Feux de forêt : le gouvernement se prépare à un été à haut risque

À l'occasion d'un déplacement en Gironde, le gouvernement a présenté, mardi 11 avril, sa stratégie nationale de lutte contre les feux de forêt pour l'été 2023 qui repose sur la détection des "feux naissants". Il confirme la dotation de neuf avions et hélicoptères bombardiers d'eau supplémentaires. 500 sapeurs-pompiers sont appelés en renfort. Et une enveloppe de 150 millions d'euros permettra aux Sdis de s'équiper en nouveaux véhicules. Côté prévention, il est rappelé que le fonds vert peut être mis à contribution, notamment pour protéger les "zones d'interfaces".

Devant l'ampleur exceptionnelle des incendies de forêt en 2022 - 72.000 hectares ont été consumés, six fois plus que la moyenne de ces dernières années -, le gouvernement a présenté sa "stratégie nationale", mardi 11 avril, à l'approche d'un été d'ores et déjà annoncé à haut risque, en raison de la sécheresse. Des moyens "sans précédent" vont être déployés, notamment grâce à la loi de programmation du ministère de l'Intérieur, a déclaré le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, à l'occasion d'un déplacement à la base aérienne de Cazaux, à La Teste-de-Buch en Gironde, théâtre d'un important incendie en juillet 2022 (avec 7.000 hectares brûlés). Le ministre a rappelé que 90 départements avaient été touchés la saison passée. Trois ministres étaient à ses côtés : Marc Fesneau (Agriculture), Christophe Béchu (Transition écologique) et Dominique Faure (Collectivités territoriales). Programmé le 17 mars dernier, ce déplacement avait dû être reporté en raison de la réforme des retraites.

Cette stratégie s'inscrit dans le cadre fixé par le président de la République, le 28 octobre 2022 (voir notre article). Elle repose avant tout sur la doctrine "d'attaque des feux naissants" selon laquelle "un feu doit avoir parcouru moins de un hectare lorsque les premiers intervenants commencent à le combattre". Ce qui implique d'intervenir en moins de dix minutes après sa détection. La première nouveauté est la mise en service de la "météo des forêts" annoncée par Emmanuel Macron. Produite tous les jours par Météo-France en fin d’après-midi, de mi-mai à fin septembre, elle comportera une information cartographique présentant le niveau de risque de chaque département, sur une échelle de 1 à 4.

Des moyens spécifiques pour la Gironde

L'exécutif a par ailleurs décidé de renforcer les moyens aériens. À partir du 1er juin 2023, ces moyens seront gérés au niveau national à partir du centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (Cogic), installé sur la base de la Sécurité civile de Nîmes-Garons (Gard). "Selon le niveau de risque et l’importance des sinistres, ce centre avancé sera chargé de faire la répartition des moyens aériens sur l’ensemble du territoire au plus près des besoins", précise le gouvernement. Neuf avions et hélicoptères bombardiers d'eau viendront compléter la flotte actuelle : deux Dash, trois hélicoptères et quatre Tractor. Ce qui porte à 47 le nombre total d'aéronefs de cette flotte. Pour répondre à l'urgence, ces engins alternatifs aux Canadair (mais de moindre contenance) seront loués et non achetés. Conformément aux annonces d'Emmanuel Macron, la flotte de Canadair sera, elle, entièrement renouvelée et quatre avions supplémentaires seront commandés, soit un total de 16 avions. Tout ceci prendra quelques années, le temps de remettre sur pied une ligne de fabrication.

Les moyens terrestres ne sont pas en reste. Le nombre de colonnes de renfort sera porté à 51 (contre 44 au plus fort de la saison 2022), soit environ 500 sapeurs-pompiers de plus. Le ministre a confirmé l'enveloppe de 150 millions d'euros déjà annoncée par Emmanuel Macron au profit des Sdis, de quoi leur permettre d'acquérir "plus de 1.100 véhicules supplémentaires".

Comme le réclamaient les élus locaux (voir notre article du 22 juillet 2022), des moyens spécifiques vont être alloués à la Gironde, où 30.000 hectares étaient partis en fumée l'été dernier. Quatre avions et un hélicoptère seront prépositionnés à Bordeaux. Par ailleurs, un détachement d’intervention retardant sera positionné dans le Sud-Ouest. Des mesures saluées par le président du département, Jean-Luc Gleize.

Fonds vert

Le deuxième volet de la stratégie repose sur la prévention. Rappelant que 9 départs sur 10 ont une origine humaine et que 80% des feux se déclenchent à moins de 50 mètres des habitations, le gouvernement veut mettre la pression sur les riverains et les forestiers. Le plan rappelle qu'une partie des deux milliards d'euros du fonds vert, effectif depuis le mois de janvier, peut être mise à contribution pour financer les actions de prévention des collectivités. "Tout le territoire national est éligible, avec une priorité donnée en 2023 à l’Hexagone et la Corse", indique le gouvernement. Les actions éligibles pourront porter sur la protection des zones d'"interfaces" entre forêts et zones urbanisées, où naissant "80% des feux", par exemple pour investir "dans des systèmes permettant une meilleure efficacité des obligations légales de débroussaillement" (bases de données, SIG, dispositifs de contrôle automatique…). Il pourra aussi s'agir de systèmes de détection précoce des départs de feux (équipements de télédétection tels que drones ou caméras notamment). Elles portent aussi sur l’amélioration de la connaissance et de l’information préventive. Une liste de toutes les actions éligibles est en ligne sur le site du ministère de l'Écologie, en plus du guide sur l'utilisation du fonds qui avait déjà été publié en décembre 2022.

Alors que seulement 30% des riverains remplissent leurs obligations légales de débroussaillement dans les 46 départements concernés, la campagne de communication lancée en mars (voir notre article du 13 mars) se poursuivra jusqu'en mai. Elle sera suivie par la campagne annuelle de prévention des feux de forêt reconduite chaque année depuis 2018.

Enfin, la stratégie s'accompagne du plan de reboisement d'un milliard d'arbres d'ici 2030, voulu par le président de la République, dans le cadre du plan France 2030. L'objectif affiché dans la stratégie - planter 45.000 arbres chaque année - paraît cependant bien modeste au regard du cap fixé par Emmanuel Macron (il en faudrait 142 millions chaque année). "Cette mesure permettra d’augmenter les surfaces plantées, de régénérer les forêts existantes et de reconstituer celles qui ont dépéri comme en Grand Est et en Bourgogne-Franche-Comté", est-il précisé. Un fonds de renouvellement et d’adaptation des forêts au changement climatique est doté de 150 millions d’euros dès 2023.