La mission du Sénat sur la crise du logement propose ses remèdes

La mission d'information du Sénat sur la crise du logement a présenté le 30 avril son rapport qui invite à "agir rapidement et fortement sur la demande et sur l’offre tout en préparant une nécessaire refondation de la politique du logement". Parmi ses recommandations de long terme, celle d'une loi de programmation qui viendrait notamment "réaffirmer le modèle du logement social". Pratiquement aucune des propositions sénatoriales ne se retrouve dans le projet de loi Logement qui doit être présenté ce 3 mai en conseil des ministres.

"Sucres rapides", "sucres lent" et "changement de régime alimentaire", c'est ainsi que les trois rapporteures – Dominique Estrosi Sassone (LR, également présidente), Viviane Artigalas (PS) et Amel Gacquerre (Union centriste) – de la mission d'information du Sénat ont présenté la recette pour remédier, selon elles, à la crise du logement. Pas question toutefois de mettre le secteur à la diète, il s'agirait plutôt de lui redonner des marges de manœuvre financières. "Depuis 2017, le logement est considéré comme une variable d'ajustement budgétaire, avec quelque 10 milliards d'euros d'économies réalisées, rapporte Viviane Artigalas, mais on ne s'est pas posé la question de combien ça allait coûter."

Un constat qui a conduit à recommander d'agir sur tous les segments du logement, à mettre en place des mesures de court et de long termes ainsi qu'à "refonder la politique du logement". Pour relancer rapidement la demande, le rapport préconise tout d'abord de repousser l'entrée en vigueur de l'interdiction de location des "passoires thermiques", de revenir sur le recentrage du prêt à taux zéro (PTZ) pour l'accession et d'assouplir les règles de crédit. Les autrices suggèrent également de "relancer le logement social par un financement exceptionnel des bailleurs en fonds propres pour l’acquisition de programmes neufs".

"Généraliser les dérogations"

Pour un impact sur un temps plus long, la mission d'information souhaite la simplification des diverses procédures nécessaires à la construction, afin de "réduire les délais, paralléliser les démarches et réduire les recours". Après l'exemple du Village des athlètes, "il faut aujourd’hui entreprendre de généraliser les dérogations qui sont efficaces", est-il indiqué. 

L'objectif est aussi de "redonner l’envie, les moyens et le pouvoir d’agir" aux élus qui "demandent l’extension des dérogations accordées aux zones tendues et de pouvoir participer à la détermination des zonages". Alors que le sujet de la décentralisation des politiques en la matière ne semble plus à l'ordre du jour, les trois sénatrices estiment toutefois nécessaire de réfléchir au "renforcement" des autorités organisatrices de l’habitat. Par ailleurs, le foncier doit, selon elles, être mobilisé, par exemple pour la requalification des zones commerciales en entrée de ville. 

Livre blanc puis loi de programmation

Plus globalement, le rapport appelle à une refondation de l'action publique en matière de logement qui passerait par la rédaction d'un livre blanc qui déboucherait sur une loi de programmation. "Il n’est pas possible de mener une politique du logement dans la durée sans se fonder sur une vision partagée du besoin", est-il écrit. Il s'agirait notamment de "redéfinir l’appui de la nation aux bailleurs sociaux" et de "réaffirmer le modèle du logement social".

Cette refondation doit également permettre de débloquer le parcours résidentiel des classes moyennes, ce qui impliquerait "un soutien actif à l’accession", avec par exemple un renforcement du PTZ. "Il faudrait avoir un parcours résidentiel qui permet d'avoir un logement qui conviennent le mieux à chaque situation en fonction des parcours de vie", observe Viviane Artigalas.

Enfin, le troisième objectif serait "la reconnaissance de la contribution sociale et économique du bailleur privé". "Aujourd’hui l’investissement locatif est vu comme une rente et non comme la production et la fourniture d’un service de logement qui a donc une dimension sociale et économique. Dès lors, il devrait être traité fiscalement comme tel, est-il précisé. L’assujettissement des biens en location longue durée, éventuellement sous condition de loyer, à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) devrait être reconsidéré et l’investissement locatif devrait pouvoir faire l’objet d’un amortissement."

Amendements au projet de loi Logement

Si d'autres dispositions recommandées (réglementer "sévèrement" les meublés de tourisme et faciliter la transformation de bureaux en logements) font l'objet de propositions de loi qui doivent être examinées au Sénat, l'essentiel des recommandations pourrait se traduire par des amendements au projet de loi sur l'offre de logement devant être présenté en conseil des ministres ce 3 mai et examiné au Sénat au mois de juin. Avec le risque qu'ils soient rejetés pour leur coût sur les finances publiques. 

Ce projet de loi porté par le ministre Guillaume Kasbarian ne contient en effet quasiment aucune des pistes avancées (à l'exception notamment de la première attribution de logements sociaux donnée aux maires). "Il ne prend pas la mesure de la situation, estime Viviane Artigalas, et ne porte pas de vision de ce que doit être la politique du logement." 

 

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