Deux projets de loi pour transférer 136 milliards de dette sociale et préparer le cinquième risque

Un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire viennent traduire les annonces du gouvernement du 20 mai concernant, d'une part, le transfert à la Cades de 136 milliards d'euros de dette sociale et, d'autre part, "l'ouverture des travaux de création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale relative à l'autonomie". Sur ce deuxième point, l'exposé des motifs pose le problème du système actuel de la prise en charge de la dépendance (CNSA, départements, assurance maladie) et prévoit pour commencer un rapport du gouvernement sur le sujet d'ici le 30 septembre.

Après l'annonce, il y a une semaine, du transfert à la Cades (Caisse d'amortissement de la dette sociale) de 136 milliards d'euros de dette sociale et de "l'ouverture des travaux de création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale relative à l'autonomie" (voir notre article ci-dessous du 20 mai 2020), les choses s'accélèrent avec la présentation au conseil des ministres du 27 mai et le dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale d'un projet de loi organique et d'un projet de loi ordinaire.

Transformer une impasse de court terme en dette de long terme

Le contenu des deux textes est conforme aux annonces faites le 20 mai (pour le détail des mesures, voir notre article ci-dessous du même jour). L'intérêt du dépôt de ces projets de loi, pour lesquels le gouvernement a engagé la procédure accélérée, réside dans la mise à disposition des études d'impact et de l'avis du Conseil d'Etat.

L'étude d'impact montre ainsi qu'entre 1996 (date de sa création) et 2016, la Cades s'est vu transférer 260 milliards d'euros de dette sociale. Au 31 décembre 2019, elle en avait déjà amorti 171 milliards, grâce aux ressources issues d'une fraction de la CSG, de la CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale) et aux versements du Fonds de réserve pour les retraites (FRR). Il restait donc encore 89 milliards de dette sociale à amortir.

Malgré un premier relèvement de son plafond d'endettement de 39 à 70 milliards d'euros par un décret du 25 mars, suivi d'un second relèvement à 95 milliards par un décret du 20 mai, l'Acoss (Agence centrale des organismes de sécurité sociale) ne peut plus couvrir en totalité ni durablement un besoin de trésorerie qui explose avec l'impact de la crise sanitaire. Sachant que "la crise du Covid-19 aura un impact durable sur les comptes de la sécurité sociale", il apparaît donc que "seule une reprise rapide de la dette de l'Acoss par la Cades permet de transformer sa dette de court terme en une dette de long terme, avec des modalités de gestion et un coût adaptés". En outre, cette reprise massive – plutôt qu'une reprise étalée dans le temps – permet à la Cades d'émettre dès à présent et de s'endetter sur l'ensemble de sa durée de vie et, par conséquent, de bénéficier sur le long terme des conditions favorables actuelles.

Pour absorber et financer le transfert de ces 136 milliards d'euros supplémentaires de dette sociale, la Cades voit donc son existence – et ses ressources – prolongées jusqu'en 2033, au lieu de la date jusqu'alors prévue de 2024.

0,15 point de CSG pour préfigurer le financement de la cinquième branche

Côté dépendance, la loi organique prévoit d'affecter une fraction de la CSG (0,15 point) à la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie), dans la perspective annoncée de la cinquième branche (ou cinquième risque). Cette affectation "préfigure le financement des dépenses de cette branche en affectant une ressource supplémentaire spécifique et pérenne à la CNSA, ce qui ressortit au domaine de la loi". Cette affectation permet de majorer les financements de la CNSA à hauteur de 2,3 milliards d'euros environ à l'horizon 2024, afin de financer les dépenses relatives à la perte d'autonomie.

Enfin, le lancement de la démarche de création de la cinquième branche – qui doit pour l'instant se concrétiser par la remise d'un rapport à l'automne – résulte du constat que "la prise en charge de la perte d'autonomie est aujourd'hui l'objet d'un système complexe et peu lisible". En outre, "l'architecture du pilotage financier des interventions publiques en faveur de la perte d'autonomie est éclatée" : "La CNSA assure le financement national de l'offre et des prestations, au côté des conseils départementaux, à partir de ressources correspondant elles-mêmes en grande partie à une dépense de l'assurance maladie retracée dans l'Ondam, complétées par des ressources affectées en propre à la CNSA"...

Sans préjuger du résultat, le projet de loi ordinaire prévoit donc qu'"au plus tard le 30 septembre 2020, le gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conditions de création d’un nouveau risque ou une nouvelle branche de sécurité sociale relatifs à l’aide à l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. Il précise les conséquences pouvant et devant en être tirées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 [...]".

Feu vert du Conseil d'Etat, mais...

Côté juridique, le Conseil d'Etat constate que, malgré les compléments apportés à sa demande par le gouvernement, "les scénarios financiers présentés dans l'étude d'impact reposent sur des hypothèses macro-économiques fragiles dans un contexte incertain marqué par les conséquences économiques de l'épidémie de covid-19".

De même, il observe que "le dispositif est susceptible de constituer une aide d'Etat entrant dans le champ d'application de la décision 2012/21/UE de la Commission", relative aux aides d'Etat sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général (Sieg). Il appelle donc l'attention du gouvernement sur l'utilité? d'informer, au plus tôt, la Commission européenne des dispositions organisant le financement et le versement de cette dotation que le gouvernement envisage".

Références : projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie ; projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie (présentés au conseil des ministre du 27 mai 2020).

 

 

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