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Communication : une collectivité peut porter plainte pour diffamation, mais pas n'importe comment

Dans un arrêt du 15 décembre 2020, signalé par le blog du cabinet d'avocats Landot, la Cour de cassation apporte des précisions intéressantes sur la possibilité, pour une collectivité territoriale, de se défendre contre des propos diffamatoires. En l'espèce, Mme O..., dont la fille avait fait l'objet d'une mesure de placement à l'aide sociale à l'enfance du département des Côtes d'Armor, avait diffusé un tract dénonçant les conditions d'intervention des services sociaux du département. Le président du conseil départemental avait vu dans ces propos une "diffamation publique envers un corps constitué" et avait donc saisi le tribunal correctionnel sur le fondement de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Le tribunal correctionnel avait fait droit à la demande du département et condamné Mme 0... Saisie par l'intéressée, la cour d'appel de Rennes avait confirmé cette décision ,et condamné la prévenue à payer au département 1 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, et 2.000 euros sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale (au titre des frais de justice engagés).
Dans son arrêt du 15 décembre, la Cour de cassation annule la décision de la cour d'appel. Certes, le département des Côtes-d'Armor était recevable à mettre en mouvement l'action publique indépendamment de l'action du ministère public et sa plainte en diffamation pouvait donc être accueillie sur ce point. Mais, dans sa démarche, le département est passé outre l'article 48 de la loi de 1881, prévoyant que "dans le cas d'injure ou de diffamation envers les cours, tribunaux et autres corps indiqués en l'article 30 [dont les collectivités, ndlr], la poursuite n'aura lieu que sur une délibération prise par eux en assemblée générale et requérant les poursuites, ou, si le corps n'a pas d'assemblée générale, sur la plainte du chef du corps ou du ministre duquel ce corps relève". 
La Cour de cassation relève en effet que la citation déposée par le département des Côtes-d'Armor "ne fait pas état d'une quelconque délibération prise par le département aux fins de requérir les présentes poursuites à l'encontre de l'exposante". Conséquence : "En déclarant recevable et bien fondée la constitution de partie civile du département des Côtes-d'Armor, sans relever d'office la méconnaissance des dispositions de l'article 48 susvisé, rendant irrecevable ladite constitution de partie civile, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé, ensemble les articles 29 et 30 de la loi du 29 juillet 1881".
Dans son commentaire, le blog du cabinet Landot précise toutefois qu'une délibération ad hoc n'est pas forcément nécessaire à chaque occurrence. Le maire ou le président de collectivité ou d'EPCI concerné peuvent en effet bénéficier d'une délégation de l’assemblée délibérante à cet fin.

Référence : Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt n°19-87.710 du 15 décembre 2020 (publié au bulletin). 
 

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