Communes nouvelles : un rapport remis à la ministre dénonce un "bilan décevant"

Dans un rapport qu'elle a remis cet été à la ministre de la Cohésion des territoires, l'inspection générale de l'administration (IGA) critique le "bilan décevant" des quelque 780 communes nouvelles nées depuis 2010. Encore trop peu nombreuses et souvent dotées d'une taille insuffisante, elles n'apporteraient pas une réelle plus-value. L'IGA appelle à changer de braquet, en donnant plus de place aux élus locaux dans l'organisation du bloc communal.

Entre 2010 - l'année de leur création par la loi - et aujourd'hui, 787 communes nouvelles ont vu le jour par le regroupement de 2.536 communes historiques. Relativement concentré dans le nord-ouest, le mouvement a conduit à une réduction de près de 5% du nombre des communes françaises, celui-ci étant passé en-dessous de la barre symbolique des 35.000. Mais l'essentiel des communes nouvelles sont nées entre 2015 et 2019, à la faveur des incitations financières de l'État et dans le contexte de la révision de la carte intercommunale. "Le bilan des communes nouvelles est quantitativement modeste", conclut l'Inspection générale de l'administration dans un rapport qu'elle a remis cet été à la ministre de la Cohésion des territoires. Ce bilan avait été commandé au début de l'année par la ministre de l'époque, Jacqueline Gourault.
Avec la conjonction des élections municipales et de la crise sanitaire, les dernières années n'ont guère été favorables aux communes nouvelles. Toutefois, cette "atonie" se poursuit, avec seulement 9 communes nouvelles qui ont vu le jour au début de cette année. Pour la mission, il ne fait aucun doute que le soufflé est retombé et que cela va durer.

Faible taille

La réduction des avantages financiers, la persistance de certains désagréments consécutifs à leur création (révision de la carte électorale, changements d'adresse postale...), le franchissement de certains seuils de population obligeant à mettre en place de nouvelles obligations légales réduiraient l'intérêt des communes nouvelles. Mais, surtout, beaucoup d'élus locaux n'auraient pas le désir de mettre en œuvre cette solution, celle-ci ne constituant d'ailleurs à leurs yeux "ni une priorité, ni une nécessité absolue". Un avis que la mission ne tente pas de réfuter : grâce aux dispositifs d'appui, même des petites communes peuvent aujourd'hui "souvent exercer les quelques missions qui leur restent sans devoir s'inscrire dans un processus de fusion", souligne-t-elle.
La mission exprime également sa déception à l'égard du "bilan qualitatif" des communes nouvelles. Celles-ci sont demeurées trop petites pour pouvoir prétendre peser davantage dans leurs relations avec les pouvoirs publics et l'intercommunalité, ou encore améliorer l'offre de services à la population. En outre, s'appuyant sur des entretiens avec les directions départementales des finances publiques, elle critique les trop faibles économies de gestion qui ont été à la clé.

Différenciation territoriale

La conclusion est implacable : "Dans le cadre actuel", l'avenir des communes nouvelles est "incertain" et leurs perspectives de développement "limitées tant à court qu'à moyen terme".
Pour relancer la dynamique, la mission a choisi de faire des propositions concernant le bloc communal dans son ensemble (communes et intercommunalité). Dans la droite ligne de la loi "3DS" qui a promu le principe de différenciation territoriale, elle préconise de donner la possibilité aux élus locaux, au sein de chaque département, de "définir l'organisation du bloc communal la mieux adaptée". Les commissions départementales de la coopération intercommunale (CDCI), qui étaient jusque-là consultées sur la révision de la carte intercommunale, seraient transformées en commissions départementales des coopérations territoriales (CDCT). L'instance serait présidée non par le préfet, mais par le président du conseil départemental, et associerait le préfet et des représentants des différentes collectivités (conseil régional, intercommunalités, associations des maires).

État au service des territoires

Elle aurait pour vocation de définir des "orientations institutionnelles concernant le bloc communal" : "orientations souhaitables de la configuration du bloc communal", perspectives de création de communes nouvelles, évolution du périmètre des intercommunalités… avec des marges de manœuvre nouvelles.  Ainsi, les seuils permettant de définir ce qu'est une communauté de communes pourraient ne pas être identiques dans tous les départements. En outre, les commissions auraient la possibilité de "fixer (ou pas) un seuil minimal pour les communes au niveau départemental". Les orientations définies par la commission seraient réunies dans un document d'orientation soumis au vote du conseil départemental, qui serait la base du schéma départemental de coopération.
L'objectif n'est absolument pas de procéder à une "révision générale de la carte de l'intercommunalité et plus globalement du bloc communal", mais de permettre aux territoires d'apporter les "ajustements utiles" à leur organisation, indique la mission. Qui envisage toutefois un "aggiornamento" pour l'État. Celui-ci n'aurait plus qu'un rôle d'appui et d'expertise.

Commune-communauté

La mission est par ailleurs très favorable au développement de la commune-communauté, c'est-à-dire la nouvelle collectivité, créée par la loi "Gatel" du 1er août 2019, qui regroupe l'ensemble des communes d'une même communauté et se voit exonérée d'appartenir à une intercommunalité. Celle-ci possède des "atouts non négligeables" pour rationaliser le bloc communal, estime la mission. Mais à condition pour elle que la nouvelle collectivité ne soit ni trop petite, ni trop grande. En outre, la mission propose d'assouplir les règles de création de la commune-communauté, afin qu'une partie seulement d'une intercommunalité puisse prendre cette forme. L'État soutiendrait les initiatives locales par un soutien financier.
Les aides en faveur des communes nouvelles plus généralement seraient revues : plus adaptées aux particularités locales, elles seraient inscrites dans les contrats de relance et de transition écologique (CRTE). En complément, les préfets pourraient favoriser les projets de communes nouvelles par l'utilisation du droit de dérogation aux normes, notamment pour aménager certains effets de seuil qui s'avèrent pénalisants.

Il ne fait aucun doute que le constat et les propositions de la mission seront abondamment évoqués par les participants de la 7e rencontre des communes nouvelles que l'Association des maires de France (AMF) et la délégation sénatoriale au collectivités territoriales organiseront le 28 septembre au Sénat. Une rencontre qui aura pour thème : "Communes nouvelles : pour un nouveau souffle".

 

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