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Évaluation environnementale des projets : la clause filet prend place

Cette clause de rattrapage - introduite par un décret paru ce 26 mars - permettra de soumettre au cas par cas des projets de faible dimension qui, notamment en raison de leur localisation, pourraient être susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine. Certaines zones d’ombre pourraient néanmoins s’avérer sources de complexité.

Le décret introduisant la fameuse "clause filet" dans le dispositif d’évaluation environnementale des projets est paru ce 26 mars. Ce mécanisme de rattrapage permettra désormais d’y soumettre des projets d’aménagement (bâtiments, infrastructures, routes, etc.) situés en deçà des seuils de la nomenclature des études d’impact (annexée à l’article R.122-2 du code de l’environnement) mais susceptibles, notamment en raison de leur localisation, d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine. La piste avait d’ailleurs été sérieusement évoquée dans le rapport établi en 2015 par Jacques Verdier président du groupe de travail relatif à la "Modernisation de l’évaluation environnementale", qui la considérait "indispensable au regard des exigences du droit européen". Sous l’injonction prononcée par le Conseil d’Etat dans le cadre de sa décision n°425424 du 15 avril 2021 (voir notre article du 16 avril 2021), le gouvernement a dû finalement s’y résoudre.

Source de complexité

Le texte prévoit d’en confier l’instruction à l’autorité compétente chargée de la première procédure d’autorisation ou de déclaration relative à un projet pouvant en nécessiter plusieurs, et donc à une autorité distincte de l’autorité environnementale, à rebours des préconisations du rapport Verdier. Cette autorité décide - dans un délai de 15 jours à compter du dépôt du dossier d’autorisation ou de déclaration - de soumettre ou non le projet à examen au cas par cas. L’instruction du dossier de cas par cas est alors assurée par l’autorité chargée du cas par cas. Pour ces mêmes projets, le décret prévoit également la faculté pour le porteur de projet, et lui seul, de saisir, de sa propre initiative, l’autorité chargée de l’examen au cas par cas. Il précise également l’articulation de ce nouveau dispositif avec les modalités d’instruction (délais, suspension) des autres demandes qui concernent le projet, et en particulier en urbanisme, qui rentre bien dans son champ, comme l'a confirmé le ministère de la Transition écologique.
Ce faisant, le dispositif introduit "un niveau d’instruction et une autorité supplémentaires", ce qui génère, selon l’Autorité environnementale (Ae) saisie pour avis, une source de complexité et des risques accrus d’interprétations divergentes pour des objets de même nature. Certaines questions de fond qui auraient permis, là encore selon l'Ae, de consolider la sécurité juridique recherchée par la mise en place de ce nouveau dispositif sont par ailleurs éludées. L’Ae pointe ainsi un défaut de transparence pour le public et un risque contentieux bien trop décalé dans le temps, qui pourrait contraindre, si l’autorisation fait l’objet d’une annulation, à reprendre la procédure très en amont, retardant d’autant le développement du projet. Un certain flou règne en outre sur l’effet d’une absence de décision dans le délai de 15 jours. Ce silence "ne peut valoir exonération", remarque l’Ae, "car le silence ne permet pas de vérifier que l’examen a bien été réellement mené", s'explique-t-elle. 

Mélange des genres

Dernier sujet d’inquiétude, et non des moindres, la question de l’objectivité de l’autorité chargée de la mise en œuvre de la "clause filet" peut se poser, selon l’Ae, en des termes similaires à celle de l’autorité chargée du cas par cas, d’ailleurs "toujours pendante" et objet d’échanges nourris avec la Commission européenne, rappelle-t-elle. Et ce s’agissant de son interprétation des critères environnementaux, mais également, souligne-t-elle, "parce que cette autorité est confrontée à l’injonction d’accélérer les procédures et de réduire les délais". De nombreux contributeurs lors de la mise en consultation du texte, en janvier dernier, mettaient en doute l’indépendance du préfet pour se prononcer sur la nécessité de soumettre un projet au cas par cas notamment en raison des intérêts économiques en jeu. Sur ce sujet le ministère continue semble-t-il de faire la sourde oreille. 

 
Référence : décret n° 2022-422 du 25 mars 2022 relatif à l'évaluation environnementale des projets, JO du 26 mars 2022, texte n°4. 
 

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