10 milliards d'euros d'économies : le détail des politiques qui vont être affectées

Le décret annulant 10 milliards d'euros de crédits dans le budget de l'État pour 2024 est paru ce 22 février. Il détaille l'ensemble des postes qui vont être touchés par le tour de vis décidé par l'exécutif. Nombre d'entre eux concernent des politiques publiques dans lesquelles les collectivités sont engagées. Bercy tente de minimiser.

Bruno Le Maire, ministre de l'Économie et des Finances, l'avait promis pour "cette semaine". Les choses n'ont effectivement pas traîné. C'est au Journal officiel de ce 22 février qu'est paru le décret annulant 10 milliards d'euros de crédits dans le budget de l'État pour tirer les conséquences de la révision de la croissance française de 1,4% à 1% en 2024 , et donc d'une prévision de recettes fiscales moins élevées que prévu.

Les 10 milliards d'euros correspondent à "une économie exigeante, rapide, mais faisable", a déclaré Bercy à la presse, peu après la publication du décret. "On est essentiellement dans des montants qui correspondent à des crédits libres d'emploi, à de la réserve qui était dans les ministères. Après cette annulation de crédits, au total et dans la plupart des programmes, on est sur des crédits qui continuent à augmenter par rapport à 2023", a souligné l'entourage du ministre délégué chargé des comptes publics, Thomas Cazenave.

"Fonds vert stabilisé"

S'agissant des crédits de l'État aux collectivités locales, "l'essentiel" – à savoir la dotation globale de fonctionnement (DGF), les dotations de soutien à l'investissement, ou encore le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) – est "sanctuarisé", souligne-t-on à Bercy. "La politique de cohésion des territoires et en faveur des ruralités sera [elle aussi] préservée, huit mois après l’annonce de France Ruralités", complète un proche de Dominique Faure, la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales.

Le fonds vert qui vise à soutenir les projets des collectivités en faveur de la transition écologique ne sera toutefois pas de 2,5 milliards d'euros en 2024, comme prévu initialement. Dans le détail, les crédits de paiement inscrits dans la loi de finances pour 2024 pour financer le dispositif (1,124 milliard d'euros) vont être amputés de 430 millions d'euros (soit une baisse de 38%), un montant supérieur donc aux 400 millions d'euros annoncés en début de semaine. Mais, tant dans l'entourage de Thomas Cazenave que de celui de Dominique Faure, on retient surtout que le fonds est "stabilisé" en 2024, à près de 2 milliards d'euros en autorisations d'engagement (soit le montant de 2023).

Pas de suppressions d'emplois à l'État

La transition écologique paie quand même, au total, un lourd tribut. La mission "Écologie, développement et mobilité durable" perd ainsi 2,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement cette année et 2,2 milliards d'euros en crédits de paiement ce qui représente 8,8% des crédits inscrits en autorisations d'engagement dans la loi de finances pour 2024 et 10,27% de ceux qui y figurent en crédits de paiement. Toutefois, après les annulations de crédits, "la planification écologique augmentera toujours de plus de 8 milliards d'euros en 2024", assure Bercy. En soulignant que la transition écologique n'est "pas le premier contributeur" des efforts de l'État, puisque cette place revient au ministère de l'Économie et des Finances (avec une économie de 2,5 milliards d'euros).

"En aucun cas, il n'y a de suppressions d'emplois pour les ministères, et a fortiori pour l'Éducation nationale", souligne par ailleurs Bercy. En insistant aussi sur le fait que "les dépenses de guichet ne sont pas touchées". "L'AAH, la prime d'activité et le RSA" ne connaîtront pas d'évolutions, aucune économie ne sera donc faite sur ces dispositifs.

"Économies contradictoires avec les objectifs du gouvernement"

Bercy cherche visiblement à rassurer, alors que, depuis lundi, l'inquiétude est présente dans les réactions qui viennent de différents horizons. L'une des dernières, celle de l'Unsa fonction publique, a pointé par exemple "les conséquences probables" des réductions budgétaires "sur les effectifs ainsi que sur le niveau des rémunérations" des agents publics. Ces économies seront certainement dans le viseur des syndicats lors des manifestations qui auront lieu le 19 mars pour une meilleure rémunération des agents publics.

L'Association des maires de France (AMF) a de son côté mis en évidence, ce 22 février, "la révision à la baisse des crédits de nombreuses politiques publiques que conduisent les collectivités, avec le concours des dotations et subventions de l'État". Le programme "Paysages, eau et biodiversité" va ainsi voir le montant de ses autorisations d'engagement (578 millions d'euros) diminuer de près de 10%. Les autorisations d'engagement consacrées à la prévention des risques (1,3 milliard d'euros) vont, elles, diminuer de 4,4%, et ce alors que la France vient de connaître des catastrophes naturelles d'ampleur, pointe l'AMF. Laquelle souligne, d'une manière générale, les "contradictions" entre les coupes budgétaires et les objectifs du gouvernement. "La politique du logement, pourtant encore récemment affichée comme une priorité gouvernementale, continue d’être affaiblie par la réduction des crédits dédiés à la rénovation énergétique du logement, à la lutte contre l’habitat indigne et à l’accession sociale à la propriété", s'alarme ainsi l'association présidée par David Lisnard.

Audition des ministres le 6 mars

D'autres économies l'inquiètent : sur le plan "France très haut débit" (autorisations d'engagement en baisse de 39%), sur le programme "Jeunesse et vie associative" (qui voit ses crédits inscrits en autorisations d'engagement reculer de 14%), ou encore sur le programme "Vie de l'élève" (réduction de 3,2% en autorisations d'engagement), ce dernier permettant notamment de rémunérer les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). "C’est le quotidien des Français qui sera lourdement impacté par ces réductions de crédits", conclut l'AMF.

Désormais, les ministères vont "reprogrammer leurs budgets sur les parties sur lesquelles ils ont la main", indique Bercy. Un exercice qui sera a priori terminé lorsque le ministre de l'Économie et des Finances et son collègue en charge des Comptes publics seront auditionnés à l'Assemblée nationale et au Sénat sur ce plan d'économies de 10 milliards d'euros. Les auditions, qui donneront sans doute lieu à de nombreuses passes d'armes, auront lieu le 6 mars prochain.

Aides au logement, aides à la pierre, politique de la ville…

De nombreuses politiques mises en œuvre par l'État concernent de près les collectivités locales. Un nombre important d'entre elles vont être touchées par les coupes budgétaires actées ce 22 février. Quelques exemples.

  • Programme "Aide à l'accès au logement" (aides personnelles au logement) : -300 millions d'euros en AE et en CP (-2,2%). Sur les APL, Bercy souligne qu'il s'agit simplement d'une adaptation compte-tenu des prévisions.

  • "Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat" (fonds national des aides à la pierre, financement d'opérations d'urbanisme...) : -358 millions en AE (-18,7%) et en CP (-22,6%).

  • "Politique de la ville" (moyens affectés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville) : - 49 millions en AE et en CP (-7,6%).

  • "Patrimoines" (préservation et mise en valeur du patrimoine dans toutes ses composantes) : - 99,5 millions d'euros en AE (-6,7%) et en CP (-8,3%).

  • "Infrastructures et services de transports" (qui regroupe l'essentiel des moyens de l'État en faveur de la politique nationale des transports) : - 341 millions d'euros en AE (-7,8%) et en CP (-7,7%).

  • "Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi" (reclassement des salariés licenciés, développement de l'alternance, plan d'investissement dans les compétences…) : -863 millions d'euros en AE (-5,9%) et en CP (-6%).

Référence : décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits