Archives

Convention de l'AdCF : les élus dénoncent les "coups de griffe" portés à l'intercommunalité

La version du projet de loi "Engagement et proximité" votée par le Sénat provoque une levée de boucliers de la part de l'Assemblée des communautés de France (AdCF). A l'ouverture de sa 30e convention nationale, qui se tient à Nice, l'association a sonné l'alarme. La ministre de la Cohésion des territoires a tenté de rassurer : le gouvernement ne cautionnera aucun "détricotage" de l'intercommunalité.

La copie que le Sénat vient de rendre sur le projet de loi "Engagement et proximité" ne plaît guère aux présidents d'intercommunalité, qui sont réunis du 29 au 31 octobre, à Nice, pour la 30e convention de l'Assemblée des communautés de France (AdCF). Parmi les dispositions ajoutées par la Haute Assemblée, qui portent à une centaine le nombre des articles du projet de loi, "trop concernent l'intercommunalité", a déploré ce mercredi Jean-Luc Rigaut, le président de l'association, devant les quelque 1.600 congressistes. "Stop à l'inflation !", a-t-il lancé.

Parmi les mesures du projet de loi, celles qui renforcent le pacte de gouvernance dans son principe – en généralisant la conférence des maires, par exemple – conviennent à l'AdCF. En revanche, certains détails du futur pacte agacent. Une majorité des 193 présidents de communautés et métropoles, que l'AdCF a interrogés ces dernières semaines, se disent ainsi défavorables aux dispositions visant à ce que les maires engagent directement des dépenses de la communauté, ou exercent l’autorité fonctionnelle sur ses agents.

"Vingt ans de coopération intercommunale sont visés"

Selon l'AdCF, d'autres dispositions de la version sénatoriale du projet de loi portent "des coups de griffe" à l'intercommunalité. Suppression du transfert obligatoire aux intercommunalités de la compétence en matière d'eau et d'assainissement, compétence en matière de zones d'activités économiques déclarées d'intérêt communautaire, remise en cause des compétences optionnelles… Les sénateurs n'ont pas fait "dans la dentelle". Au contraire, ils ont tapé fort "avec le marteau", note l'un d'eux, le sénateur socialiste des Landes Eric Kerrouche, qui a fait partie du conseil d'administration de l'AdCF. "Ce ne sont plus les supposés irritants de la loi Notr qui sont visés, mais carrément vingt ans de coopération intercommunale", considère le président de l'association. Qui croit connaître l'origine de ces "mauvais coups". "A l'approche de chaque élection municipale ou sénatoriale, certains s'imaginent qu'il est encore payant de s'en prendre aux intercommunalités, de les caricaturer en affreuses cannibales de communes, ou en cause première du blues des maires", avance-t-il. "L'intercommunalité dérange, elle bouscule des habitudes et des petits pouvoirs", pointe également Jean-Luc Rigaut, le président du Grand Annecy.

Pour l'AdCF, il est hors de question de revenir sur une carte de l'intercommunalité, qui, d'ailleurs, ne semble pas si incohérente aux yeux des présidents de communautés et métropoles. 86% des présidents que l'association a interrogés, jugent "satisfaisant" ou "plutôt satisfaisant" le périmètre de leur intercommunalité. Seulement 3% le considèrent comme "trop vaste". L'autre "ligne rouge" fixée par l'AdCF concerne les compétences. Le Sénat l'aurait outrageusement dépassée, estime l'association. Alors, en assemblée générale, mercredi, elle a décidé de proposer "dès la semaine prochaine à tous les présidents d'intercommunalité d'adopter une résolution nationale qui sera adressée à tous les parlementaires et au gouvernement". Il s'agit de réexprimer la volonté des "élus de France" que soit respectée une phase de "stabilité", après plusieurs années marquées par la réforme territoriale. Le président de l'AdCF en tire des conséquences pour le projet de loi "Engagement et proximité" : celui-ci doit "demeurer centré sur son objectif initial", à savoir "faciliter l'engagement dans la vie publique locale".

Eau et assainissement

La réponse du gouvernement à l'inquiétude exprimée par l'AdCF ne s'est pas fait attendre. Il "s’opposera très fermement à toute volonté de 'détricotage de l’intercommunalité'", a réaffirmé la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault. Qui a refusé toute "démutualisation des compétences". Ce sera en particulier le cas sur l'eau et l'assainissement. L'exécutif a trouvé un "équilibre (…) raisonnable" sur le sujet, a jugé la ministre, présente à Nice ce mercredi. Emmanuelle Wargon, la secrétaire d'Etat auprès de la ministre de la Transition écologique et solidaire, qui intervenait elle aussi lors de la convention, a considéré que la gestion de ces enjeux "se fait mieux au niveau intercommunal". Les représentants d'intercommunalité ont applaudi. Peu avant, un édile local avait exprimé un certain agacement sur le "yoyo" législatif, faisant remarquer que les élus de sa communauté sont désormais formés pour cette compétence.

Devant la presse, le président de l'AdCF s'est dit "rassuré à cet instant" par "l'esquisse de réponse" apportée par les deux membres du gouvernement.

Le Premier ministre était attendu aux alentours de 18 heures au Palais des congrès de Nice, alors qu'il y a encore quelques jours, sa participation n'était pas confirmée. Son intervention devant les présidents d'intercommunalité pourrait être porteuse de précisions, par exemple sur certains des amendements que le gouvernement défendra lors de la discussion à l'Assemblée nationale concernant le projet de loi Engagement et proximité. Un texte sur lequel les députés de la commission des Lois se pencheront le 6 novembre. L'examen en séance débutera quant à lui le 18 novembre.