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Exercice de prospective sur la politique publique de l'habitat au Printemps des Territoires

Lors du second Printemps des Territoires, le 6 juin 2019, alors qu'un nouvel acte de décentralisation en matière de logement est annoncé, on s'est livré à un exercice de prospective. Julien Denormandie a appelé à une "politique de l’habitat" qui serait "plus territorialisée".

Au Printemps des Territoires, l'événement organisé le 6 juin 2019 au Centquatre par la Banque des Territoires, bien au-delà de la réforme du logement social engagé par le gouvernement, on a voulu s'interroger sur l'après. L'après du logement social, et de l'habitat en général, en France, dans 10, 15, 20 ans. Tel était le thème fort de la table ronde "Pour des territoires + inclusifs. Priorités au logement" (voir aussi notre article ci-dessous du 6 juin 2019).
A ce titre, le prisme adopté par la Banque des Territoires pour guider l'ensemble de son action fonctionne bien pour l'habitat : on peut souhaiter des habitats effectivement "+ inclusifs", mais aussi "+ connectés", "+ durables" et "+attractifs" (voir aussi notre encadré ci-dessous).

Casser le dogme de la production de logements neufs

Il faudrait arrêter de raisonner uniquement en termes de production de logements neufs pour juger de la pertinence des politiques publiques de l'habitat. Julien Denormandie a rappelé avoir fait de la rénovation et de la réhabilitation l'un des marqueurs de son passage au ministère du Logement. Dans les villes en perte de croissance démographique, une politique de l'habitat ambitieuse qui privilégierait encore la production de logements en espérant accueillir de nouvelles familles tomberait à plat. Au contraire, le courage politique réside parfois dans une politique de rétractation urbaine. Difficile aujourd'hui de le vendre en période électorale, mais d'ici 20 ans…
D'ici 20 ans, où se situera l'emploi ? Pour Patrick Martin, le président délégué du Medef, c'est la seule question à se poser pour anticiper la production de logements neufs et la gestion de la vacance résidentielle. Quitte à oublier au passage la force de l'économie résidentielle, chère à l'économiste Laurent Davezies, sur lesquels les territoires accueillant fonctionnaires et retraités peuvent compter ? Les néoruraux pourraient bien aussi réviser la géographie de l'habitat, mais qui sait aujourd'hui si l'attrait de la vie "au vert", encouragé par le télétravail et le coworking, est ou pas un phénomène passager.

Faire des coeurs de ville de futurs pôles de centralités 

Quoi qu'il en soit, le ministre Julien Denormandie, à la fois en charge du logement et de la cohésion des territoires, croit aux nouveaux pôles de centralité situés "en périphérie des métropoles", incarnés aujourd'hui par les 222 villes du programme "Action cœur de ville", sur le modèle privilégié également par Terra Nova (voir notre article du 17 mai 2019). Il soulignait une fois de plus, ce 6 juin, que ce plan gouvernemental avait été conçu "à partir des projets territoriaux". D'ailleurs, il ne contexte pas la suggestion de Patrick Martin lorsqu'il dit qu'en matière d'habitat, "la décision doit être plus ciblée, et la plus délocalisée possible, a fortiori en outre-mer". Cela fera partie du débat sur la décentralisation (voir notre article du 5 juin 2019).
Le ministre qui a conduit la réforme HLM a aussi redit la nécessité de produire du logement abordable, au bon endroit, et souligné combien "le modèle du logement social est un bien très précieux à préserver". 

Une transition, mais vers quoi ?

André Yché, président de CDC Habitat, est bien d'accord. Il a mis en avant les efforts financiers mis en place pour accompagner la transition des HLM. Mais il aimerait que tout le monde parvienne à se projeter au-delà de cette transition. Il a naturellement sa petite idée. Pour lui, il faudrait parvenir assez vite à un nouveau modèle de financement des organismes HLM qui leur permette de conserver une capacité d'autofinancement. Il faudrait également diversifier l'offre de logement, aller vers davantage de produits de financement du logement intermédiaire et de l'accession social à la propriété. 
Il suggère aussi de décentraliser certains aspects de la politique du logement, comme les paramètres de la loi SRU. Il propose de pouvoir, dans les territoires où cela a du sens, surpondérer les logements très sociaux, ou encore de pouvoir intégrer des logements "abordables" qui ne sont pas strictement "sociaux". André Yché propsoe également d'ouvrir davantage le droit à l'expérimentation. Et de faire revenir les investisseurs institutionnels dans les copropriétés pour anticiper les risques de dégradation.

La Banque des Territoires finance aujourd'hui des projets d'habitat de demain

• En faveur des séniors, elle accompagne par exemple le dispositif de viager social et solidaire de la coopérative 3 Colonnes, dans la région lyonnaise, par un investissement de 100.000 euros en fonds propres et un apport de 2 millions d'euros en titres participatifs. Le principe : 3 Colonnes achète des logements occupés par des personnes âgées, leur permettant ainsi de conserver leur habitation tout en se constituant un complément de revenu particulièrement utile pour rémunérer les services de maintien à domicile.

• À Marseille, la Banque des Territoires a investi 400.000 euros de crédits d’ingénierie pour accompagner la phase d’amorçage du dispositif expérimental ViagéVie, le "viager social à vocation intergénérationnelle" incubé dans le Lab Caisse des Dépôts entre septembre 2017 et juillet 2018. Ce projet est monté en partenariat avec l'EPF Paca, la métropole Aix-Marseille Provence et la ville de Marseille. Lorsque, au décès du crédirentier, le logement se libère, il est proposé à des jeunes ménages solvables en accession sociale ou maîtrisée à la propriété. 

• Dans les Landes, à Mont-de-Marsan, la Banque des Territoires a des parts (35%) dans le capital de la SCI Priam Patrimoine qui va acquérir en Vefa une résidence Services Seniors de 114 logements située en cœur de ville. L’investissement, porté par la SCI, s’élève à 14,1 millions d'euros et est financé à hauteur de 7,7 millions d'euros en fonds propres, dont 2,7 millions d'euros par la Banque des Territoires et 6,4 millions d'euros de dette bancaire. Le projet sera livré à l’été 2021.

• La Banque des Territoires soutient le projet de Résidence Intergénérationnelle "Seniors" à Meyreuil (Bouches-du-Rhône) gérée avec Les Maisons de Marianne, et composée de 103 logements sociaux. Cette résidence offre une typologie mixte de logements pour promouvoir son caractère intergénérationnel, des services adaptés et une animation pour favoriser le lien social. La Banque des Territoires a apporté un prêt de 8 millions d'euros sur ce projet d’un coût global de 15,5 millions d'euros dont CDC Habitat Social est maître d’ouvrage.

• En Bretagne du Nord, la Banque des Territoires soutient la société FCM (Foncier coopératif malouin) qui propose, sur les villes de Saint-Malo et Dinard, de l'accession sociale à la propriété via un office foncier solidaire (OFS).

• En Occitanie, la Banque des Territoires a mobilisé 700 millions d'euros de prêts pour le Groupe des Chalets, acteur régional de référence avec ses 14.000 logements sociaux. Le groupe est impliqué dans le "dispositif Coop’IB" de coopération inter bailleurs dans les quartiers prioritaires et la constitution d’un Organisme de Foncier Solidaire (OFS) ouvert "Occitalys Foncier". 

• Depuis juin 2018, la Banque des Territoires, via sa filiale CDC Habitat, est entrée au capital (34%) de Maisons et Cités pour accélérer la rénovation des cités minières. L’objectif est de réhabiliter 20.000 logements sur 10 ans. Premier bailleur social des Hauts-de-France, Maisons et Cités gère un patrimoine de 64.000 logements, principalement des maisons individuelles avec jardin (voir notre article Bassin minier - CDC Habitat entre au capital de Maisons & Cités du 21 juin 2018).

• La Banque des Territoires a investi dans le projet "Kristal Parc" de Viroflay (Yvelines), résidence de 79 logements (dont 24 logements sociaux) hyperconnectés. Les résidents peuvent par exemple gérer leur chauffage à distance ou suivre leur consommation d’énergie en direct. Des détecteurs de présence sont également reliés à une alarme anti-intrusion. 

• Elle a investi 1,5 million d'euros dans la SEM Île-de-France Énergies (ex-Energie Posit'if) dont la mission est de réduire la vulnérabilité énergétique des Franciliens en proposant une offre de rénovation énergétique clés en main tout au long de leurs projets : audit, conception de programme de travaux, plans de financement, accompagnement, suivi de chantier et suivi de performance.

• En Normandie, la Banque des Territoires a octroyé un prêt de 3,2 millions d'euros à Habitat 76 pour optimiser la performance énergétique et le développement de services partagés d’une résidence de 31 logements sociaux. La résidence bénéficie désormais de la certification allemande PassiveHaus, une première dans la région.

• À Bordeaux, la Banque des Territoires est partie prenante de la création de l'éco-quartier coopératif de l'îlot Dupaty, porté par l'association H'Nord. Un projet "respectueux de l’environnement car il favorise les cultures vivrières et utilises des matériaux sains mais aussi éco-responsables". L’éco-quartier soutient également la mixité sociale et la mutualisation des espaces. Les logements sociaux sont intégrés à la résidence et mélangés aux autres logements. Les locataires sont "responsabilisés à la gestion" de leur habitat.