Contrôle des mobilités public-privé : les employeurs publics peuvent mieux faire

Les administrations publiques ne mettent pas toujours en place les contrôles prévus par la loi dans le cas des mobilités public-privé – qui concernent des agents publics ou des candidats à des emplois publics. En outre, parfois, elles n'informent pas leurs agents des obligations déontologiques qui s'imposent à eux dans le cadre de ces mobilités. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) pointe ces manquements dans son rapport d'activité 2022.

Si les administrations font la preuve d'une meilleure "compréhension" des dispositifs de contrôle des mobilités entre les secteurs public et privé, elles peinent encore à "s'approprier" ceux-ci, observe la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) dans son rapport d'activité pour 2022.

Dans ce document que son président, Didier Migaud, a remis à la Première ministre le 25 mai, l'instance en charge de la déontologie de la vie publique fait référence aux nouveaux outils mis en place par la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019. Une réforme qui a confié la responsabilité des contrôles des mobilités entre les secteurs public et privé aux autorités hiérarchiques des agents. Celles-ci doivent saisir la Haute Autorité uniquement si un "doute sérieux" subsiste après la consultation du référent déontologue. L'obligation d'une saisine préalable de la HATVP demeure en revanche pour les "emplois stratégiques".

Contrôle préalable à la nomination

L'an dernier, la HATVP a ainsi été saisie 600 fois pour des mobilités concernant des agents publics entre les secteurs public et privé. Celle-ci a rendu 550 avis sur le sujet. Mais elle n'a été saisie, dans ce cadre, qu'une seule fois pour un contrôle préalable à une nomination. Ce qui la conduit à avoir un "doute" sur la "réalisation effective" de cette modalité de contrôle par les administrations.

La Haute Autorité observe encore que, "dans de nombreux cas", l'autorité hiérarchique "s’abstient de rendre sa décision après l’avis du référent déontologue ou celui de la Haute Autorité, y compris dans de grandes collectivités". Or, ce silence est lourd de conséquences, puisqu'il équivaut à l'opposition de l'administration au projet de l’agent.

Il arrive aussi que des administrations n'informent pas leurs agents de l'obligation qu'ils ont de les saisir s'ils envisagent de partir vers le secteur privé, et ne s’assurent pas que cette obligation est respectée. Les manquements surviennent en particulier lorsque l'administration "place l’un de ses fonctionnaires en disponibilité, ou cesse une relation de travail avec un agent contractuel", observe la HATVP.

Avis d'incompatibilité

En 2022, la Haute Autorité a rendu près de 300 avis portant sur des projets de mobilité d'agents publics vers le secteur privé. Sur ce nombre, 38 (soit près de 13%) ont été présentés par des agents territoriaux. 80% des quelque 300 avis étaient assortis de réserves et 6% constataient l'incompatibilité de l'activité envisagée dans le privé avec la fonction publique exercée. En septembre 2022, la HATVP a par exemple formulé un avis d'incompatibilité à l'égard du DGS d'une commune qui souhaitait rejoindre un groupe privé de gestion de cliniques et centres de soins. Les organes délibérants de la commune et de la métropole dont il était le DGS s’étaient prononcés à plusieurs reprises sur l’implantation, sur leur territoire, d’un établissement de santé par ce groupe. La Haute autorité a considéré que l’intéressé "avait nécessairement été amené à connaître de cette opération, compte tenu de l’importance qu’elle revêtait" et, donc, que pesait sur lui un risque pénal.

S'il forme le projet d'exercer une activité dans le privé, le DGS d'une collectivité, doit "s’abstenir de toute démarche, y compris de représentation d’intérêts, auprès des élus et des agents de la collectivité ainsi que des établissements publics qui en relèvent", rappelle la HATVP.

Conflits entre intérêts publics

Rendant compte aussi de la mission qui lui a été confiée en matière de prévention des conflits d'intérêts, la HATVP note que "la notion de conflit entre intérêts publics (...) continue de faire l’objet d’une difficile appropriation" chez les élus locaux. Et ce malgré les clarifications apportées sur le sujet par la loi 3DS du 21 février 2022. L'article 217 de la loi a en effet défini les situations dans lesquelles les élus locaux siégeant au sein d’organismes extérieurs à leur collectivité doivent "se déporter" des décisions de la collectivité visant ces organismes. On notera que dans une communication publiée le 10 mai sur son site internet, la HATVP a précisé sa doctrine sur l’application de ce nouveau régime.

Comme dans son rapport d'activité pour 2021, la HATVP préconise d'élargir le champ des contrôles des mobilités entre les secteurs public et privé qu'elle exerce à d'autres responsables publics (qui, actuellement, n'y sont pas soumis) : notamment les adjoints au maire des communes de plus de 100.000 habitants et les vice-présidents et conseillers des intercommunalités à fiscalité propre dépassant également ce seuil de population, lorsque ces élus sont titulaires d’une délégation de signature ou de fonction.

Créée par les lois post-Cahuzac sur la transparence de 2013, la HATVP fêtera en octobre prochain ses dix ans.