansion, à en croire la circulaire conjointe des ministres de la Justice, de l’Intérieur, de l’Education nationale et de l’Agriculture relative à la lutte contre les violences scolaires qui vient d’être publiée. Le texte daté du 11 octobre fait état de "la multiplication, depuis l’automne 2018, d’actes d’une particulière violence, parfois accompagnés d’exhibition d’armes factices ou réelles, tant à l’encontre de personnels enseignants qu’entre élèves". Annoncée lors de la présentation du plan de lutte contre les violences scolaires le 27 août dernier, cette circulaire vise en particulier à "redynamiser" les dispositifs partenariaux "mis en place de manière hétérogène sur le territoire" entre services de l’Education nationale, autorité judiciaire, forces de l’ordre et… collectivités territoriales, qui ne sont toutefois ici que très indirectement évoquées.

Renforcer la coordination

Dans le cadre du plan Blanquer, une convention Éducation nationale-Justice-Intérieur-Agriculture et Alimentation devait être établie dès la rentrée 2019 dans chaque département, pour "préciser les rôles et responsabilités de chacun, assurer un signalement et un traitement rapides des infractions les plus graves, mieux articuler les sanctions judiciaires et éducatives". Des conventions dont, souligne la circulaire, "la préparation comme la mise en œuvre permettent de nouer une relation de confiance entre partenaires, notamment grâce à une meilleure identification des acteurs". Il est vrai que ces derniers sont nombreux. Les ministres rappellent ainsi que des référents "violences scolaires" doivent être désignés dans chaque département par les directeurs académiques des services de l’Education nationale (Dasen), mais aussi dans chaque juridiction, dans chaque établissement scolaire et dans chaque service de police ou de gendarmerie nationales. Un référent "quartier de reconquête républicaine" – qui par ailleurs "devra spécifiquement faire l’objet d’actions de sécurisation aux abords des établissements" – devra en outre être désigné dans les unités et services des forces de sécurité, avec pour objectif d’adapter le dispositif de sécurité au contexte local, "en lien très étroit" avec les chefs d’établissement qui seront "désormais présents dans chaque conseil de secteur".

Cette coordination de l’ensemble de services devra également être déclinée localement au sein des instances partenariales existantes, telles que les conseils intercommunaux/locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CI/LSPD), les groupes locaux de traitement de la délinquance (GLTD) ou les cellules de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure (CCOFSI). Les Dasen sont par ailleurs invités à veiller à une meilleure représentativité des établissements scolaires au sein de ces instances. Il est demandé aux préfets et procureurs de consacrer annuellement une réunion de l’état-major de sécurité au thème de la violence dans les établissements scolaires, incluant ceux sous tutelle du ministère de l’Agriculture.

Enfin, des partenariats devront également être proposés à l’enseignement privé, notamment avec les directions diocésaines de l’enseignement catholique, et pourront également être mis en œuvre au niveau de chaque direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (ou DAAF le cas échéant), autorité académique régionale des établissements publics d’enseignement agricole.

Des conventions concrètes

La vocation pédagogique de ces conventions est soulignée. Leur réactualisation doit être ainsi l’occasion de préciser les modalités pratiques de signalement d’une infraction pénale ou d’un dépôt de plainte… mais aussi de rappeler que tout fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en aviser sans délai le procureur de la République. Des modèles types de signalement pourront ainsi y être "utilement" annexés. Les conventions devront en outre préciser l’articulation entre réponse disciplinaire – que deux décrets ont récemment renforcée – et judiciaire, notamment par l’identification des critères d’information du procureur, de dépôt de plainte auprès des services d’enquête et de détermination des éléments utiles à transmettre.

Les chefs d’établissement sont invités à informer l’autorité judiciaire des éventuels antécédents disciplinaires des mis en cause. De leur côté, les procureurs de la République veilleront au retour d’information sur les suites réservées aux faits signalés par l’Education nationale. Les conventions pourront ainsi rappeler les obligations incombant en la matière aux magistrats et prévoir le déplacement trimestriel du référent justice de l’Education nationale au bureau d’ordre du parquet ou le fait de dédier une adresse mail à ces demandes d’informations.

Invitation à la sévérité

Si "toute décision prise à l’égard d’un mineur devra tendre à assurer son relèvement éducatif et personnel en privilégiant les réponses à dimension pédagogique", les parquets "veilleront à recourir à la circonstance aggravante" lorsque la victime a la qualité de "personne chargée d’une mission de service public" et lorsque les faits sont commis dans un établissement scolaire ou aux abords de ce dernier. Pour les faits d’une particulière gravité, une présentation systématique des auteurs au tribunal, dans le cadre de procédures rapides, devra être privilégiée. Pour les faits les moins graves (justifiant tout de même une réponse pénale !) commis par des mineurs, une réponse à visée éducative devra être mise en œuvre "par des professionnels spécifiquement formés", privilégiant mesures de réparation ou travail d’intérêt général en milieu scolaire, complétés le cas échéant par des stages de citoyenneté, en se rapprochant des services de protection judiciaire de la jeunesse.

Par ailleurs, s’agissant des agressions sur les personnels de l’Education nationale, autorité judiciaire et forces de l’ordre veilleront à ce que la dénonciation des faits soit "systématiquement complétée d’une plainte déposée par la victime et de son examen médical, afin de déterminer une éventuelle capacité de travail".

Des victimes prises en charge… et indemnisées

Les élèves victimes devront bénéficier d’un accompagnement immédiat, qui pourra s’inscrire dans le cadre des dispositifs d’aide aux victimes œuvrant dans les commissariats de police et brigades de gendarmerie ou dans les dispositifs de médiation mis en place dans certains établissements scolaires, en partenariat avec les forces de sécurité. Dans tous les cas, les modalités devront être définies en liaison étroite avec les procureurs.

En outre, les circuits d’indemnisation des victimes – y compris les établissements scolaires – devront être rappelés et utilisés, en s’assurant de l’effectivité des avis à victime et des avis d’audience à l’agent judiciaire de l’État pour le recouvrement des créances de l’État. Et la circulaire de rappeler que le principe de responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur permet au chef d’établissement, lorsque les biens ont fait l’objet de dégradations, d’émettre un ordre de recette.

 

Quelques chiffres

La dernière enquête Sivis indique que les chefs d’établissement du second degré public ont déclaré en moyenne 13,4 incidents graves pour 1.000 élèves au cours de l’année scolaire 2017-2018 (le nombre atteint 22,3 dans les lycées professionnels). Le ministère de l’Education nationale recensant 4.436.900 élèves du second degré dans le secteur public (L’éducation en chiffres – 2018), et avec environ 175 jours scolaires ouvrés, on peut en déduire ce nombre – très approximatif – d’incidents graves journaliers.

La France n’est pas la seule touchée par le phénomène. D’après l’enquête Talis 2018 de l’OCDE publiée récemment, "les déclarations [des chefs d’établissement] d’incidents réguliers liés à des actes d’intimidation ou de harcèlement entre les élèves […] surviennent au moins une fois par semaine dans 14% des établissements en moyenne dans les pays de l’OCDE". Pour la France, dans le peloton de tête, l’enquête fait état d’un taux de 27,2% (il était de 21,2% lors de la précédente édition de 2013). "C’est un sujet de préoccupation […] étant donné l’impact persistant de l’intimidation et du harcèlement sur le bien-être, la confiance et la réussite des élèves qui en sont victimes, ainsi que des conséquence potentiellement dramatiques", souligne-t-elle.

L’enquête relève par ailleurs que "3% des établissements [sont] confrontés au moins une fois par semaine à des problèmes d’intimidation ou d’agression verbale envers des enseignants ou des membres du personnel". En ce domaine, la situation de la France se situe dans la moyenne, sans évolution par rapport à 2013. À noter toutefois que la circulaire fait état d’une "multiplication, depuis l’automne 2018, d’actes d’une particulière violence, parfois accompagnés d’exhibition d’armes factices ou réelles, tant à l’encontre de personnels enseignants qu’entre élèves".

 

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