Finances publiques : le déficit dérape en 2023, l'exécutif réclame des efforts "collectifs"

Selon l'Insee, le déficit public s'est envolé l'an dernier à 5,5% du PIB. Un mauvais résultat qui met la pression sur l'exécutif et le pousse à prôner des économies dans l'ensemble de la sphère publique, donc dans les collectivités également. Une éventualité que rejette l'Association des maires de France (AMF).

Loin de l'objectif de 4,9% du PIB fixé par le gouvernement pour 2023 et nettement au-dessus des 4,8% réalisés en 2022, le déficit public s'est élevé à 5,5% l'an dernier, soit 154 milliards d'euros, a révélé l'Insee ce 26 mars.

"L'inflation baisse plus vite que prévu", conduisant à une décélération de plusieurs impôts, a pointé Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, au micro de RTL. Au total, les recettes fiscales ont été inférieures de 21 milliards d'euros aux prévisions. En progression de 2% contre +7,4% en 2022, les recettes "ralentissent nettement en 2023", confirme l'organisme en charge de la statistique. À l'image de la TVA, qui n'a progressé que de 2,8% l'an dernier, après une augmentation de 7,6% l'année précédente.

La dette à 110,6% du PIB

Dans le détail, les administrations de sécurité sociale ont dégagé un excédent de 12,9 milliards d'euros, tandis que l'État a été lourdement déficitaire (-155,3 milliards d'euros). Les administrations publiques locales, catégorie constituée principalement des collectivités locales, mais pas exclusivement – puisqu'elle inclut aussi la Société des grands projets ou Île-de-France Mobilités – a quant à elle fini l'année avec un "besoin de financement" de 9,9 milliards d'euros, en progression de 8,9 milliards d'euros. Cette évolution traduit "le net repli des droits de mutation à titre onéreux affectés aux communes et départements" et "l’accélération des dépenses de fonctionnement et d’investissement", indique l'Insee.

La dette publique française a atteint, elle, 110,6% du PIB fin 2023. C'est moins qu'en 2022, où elle s'affichait à 111,9%, mais presque un point de pourcentage au-dessus de la prévision du gouvernement (109,7%).

Face aux moindres rentrées fiscales et à une croissance plus faible, l'État a réduit ses dépenses de "8 milliards d'euros" fin 2023 et de 10 milliards d'euros supplémentaires en février, a défendu Bruno Le Maire sur RTL. "Au total, l'État a fait en six mois 18 milliards d'euros d'économies", a-t-il répété, évoquant une "première étape". "L'État est prêt à faire davantage", mais "tout ne peut pas reposer que sur les dépenses de l'État", a-t-il insisté. Le ministre a annoncé qu'il allait écrire à "tous les opérateurs de l'État" pour leur demander de lui faire sous un mois des propositions d'économies sur leurs budgets. En l'absence de propositions, "c'est nous qui déciderons à [leur] place", a-t-il dit, pointant "des trésoreries qui se portent bien" chez ces opérateurs.

"Prise de conscience collective"

Bruno Le Maire a également souhaité une plus grande sélection entre "la dépense publique utile, efficace, qui permet d'innover, d'investir, d'avoir plus de croissance, plus d'emploi" et la dépense publique qui, si elle est réduite, "ne dégradera pas la situation des Français".

Mais, il a surtout appelé à "une prise de conscience collective sur la nécessité de faire des choix dans nos dépenses publiques, dans toutes les dépenses publiques : celles de l'État, les dépenses sociales et les collectivités locales". Le ministre de l'Économie avait déjà prôné, le 6 mars devant les commissions des finances des deux assemblées, la participation des collectivités locales à la réduction du déficit et de la dette (voir notre article). Une position que, depuis, le président de la République a soutenue à différentes reprises, y compris publiquement. 

Les collectivités territoriales n'ont "aucune raison d'être mises à contribution" pour combler le déficit de l'État, a réagi André Laignel, premier vice-président délégué de l'Association des maires de France (AMF). "Nous pesons à hauteur de zéro dans le déficit public, puisque selon les chiffres nous étions en excédent de 4,8 milliards d'euros en 2022, c'est-à-dire que non seulement les collectivités ne pèsent pas sur le déficit, mais qu'elles l'atténuent et à ma connaissance les communes contribuent à résorber le déficit public en 2023", a-t-il déclaré à l'AFP.

"L'État est seul responsable"

"Nous pesons moins de 10% de la dette publique et c'est nous qui la payons, ça ne coûte strictement rien à l'État", a ajouté le maire d'Issoudun. Selon lui, "la baisse cumulée de la dotation globale de fonctionnement en euros constants a représenté un effort de 70 milliards d'euros depuis 2014". "Nous avons déjà beaucoup participé à la solidarité financière, donc nous n'avons aucune raison d'être mis à contribution d'un dérapage budgétaire manifeste qui est de la seule responsabilité de l'État", a fustigé André Laignel, estimant que la suppression progressive de la taxe d'habitation et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) "ont coûté 35 milliards d'euros à l'État".

Une séance du Haut Conseil des finances publiques locales doit réunir le 9 avril le ministre de l'Économie et les représentants des élus locaux. "Il ne s'agit pas de contraindre les finances publiques locales et les collectivités locales", mais de "regarder avec elles exactement où les économies sont possibles", a expliqué Bruno Le Maire à la presse, ce 26 mars. En appelant les collectivités à mettre en oeuvre "librement" ces mesures d'économies.