Jean-Pierre Sueur appelle au "retour de l'aménagement du territoire"

Dans un ultime rapport au nom de la délégation à la prospective, le sénateur du Loiret recycle des idées qui lui sont chères, notamment celle de la "ville globale" qu'il défendait déjà... en 1998. Il avance 50 propositions pour renouer avec une politique d'aménagement du territoire, à l'aune de la préservation de l'environnement.

"Il faut donner un nouveau souffle à la politique de la ville." Vingt-cinq ans après son rapport de 1998 "Demain, la ville" remis alors à la ministre de la Solidarité Martine Aubry, le sénateur PS du Loiret Jean-Pierre Sueur lance un ultime appel, avant de faire ses adieux au palais du Luxembourg dans quelques semaines. Dans un nouveau rapport intitulé "Osons le retour de l’aménagement du territoire : les enjeux de l’occupation du sol dans les prochaines décennies" présenté à la presse, mardi 11 juillet 2023, l'ancien maire d'Orléans ressert son idée de "ville globale". "Le rapport Borloo, qui a été écarté, allait dans ce sens-là, dans le sens du désenclavement de la politique de la ville, vers l'idée de la ville globale", a-t-il déclaré, regrettant, à la lueur des récentes émeutes, que ces propositions soient restées lettre morte. L'urbanisme de ces dernières décennies a créé une "ville en morceaux", a-t-il constaté, une ville divisée en centre patrimonial, faubourgs, périphéries et banlieues horizontales (pavillons) ou verticales (barres et tours), entrées de ville vouées exclusivement au commerce, zones de loisirs, campus universitaires... Chaque morceau ayant une fonction. "Il faut absolument aller vers une nouvelle urbanité qui passe par une nouvelle distribution des fonctionnalités", a-t-il au contraire plaidé. Il préconise ainsi de substituer à l'opposition centre-périphérie, la ville "multipolaire", "en créant des centralités dans les périphéries ou en transformant les périphéries en pôles de centralité". "Il faut que la mixité sociale aille de pair avec la mixité fonctionnelle", a-t-il ajouté, l'idée étant que "dans chaque quartier, on retrouve les fonctions". Mesure symbolique : la ministère de la Ville aujourd'hui cantonné aux banlieues devrait être celui de "toute la ville".

"Contraindre la nature est vu comme forcément inacceptable"

L'ancien secrétaire d'État chargé des collectivités locales sous François Mitterrand reste fermement opposé à la multiplication des zonages qui, paradoxalement, engendrent selon lui des phénomènes de "ségrégations". S'agissant des zones franches urbaines (ZFU), "je ne suis pas sûr que le manque à gagner se traduise en créations d'emplois et d'activités", a-t-il fait valoir, tout en préconisant de s'attaquer aux "entrées de ville" aujourd'hui saccagées. Ce qui impliquerait un changement de braquet par rapport aux moyens dévolus à cette problématique dans le programme Action cœur de ville. Il suggère ainsi de "compléter les programmes de l'Agence nationale de la cohésion des territoires par un appel à projets national à destination des EPCI", et d'apporter le soutien financier de l'État sur une base contractuelle assortie d'objectifs en matière de réductions des pollutions visuelles et des surfaces minéralisées, d'implantation de logements et d'activités non commerciales…

Au-delà de la ville, le rapport réalisé au nom de la délégation à la prospective s'intéresse à toutes les problématiques territoriales : la montagne, la campagne et la forêt, l'outre-mer, le littoral confronté au recul du trait de côte… Il avance 50 propositions pour changer de regard sur l'occupation de l'espace à horizon des 30, 40 ou 50 prochaines années, avec comme grande différence par rapport à la planification des années 1960 la prise en compte de plus en plus impérieuse de l'enjeu environnemental : lutte contre l'artificialisation des sols, verdissement des villes (notamment par des plans de désimperméabilisation et de déminéralisation des sols), transformation des modes de déplacement… "Les grands projets sont remis en cause dans leur essence même : contraindre la nature est vu comme forcément inacceptable", souligne le rapport.

"Il faut passer du dire au faire"

S'agissant du zéro artificialisation nette, Jean-Pierre Sueur s'en tient au compromis trouvé par le Sénat. "Il y a de quelque chose de complètement antinaturel que de dire à un élu : vous ne pouvez plus vous développer !", a-t-il argué. Cependant, "il faut absolument arrêter" le grignotage des terres agricoles, a-t-il insisté, invitant à lutter contre le mitage et à construire dans les dents creuses. Il interroge le modèle pavillonnaire, même si le logement individuel "n'a pas dit son dernier mot". "La construction de maisons individuelles en lisière de zone urbanisée, dans des dents creuses à l’intérieur des bourgs ou sur d’anciens sites en reconversion, pourrait se poursuivre, mais dans le cadre de petits programmes", peut-on lire dans le rapport.

Autres préconisations : favoriser la diversification des activités touristiques de montagne, vers un tourisme de "quatre saisons", identifier les sites industriels propices à la réindustrialisation, encourager les circuits courts, redynamiser les centres-villes et les centres-bourgs, lancer un grand "plan Forêt"… Beaucoup de choses aujourd'hui dans les tuyaux sans pour autant former une véritable politique d'aménagement du territoire. Celle-ci doit aujourd'hui passer par une "contractualisation entre l'État et les différents niveaux de collectivités territoriales", soutient le sénateur.

"C'est vrai que sur le papier, les choses sont marquées, reconnaît-il. Mais il n'est pas sûr que les concepts de ville globale, de mixité fonctionnelle versus mixité globale, que toutes ces choses soient bien ancrées dans les esprits." "Il faut passer du dire au faire."

 

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