Algues vertes : la justice donne quatre mois à l'État pour renforcer son plan de lutte

Dans un jugement rendu ce 18 juillet, le tribunal administratif de Rennes a fixé un délai de quatre mois à l'État pour renforcer la lutte contre les algues vertes en Bretagne.

"Il est enjoint au préfet de la région Bretagne de compléter le sixième programme d'actions régional" contre les algues vertes "dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent jugement", a tranché le tribunal administratif de Rennes dans une décision rendue ce 18 juillet. C'est la première fois que l'État se voit imposer un délai contraint pour renforcer la lutte contre les algues vertes, un phénomène qui empoisonne une partie des côtes bretonnes depuis des décennies.

"Mesures d'application immédiate"

Présentes naturellement dans le milieu marin, les algues vertes tendent à proliférer sous l'effet des flux d'azote provenant très majoritairement de l'agriculture et se déversant dans la mer par les rivières qui s'y jettent. Ces algues deviennent dangereuses quand elles se décomposent car elles émettent du sulfure d'hydrogène (H2S), un gaz potentiellement mortel à forte dose. Depuis 2010, trois plans de lutte associant notamment l'État, les collectivités territoriales et l'agence de l'eau Loire-Bretagne se sont succédé pour tenter de limiter les échouages sur les côtes bretonnes. Dans sa décision, le tribunal administratif de Rennes demande à l'État d'agir "par l'adoption de mesures d'application immédiate, contrôlées dans leur exécution, de limitation de la fertilisation azotée et de gestion adaptée des terres agricoles". 

"L'État prend acte de ce jugement et va apporter les réponses nécessaires, tout en poursuivant, à travers les différents dispositifs existants, son action de lutte contre les algues vertes, enjeu majeur en Bretagne", a réagi la préfecture de la région Bretagne dans un communiqué, indiquant que "les services de l'État examinent les conditions d'un éventuel appel de ces jugements". "L'État prend acte des conclusions de ce jugement dans le processus de révision du plan d'action régional Nitrates breton N°7 qui était en cours", précise encore le communiqué.

Par cette décision, le tribunal vient d'envoyer "un signal important" à l'État qui va devoir "passer à la vitesse supérieure", s'est réjouie dans un communiqué l'association Eau et Rivières de Bretagne (ERB) qui avait saisi le tribunal. "Bien qu'elles mobilisent d'importants fonds publics", les actions de lutte contre les marées vertes "portées par les pouvoirs publics depuis plus de 10 ans, et basées sur le volontariat des exploitations agricoles (...), ont montré leurs limites. Elles sont nécessaires mais pas suffisantes", écrit l'association qui s'inquiète cependant du fait que "les effectifs des services de l'État disponibles (pour ces contrôles, ndlr) marquent une baisse régulière depuis des années". Cette décision "est un motif supplémentaire pour que l'État agisse enfin à la hauteur des enjeux environnementaux, sanitaires et financiers, que pose la prolifération des algues vertes en Bretagne", a estimé Francis Nativel, le président d'Eau et Rivières.

Réparation en nature des atteintes portées à la biodiversité

Dans une autre décision rendue ce même 18 juillet, le tribunal administratif de Rennes, qui avait été saisi par l’association Sauvegarde du Trégor-Penthièvre-Goëlo, a aussi condamné l'État à mettre en œuvre des mesures de réparation en nature des atteintes portées à la biodiversité de la réserve naturelle de la baie de Saint-Brieuc du fait de la persistance d'algues vertes. Il a enjoint au préfet des Côtes-d'Armor de prévoir, dans un délai de quatre mois, des prescriptions, applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement à l’origine des émissions d’azote dans le milieu naturel, et de nature à limiter l’apport azoté total dû aux engrais aux besoins des cultures afin de permettre une réduction effective du phénomène d’eutrophisation, selon des seuils conformes aux préconisations scientifiques. Cette injonction est en outre complétée par celle de programmer un contrôle périodique de l’ensemble des exploitations agricoles situées sur le territoire de la réserve naturelle de la baie de Saint-Brieuc