Les sites clés en main, accélérateurs de réindustrialisation dans les territoires

À l’automne 2019, l’État lançait un appel à propositions pour des « sites industriels clés en main ». L’écho rencontré auprès des collectivités territoriales a permis de labelliser partout en France 78 de ces sites prêts à l’emploi. Partie intégrante du programme Territoires d’industrie, les sites clés en main permettent d’optimiser les délais d’instruction administratifs sur les terrains sélectionnés (permis de construire, études environnementales préalables, fouilles préventives, etc.). Ils contribuent ainsi à mobiliser du foncier pour l’industrie, condition clé pour réindustrialiser et relocaliser des activités industrielles dans les territoires. Alors qu’une deuxième campagne de labellisation s’ouvre en cette fin d’année 2020, Simon-Pierre Eury (DGE) et François Blouvac (Banque des Territoires) décryptent la belle dynamique de ce dispositif.

Les pouvoirs publics savent aussi se montrer réactifs. Pour preuve : quatre mois seulement s’étaient écoulés entre les préconisations formulées en septembre 2019 par le député Guillaume Kasbarian dans son rapport 5 chantiers pour simplifier et accélérer les installations industrielles, et la désignation, en janvier 2020, d’une première sélection de 12 de sites clés en main.

Cette sélection s’est ensuite étoffée par la labellisation de 66 nouveaux sites annoncée en juillet 2020 par la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gouraut, et la ministre déléguée en charge de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher.

« Ces 78 sites clés en mains incluent aussi bien des zones industrielles et des parcs d’activité que des sites en reconversion ou des plateformes chimiques », précise Simon-Pierre Eury, chef de mission interministérielle pour l’accélération des implantations industrielles, à la Direction générale des entreprises du ministère de l’Économie.

Si ce programme a suscité un tel engouement (plus de 300 sites avaient été proposés par les collectivités), c’est qu’il permet de sécuriser les investisseurs quant aux délais d’autorisation des nouvelles activités industrielles.

En effet, la création ou l’extension d’un site industriel s’accompagnait trop souvent de délais rallongés ou de retards, lorsque les procédures relevant de la protection de l’environnement (espèces protégées, zones humides), de la culture (fouilles archéologiques), de la prévention des risques industriels, de l’urbanisme, des infrastructures (réseaux d’énergies, de transports, de télécommunications et d’informatique) n’étaient pas anticipées.

Les sites clés en main ont vocation à devenir les vitrines de la relocalisation d’activités industrielles dans tout le pays

Simon-Pierre Eury

Clarifier et accélérer les possibilités d’implantations

Publié en 2020, le rapport du cabinet Trendeo sur les dépendances industrielles formulait le même constat : « Dans la compétition internationale intense entre industriels, la sélection de sites d’investissement est un élément important mais pour lesquels les industriels eux-mêmes sont relativement peu armés. […] C’est pourquoi, lorsqu’enfin une entreprise réfléchit à un besoin d’extension de ses activités ou d’implantation d’un nouveau site, il importe de pouvoir lui proposer des zones rapidement utilisables, déjà pensées et conçues pour être conformes aux réglementations. Il faut également proposer des aménités d’un niveau compatible avec l’industrie connectée d’aujourd’hui ».

Au plan foncier, ce rapport pointait aussi le fait que certaines implantations industrielles de plus de 200 hectares pouvaient être ralenties, faute de sites disponibles ou par manque de coordination administrative ralentissant les procédures d’autorisation.

Depuis fin 2019, la donne a donc changé. « Les sites clés en main ont vocation à devenir les vitrines de la relocalisation d’activités industrielles dans tout le pays, et font l’objet d’un accompagnement prioritaire de l’État, en lien avec les collectivités territoriales, les préfectures, la Banque des territoires, Business France, les agences de développement économique », détaille Simon-Pierre Eury.

 

Les sites clés en main, facteur de réassurance pour les industriels français et étrangers

Le label clés en main accélère et sécurise les projets tant auprès des entreprises que des collectivités.

Les sites clés en main ont aussi une incidence sur l’anticipation et la systématisation des études préalables. Les choix d’implantation se jouant parfois sur des détails et des délais, les collectivités et les services de l’État anticipent désormais le mouvement, en procédant à l’avance aux études et inventaires nécessaires pour développer les sites industriels existants et potentiels. C’est l’objet, par exemple, de la démarche partenariale conduite par le Grand port maritime de Marseille et la DREAL Provence-Alpes-Côte d’Azur pour optimiser les procédures d’implantation sur la zone industrielle et portuaire de Fos-sur-Mer.

Le dispositif s’inscrit plus largement dans le cadre de la feuille de route du Gouvernement pour l’accélération des implantations industrielles. Ainsi, la loi d’accélération et simplification de l’action publique (dite loi ASAP) en cours de promulgation garantira aux porteurs de projet que les normes prises en compte pour l’autorisation sont celles en vigueur au moment du dépôt de dossier, sans avoir à reprendre le dossier en cas d’évolution des normes après cette date.

Concernant les procédures, leur dématérialisation en cours et leur suivi unique via un portail simplifiera leur traitement. Par ailleurs, les préfets ont la possibilité de réduire les délais, par exemple en permettant de débuter les travaux sur une partie du terrain si toutes les autorisations pour celle-ci ont été obtenues. Les préfets et sous-préfets assurent en outre la coordination de l’ensemble des services administratifs en charge d’accompagner les projets d’implantation.

Ces différents « feux » passés au vert réduisent à moins de neuf - dix mois l’implantation des projets les plus complexes (contre souvent plus d’un an auparavant).

De fait, une dynamique s’est enclenchée. Depuis l’instauration du label, une soixantaine de propositions d’implantation sur des sites clés en main ont été transmises à des groupes industriels internationaux et une dizaine de visites organisées. Deux projets d’implantation ont été confirmés et sont en cours d’accompagnement par Business France.

Un effort particulier sera porté sur la commercialisation de sites récemment fermés et de friches réhabilitées

Simon-Pierre Eury

Nouvel appel à labellisation

Ouverte de décembre 2020 au printemps 2021, une deuxième campagne de labellisation permettra aux collectivités locales et territoriales, chambres de commerce et d’industrie, agences de développement économique, promoteurs et opérateurs privés de transmettre de nouvelles propositions, en conservant une logique de sélection rigoureuse des sites, suivie de leur promotion nationale et internationale.

« Cette nouvelle campagne complètera le maillage territorial du dispositif, en proposant une diversité dans les surfaces disponibles. Un effort particulier sera porté sur la commercialisation de sites récemment fermés et de friches réhabilitées », détaille Simon-Pierre Eury. Dans cette même logique de clarification et de promotion, l’État fera paraître début 2021 un « guide de l’implantation industrielle » destiné aux PME et ETI industrielles.

Les garanties des sites clés en main

  • Un écosystème diversifié de sous-traitants et de fournisseurs.
  • Des accès en multi modalités (routes, chemins de fer, desserte aérienne, voies navigables).
  • Des disponibilités locales en termes de main d’œuvre qualifiée.
  • Des centres de formation et des laboratoires de recherche et développement.
  • Des utilités : zones d’habitation, services publics, espaces commerciaux, services mutualisés entre les entreprises…

La Banque des Territoires, facilitateurs de labellisation des sites clés en main

Les sites clés en main font partie intégrante du programme Territoires d’industrie. La Banque des territoires intervient dans ce cadre pour financer ou co-investir dans l’aménagement industriel (foncier, immobilier d’entreprise), les industries « vertes » (énergie renouvelable, valorisation des déchets, mobilités douces), les formations (en lien avec le Cnam et les écoles de production) et les stratégies locales (cartographies et études par filières, ingénierie de pré industrialisation).

« Concernant le label ‘clés en main’, nous soutiendrons dans un premier temps deux  sites par région, afin d’améliorer leur attractivité par le développement de nouveaux services, la création ou la rénovation d’infrastructures d’énergie, de réseaux de transports ou numériques », précise François Blouvac, directeur du programme Territoires d'industries à la Banque des territoires.

Les collectivités territoriales et les agences de développement économique sont invitées à soumettre leurs propositions de sites jusqu’au début de l’année 2021. À terme, ce dispositif de soutien pourra concerner tous les sites industriels.

La Banque des territoires s’implique également sous d’autres formes. En amont des implantations, par des services de conseil et d’ingénierie - réalisés en interne ou commandités auprès de cabinets spécialisés. En cours de projet, par la mise en relation entre industriels, investisseurs, sous-traitants, centres de formation et de R&D. Enfin, lorsque le choix d’un site est acté, la banque publique peut accompagner l’acquisition des terrains pour les aménager (en cofinancement avec des opérateurs privés, des sociétés d’économie mixte).

« Notre rôle de co-financeur, au plan foncier comme en matière de services industriels associés, fait que nous privilégions des projets pérennes, rentables et adaptés au marché. Nous sommes complémentaires de l’action de Bpifrance : celle-ci finance le ‘contenu’, les entreprises, quand nous investissons dans le ‘contenant’, tout ce qui contribue au bon développement des industries », conclut François Blouvac.

Simon-Pierre Eury

Chef de mission interministérielle pour l’accélération des implantations industrielles à la Direction Générale des Entreprises (DGE)

Francois Blouvac

Responsable du programme Territoires d’industrie à la Banque des Territoires