Zéro artificialisation nette : le décret encadrant l’urbanisme commercial en consultation 

Définition des projets commerciaux engendrant une artificialisation des sols, critères à remplir pour bénéficier d'une dérogation... autant d’éléments clés pour rendre opérationnel l’objectif ZAN (zéro artificialisation nette) poursuivi par les dispositions de la loi Climat et Résilience, sur lequel un décret soumis à consultation jusqu’au 16 août fait toute la lumière.

C’est un décret d’application attendu de la loi Climat et Résilience sur l’objectif ZAN (zéro artificialisation nette) face aux projets commerciaux - articles 215 et 216 - que le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires soumet à consultation publique jusqu’au 16 août prochain. Afin de lutter contre l'artificialisation des sols liée à la création de surfaces commerciales, la loi pose un principe général inédit d'interdiction de délivrance d’autorisation d'exploitation commerciale (AEC) pour toute implantation ou extension qui engendrerait une artificialisation des sols.

Aucune exception n'est prévue pour les surfaces de vente de plus de 10.000 m2. En deçà de ce seuil, des dérogations sont en revanche aménagées pour permettre la réalisation de projets présentant un intérêt particulier pour leur territoire d’établissement. Un décret doit en préciser l’application et définir ce que sont les projets commerciaux considérés comme engendrant une artificialisation des sols. Si la part du commerce peut paraître modérée (de l’ordre de 5% de la consommation de foncier) au regard du logement à l'origine d'une artificialisation beaucoup plus massive, elle n'en reste pas moins importante, d’autant que l’aménagement de zones commerciales périurbaines soulève nombre de problématiques en termes de paysages et de cadre de vie, de déplacements ou d’attractivité des centres-villes, notamment, comme le souligne la notice de présentation du projet de texte. 

Démonstration à l’appui de l’analyse d’impact

Le principe posé ne signifie en rien l’arrêt total des projets d’urbanisme commercial. Il conditionne l'instruction des dossiers de projets qui artificialisent les sols et dont la surface de vente est inférieure au seuil de 10.000 m2 au respect de certains critères. Ces derniers doivent, au terme du projet de décret, être détaillés par le pétitionnaire dans l’analyse d’impact sur les effets du projet sur les centres-villes.

Ce dossier comprend - le cas échéant, carte et plan à l’appui - "une justification de l’insertion du projet dans l’urbanisation environnante, notamment par l’amélioration de la mixité fonctionnelle du secteur, et de sa conformité avec les règles d’urbanisme en vigueur, ainsi que la justification de l’absence d’alternative à la consommation d’espace naturel, agricole ou forestier". Y figure également "une description de la contribution du projet aux besoins du territoire, en s’appuyant notamment sur l’évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l’offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise du projet". Et de façon alternative : soit la justification de l’insertion du projet dans un secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire (ORT) ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ; soit de l’insertion du projet dans une opération d’aménagement au sein d’un espace déjà urbanisé ; soit les éventuelles mesures de compensation (renaturation/désartificialisation) prévues par le projet pour restaurer de manière équivalente, ou améliorer, les fonctionnalités altérées par le projet ; soit enfin la justification de l’insertion au sein d’un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine identifiés dans le document d’orientation et d’objectifs du Schéma de cohérence territoriale (Scot) ou au sein d’une zone d’activité commerciale délimitée dans le règlement du plan local d’urbanisme intercommunal entré en vigueur avant la publication de la loi.

Notons que le texte vise également à faire figurer dans le dossier de demande d’AEC des pièces qui ne figurent que dans le dossier de permis de construire, "alors qu’elles sont nécessaires pour l’examen de la demande d’AEC", relève le ministère, notamment des plans et cartes permettant d’apprécier l’insertion du projet de construction dans le paysage ou le milieu urbain. 

Procédure d’avis conforme du préfet

Il faut se rendre à l’article 3 du projet de texte pour savoir ce qu’est un projet engendrant une artificialisation des sols en matière d’aménagement commercial. Il s’agit d’un projet d’équipement commercial "dont la réalisation engendre, sur la ou les parcelles cadastrales sur lesquelles il prend place, une augmentation des superficies des terrains artificialisés au sens du neuvième alinéa de l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme, par rapport à l'état de ces mêmes parcelles à la date de promulgation de la loi". Ce bilan s’apprécie "uniquement de manière surfacique", précise la notice de présentation. De même, l’état des parcelles à la date de promulgation de la loi sera "déclaratif", les preuves quant à la situation du terrain pouvant être apportées, en cas de contestation par les services instructeurs ou par des tiers, par tout moyen. 

Pour tout projet d'une surface de vente supérieure à 3.000 m2 et inférieure à 10.000 m2, la dérogation n'est accordée qu'après avis conforme du préfet. Ce même article organise cette procédure. En tant qu’acte préparatoire à la décision, cet avis - favorable ou défavorable – est transmis à la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC), cinq jours avant la réunion. 

Clarification de dispositions existantes

L’article 5 du projet de décret met en cohérence la partie réglementaire du code du commerce (art. R. 752-21) avec la nouvelle disposition de l’article L. 752-4 élargissant à toutes les communes, quel que soit leur nombre d’habitants, la faculté de saisir d’elles-mêmes la CDAC concernant les projets dont la surface est comprise entre 300 m2 et 1.000 m2, dès lors que ceux-ci engendrent une artificialisation des sols.

L’article 6 clarifie quant à lui l’obligation de notification par le porteur de projet, au préfet et aux requérants, dans le cadre de la procédure dite clause de "revoyure" prévue par la loi Elan, pour "lever des ambiguïtés sur la composition du dossier de demande génératrices de contentieux", insiste le ministère. Pour rappel, cette procédure permet le réexamen par la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) d'un projet qu’elle a refusé sans passer préalablement en commission départementale.

Toujours dans le cadre de la "revoyure" et avec le même objectif de clarification pour éviter les contentieux, l’article 7 précise ce qu'il faut entendre par le vocable "dossier", celui-ci devant être compris comme le nouveau dossier à transmettre par le maire au secrétariat de la CNAC et non le dossier de la précédente demande.