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Accords de Guyane : 83% des mesures du plan d'urgence seraient réalisées

Lors d'un déplacement de quatre jours en Guyane au début du mois de septembre, Nicole Belloubet, garde des Sceaux, et Annick Girardin, ministre des Outre-Mer, ont fait le point sur l'avancement du plan d'urgence pour la Guyane (PUG) de 1,08 milliard d’euros, signé en avril 2017 par le gouvernement de l'époque et le "Kolektif pou Lagwiyann dékolé" (KPLD, Collectif pour que la Guyane décolle) à l'issue d'un mouvement social d'ampleur (voir nos articles ci-dessous). Un an et demi après la signature de l’accord, "tout ne va peut-être pas aussi vite qu'on le souhaite, mais on avance", a déclaré Annick Girardin.

Les quatre mesures en faveur de la collectivité territoriale de Guyane "réalisées"

Selon le point d’étape présenté aux journalistes le 4 septembre (voir le document ci-dessous), 83% des mesures du PUG ont été réalisées. Parmi elles, les quatre mesures "en faveur de la collectivité territoriale de Guyane (CTG)". Selon le dossier de presse, le gouvernement a bien apporté l’avance de trésorerie de 4,5 millions d’euros à la CTG. Il lui a bien versé aussi la "subvention exceptionnelle d’équilibre" de 53 millions prévus en "soutien à l’économie locale"*. Le versement a été effectué fin 2017. Le gouvernement indique, sur le site "transparenceoutremer-guyane.gouv.fr", que "cette mesure permettra à la collectivité d’assurer le financement de son programme d’investissement en faveur du développement du territoire" (le 3 avril 2017, en présentant le plan d'urgence, le Premier ministre de l’époque, Bernard Cazeneuve, était plus précis : il indiquait que cette somme serait versée à la CTG "afin de l’aider à régler ses dettes à l'égard des entreprises guyanaises").
Le gouvernement a bien porté la part de la collectivité, dans le fonds de compensation du RSA, à 50 millions d’euros en 2017. "Il le maintiendra en 2018 et 2019, pour un total de 150 millions d’euros", assure-t-il. Quant au versement de l’État à la CTG pour compenser le transfert aux communes de la part du produit de l’octroi de mer, il serait également "réalisé".

Les constructions d'établissements scolaires programmées, les cessions de fonciers d'État patinent  

En matière d'éducation, le PUG prévoyait d’accompagner la collectivité territoriale de Guyane pour la construction de collèges et lycées à raison de 50 millions d’euros par an durant 5 ans, soit 250 millions d’euros à l’issue de la période. "Ces financements ont bien été inscrits au sein du projet budget pluriannuel du ministère", indique le gouvernement. La programmation pluriannuelle porte sur huit collèges et lycées.
L’engagement de faire passer de 10 à 15 millions d’euros par an la dotation de l’État aux communes pour construire et rénover des écoles pendant 10 ans est aussi bien parti pour être tenu. Les 150 millions d’euros sont "inscrits au sein du projet de budget pluriannuel du ministère", indique le gouvernement.
Les deux mesures concernant le foncier sont seulement "engagées". La cession gratuite de 250.000 hectares appartenant à l’État à la CTG et aux communes a fait l’objet, fin 2017, d’un déplacement d’une "mission de haut niveau missionnée par le Premier ministre (sic)". Mais la mise en œuvre du transfert de propriété ne se fera pas demain : elle "nécessite l’identification des terrains, l’analyse des procédures applicables, et la réalisation d’études (hydrologie, écologie, droit de la domanialité,…)", justifie le gouvernement.
Quant à la rétrocession des 400.000 hectares (5% du territoire guyanais) aux peuples autochtones, via un établissement public placé auprès du grand conseil coutumier, les discussions foncières ne seraient même "pas engagées" à entendre des militants autochtones. D’après Christophe Pierre, vice-président du grand conseil coutumier, la dernière réunion du comité de suivi date de "l'année dernière".

Une ZSP à Saint-Laurent-du-Maroni

En matière de sécurité, toutes les mesures annoncées dans le plan d’urgence seraient, selon le point d’étape officiel, "réalisées" : création d’un poste de coordonnateur des forces de sécurité, renfort de 50 gendarmes et policiers dès 2017, puis de gendarmes supplémentaires en 2018, mise en œuvre de la zone de sécurité prioritaire (ZSP) à Saint-Laurent-du-Maroni… "Trois pelotons de gendarmerie nationale sont dédiés à la ZSP. On observe d’ores et déjà, depuis sa mise en œuvre, une inflexion des vols à main armée avec des armes à feu", se félicite le gouvernement. À noter également des mesures mises en œuvre en faveur de la lutte contre la pêche illégale.
Les trois mesures dans le domaine de la justice demanderont davantage de temps. La garde des Sceaux a annoncé pour "2024" la livraison de la prison de 500 places à Saint-Laurent-du-Maroni (le PUG en prévoyait 300). Son ministère a lancé les prospections foncières pour identifier un terrain pour la future cité judiciaire à Cayenne, qui regrouperait sur un seul site les actuelles implantations judiciaires de la ville, ainsi qu’un programme de logements dédiés au personnel. En attendant, "la Chancellerie met en place un plan de rénovation de ces sites pour un montant de près de 7 millions d’euros", indique le gouvernement, avec une livraison prévue "au quatrième trimestre 2018".

Trafic de cocaïne : un plan d'action avant la fin de l'année

Le 4 septembre, Nicole Belloubet a également évoqué la création du tribunal de grande instance à Saint-Laurent-du-Maroni, "dès lors que le volume des affaires sera suffisant", a-t-elle indiqué. Contre l'alarmant trafic de cocaïne entre le Suriname, Cayenne et la métropole, elle a annoncé avoir demandé au préfet et au procureur d'établir "un plan d'action pour le 1er décembre 2018".
Enfin, le gouvernement s'était engagé en Guyane à organiser "à court terme" aux côtés de la collectivité territoriale de Guyane une consultation populaire sur l'évolution statutaire. Mais ce 4 septembre, pour Annick Girardin, le statut n'était "pas le débat du jour".

* Cette subvention est la transformation d’un prêt de 53 millions d’euros consenti par l’Agence française de développement (AFD) et la Caisse des Dépôts.