Amélioration de l’habitat : donner plus de poids aux collectivités locales ?

"Faut-il transférer aux collectivités la gestion des aides à l’amélioration de l’habitat ?" C’est la question à laquelle se sont efforcés de répondre les participants à la seconde table ronde des Rencontres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale qui se sont déroulées le 29 juin dernier.

Comment accélérer la rénovation énergétique des logements ? Alors que les acteurs du secteur font le constat d’un marché du logement en crise, la question de la rénovation s’impose avec plus d’acuité que jamais. Faut-il, pour accélérer ce mouvement, donner davantage de responsabilités aux élus locaux ?, interroge le député Thomas Cazenave. Pour Olivier Klein, il s’agit en tout cas "du chantier du siècle !" Intervenant en préambule des échanges organisés le 29 juin dernier par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale (sur la première séquence de ces rencontres, voir notre article du 30 juin), le ministre du Logement a insisté sur le fait que "les collectivités locales ont un rôle déterminant à jouer" en la matière.

Un changement de paradigme dans la production de logements

Un point de vue pleinement partagé par Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l’Agence pour l’Habitat (Anah), qui rappelle que "l’on a besoin des territoires et des élus locaux pour construire des logements dans notre pays". Si en 2022, l’Anah a comptabilisé jusqu’à 855 programmes sur la France entière, "c’est parce que des élus locaux contractualisent avec nous et mettent en place des politiques en faveur de l’amélioration de l’habitat privé". Ce qu’elle observe, aujourd’hui, c’est un changement de paradigme dans la production de logements qui fait que "l’intervention sur l’existant" devient plus importante, sachant que "produire du logement devient compliqué autant pour des raisons de coût que d’acceptation sociale". Une raison suffisante pour investir le champs de la rénovation afin d’envisager l’avenir plus sereinement car, lâche-t-elle, "80% des logements de 2050 existent déjà (...) et on a besoin de mettre à niveau ce parc".

Repenser les modèles économiques

Mais ce changement de paradigme impose dans le même temps de repenser les modèles économiques "car celui de la réhabilitation n’est pas le même que celui de la construction neuve". Le budget des aides à la pierre est ainsi passé en quelques années de 700 millions d'euros à 1,5 milliard d’euros quand celui de Ma Prime Rénov dépasse les 2 milliards pour des aides "gérées par les territoires", rappelle la directrice général de l’Anah. Un contingent dont l’augmentation reste "totalement à la main des préfets et des collectivités qui sont délégataires des aides à la pierre". Quant à la rénovation énergétique, l’agence aide à ce jour 700.000 ménages par an, soit dix fois plus qu’il y a cinq ans, "mais il faut en faire encore plus", reconnaît-elle.

La Fnaim plaide pour une pondération territorialisée des aides

Plus oui, mais avec quels moyens ? C’est la question que pose Loïc Cantin, président de la Fnaim (Fédération nationale de l’immobilier) qui met dans la balance le coût d’une rénovation avec la valeur du bien considéré "qui varie fortement en fonction des territoires", rappelle-t-il aussitôt. Une situation qui pourrait justifier, selon lui, une pondération territorialisée des aides. Mais avant même d’en arriver à l’acte de rénovation ou de réhabilitation, le contexte de crise "historique" du logement oblige à remettre à plat les stratégies existantes, estime Loïc Cantin, qui évoque "un échec collectif partagé" : "Nous avons eu tous les outils à notre disposition et pourtant nous en sommes encore à nous demander comment construire et comment rénover !" En résumé, "on s’évertue à construire quand on ne sait pas toujours entretenir notre patrimoine", déplore le président de la Fnaim qui appelle plus globalement à une révision de la "conception des politiques du logement en France". Il rappelle à ce titre que la proposition faite par la Fnaim dans le cadre du CNR Logement, qui consistait à mettre en place "un dispositif d’évaluation des politiques publiques" en matière de logement, n’a pas été retenue.

Plutôt que d’en appeler à davantage de décentralisation, la vice-présidente du conseil de l’Ordre des architectes, Marjan Hessamfar, plaide pour sa part pour davantage de "cogestion" dans la mise en œuvre des politiques du logement avec un Etat qui reste "très engagé" mais qui n’oublie pas de s’appuyer sur "la connaissance fine des territoires qui appartient aux collectivités". Michel Bisson, président de la communauté d’agglomération Grand Paris Sud et vice-président de France urbaine, souligne que le logement "est une question d’aménagement du territoire", a fortiori dans un contexte où chacun en appelle à la réindustrialisation du pays : "L’économie servicielle s’appuyait sur les métropoles, l’industrie aura besoin d’essaimer sur l’ensemble du territoire", avec des conséquences fortes en matière de besoin de logement. Une production de logement qui passera par "l’optimisation du parc existant". S’il plaide pour davantage de territorialisation des aides à la pierre, sa crainte, exprime-t-il, est qu’au final "les territoires soient considérés comme des sous-traitants plus que comme de véritables partenaires" !

 

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