ESS : l’Udes demande 4 milliards d’euros pour "préserver les services d’intérêt général"

"Inflation, pénurie de main-d’œuvre, baisse des financements des politiques sociales…" les entreprises de l’économie sociale et solidaire vivent une "crise multifactorielle" qui affecte la mise en œuvre des politiques sociales. À l’approche de la Conférence sociale de mi-octobre, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire demande à l’État de soutenir les entreprises sociales et d’avancer sur les différentes réformes nécessaires au maintien des secteurs non lucratifs de la petite enfance, de l’animation et du grand âge.

"De la petite enfance au grand âge, le système s'effrite et parfois s'effondre." Au lendemain de la présentation des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2024, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes) alerte sur l’ampleur de la "crise multifactorielle" que vivent les entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) aujourd’hui. "Inflation, pénurie de main-d’œuvre, baisse des financements des politiques sociales, etc. Nombre d’entreprises de l’économie sociale voient leur activité menacée, alors même que ces structures sont essentielles pour préserver le lien social ainsi que pour l’objectif de plein emploi poursuivi par le gouvernement", décrit l’Udes.

Crise du recrutement : 100.000 postes à pourvoir dans l’ESS

L’ESS est "particulièrement concernée par les enjeux des métiers en tension", avec actuellement 100.000 postes à pourvoir dont 50.000 dans le secteur médicosocial et l’action sociale, 20.000 dans l’aide et les soins à domicile et 20.000 dans l’animation et le sport, a détaillé Hugues Vidor, président de l’Udes, le 28 septembre 2023 lors d’une conférence de presse.

Le médicosocial non lucratif "reste en attente du 1,1 milliard d’euros promis par le gouvernement" (Ségur de la santé) pour augmenter les salaires et attend "un traitement des mesures inflation sur les NAO [négociations annuelles obligatoires] équivalent à celui qui existe dans la fonction publique", poursuit le président de l’Udes, pointant le risque d’"aspiration" par le secteur public des salariés du non-lucratif. 

Autre secteur en souffrance : l’éducation populaire, "fortement déstabilisée par la baisse des subventions des collectivités locales", qui "demande l’organisation d’une conférence de financeurs pour pluriannualiser les moyens dans le cadre des activités financées par les subventions ou les marchés publics".

Le président de l’Udes porte également des préoccupations sur la petite enfance et l’aide à domicile, cette dernière ayant "besoin d’un fonds de roulement de 400 millions d’euros pour assurer son maintien". Huit fédérations d’aide à domicile, dont l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (Unccas), avaient adressé le 28 juin dernier une lettre à la Première ministre pour faire état de la "situation critique" dans laquelle se trouvent "l’ensemble [de leurs] structures".

Des moyens et des clarifications pour soutenir les structures de l’ESS

Pour "préserver les services d’intérêt général" et la mise en œuvre des politiques sociales, "l’État doit flécher 4 milliards d’euros sur les deux prochaines années en direction des entreprises sociales et solidaires", affirme l’Udes. L’Union renouvèle ses propositions de réforme de la taxe sur les salaires pour les associations, taxe considérée comme "l’impôt le plus contre-productif pour l’emploi", ou encore de création d’une prime d’innovation sociale au profit des organismes à but non lucratif pour un budget de 200 millions d’euros. Il n’est "pas admissible" que ce dernier sujet n’ait pas avancé, juge Hugues Vidor, alors que le crédit d’impôt recherche réservé aux entreprises du secteur marchand a représenté plus de 7 milliards d’euros en 2022. Dans le cadre du PLF pour 2024, le porte-parole des employeurs de l’ESS interroge par ailleurs : "Pourquoi supprimer 15.000 contrats aidés alors que ce dispositif permet de remettre le pied à l'étrier ?"

À l’approche de la conférence sociale de mi-octobre sur les bas salaires, l’Udes attend des annonces fortes sur la compensation de l’inflation, le partage de la valeur et la reconnaissance, par l’État et les départements, des accords de branche. Soumis à de nouvelles obligations, certains employeurs de l’ESS se retrouvent en grande difficulté en l’absence de prise en compte de ces accords par leurs financeurs, fait valoir le président de l’Udes.

Sur la santé et le soutien à l’autonomie, l’Udes formulera des propositions le 5 octobre prochain, lors d’une conférence au ministère de la Santé. Attendant de pied ferme le retour au Parlement de la proposition de loi sur le bien-vieillir, l’Union demande également une loi de programmation pluriannuelle sur le grand âge dans le cadre du PLFSS pour 2024 et un plan d’actions sur le recrutement, le financement de l’aide à domicile et l’évolution du modèle économique des Ehpad. Sur ce dernier point, l’annonce d’une expérimentation par certains départements, à partir de 2025, d’une section unique soins-dépendance prise en charge par la sécurité sociale (voir notre article) laisse le président de l’Udes circonspect. "Est-ce la préfiguration d'un nouveau modèle, les prémisses d’une recentralisation, ou s’agit-il de faire face à l'urgence ?" Des précisions sont attendues par celui qui estime qu’il y a "un vrai sujet" dans le fait qu’aujourd’hui "des décisions nationales ne trouvent pas leur traduction locale".