Laon, un nouveau départ grâce à Action coeur de ville

Réhabilitation de bâtiments dégradés, transformation de sites en logement, revitalisation du commerce en centre-ville, boutiques éphémères, mobilités durables… trois ans après, Action cœur de ville entre dans le concret. Plusieurs maires de villes moyennes ont pu présenter leurs ambitions et réalisations dans le cadre d'un déplacement organisé par Villes de France à Laon, le 25 novembre 2021. Tous se félicitent d'une "approche globale".

Ce n'est plus qu'une ruine au milieu des herbes folles. Abandonnée pendant des années, l'abbaye Saint-Vincent de Laon (Aisne) a été ravagée en 2008 par un incendie causé par des mineurs. Mais elle pourrait bien renaître de ses cendres. Le potentiel est là : une structure ancienne et somptueuse, un beau terrain qui surplombe cette ville de 25.000 habitants... La mairie, qui a racheté les locaux, voudrait en faire un hôtel haut de gamme. La commune fait partie des 234 villes sélectionnées dans le cadre du programme de revitalisation des centres-villes Action cœur de ville lancé il y a trois ans et récemment prolongé jusqu'en 2026. "Les difficultés sont nombreuses pour les villes comme la nôtre avec une vacance importante dans l'habitat et le commerce, une ville coupée en deux, entre la partie haute et la partie basse, et touchée par les réformes de l'État, avec le départ des services de l'armée, trois casernes ont fermé, et une population de classe moyenne qui est partie s'installer dans les zones périurbaines", déroule Éric Delhaye, maire de Laon, lors d'un déplacement organisé dans sa ville le 25 novembre 2021 par Villes de France, avec d'autres maires du programme. L'occasion pour eux de partager leur expérience. Les élus apprécient avant tout son "approche globale". Logement, commerce, patrimoine, centre-ville, mobilités… le programme permet ainsi d'envisager les villes moyennes sous tous leurs aspects. "Il s'agit de programmes globaux qui favorisent la motivation de certains acteurs privés pour la rénovation de bâtiments, mais il est aussi orienté vers la mobilité, avec des pistes cyclables, le commerce, l'aménagement urbain, etc.", insiste auprès de Localtis Caroline Cayeux, présidente de l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), de Villes de France et maire de Beauvais (Oise).
À Laon, au-delà de la réhabilitation de l'abbaye de Saint-Vincent, d'autres opérations sont déjà lancées. Il s'agit notamment de la réhabilitation d'une friche militaire qui va accueillir une résidence intergénérationnelle, proposant des services aux habitants et disposant également de surfaces commerciales. Côté commerce, une grande halle couverte sera créée en centre-ville. Une "market place" (place de marché virtuelle) aidera les commerçants à se mettre au digital. Des boutiques éphémères permettront à des nouveaux commerçants de tester leurs produits auprès des consommateurs.

"Venez vivre à Laon"

Le programme de la ville n'oublie pas l'activité culturelle, à travers une "micro-folie" (1) installée en centre-ville et la Maison des métiers d'art installée dans un ancien hôtel particulier de la cité médiévale, les espaces publics en cours de création ou de réhabilitation, et la mobilité, avec notamment des vélos électriques en libre-service. La mairie a aussi cherché à profiter de ce nouvel élan en faveur des villes moyennes, renforcé par la crise covid. Une campagne d'attractivité "Venez vivre à Laon" a ainsi été lancée au printemps 2021 pour attirer des familles, dans un premier temps en mode digital puis déclinée en affichage, dans certaines stations du métro parisien. "Près d'un million de personnes ont vu cette campagne, se félicite Éric Delhaye. Plus de 400 familles se sont inscrites sur notre site internet pour en savoir plus sur la région. Nous avons offert à une dizaine de familles un week-end à Laon, avec visite des principaux services disponibles sur place, de Pôle emploi à des biens immobiliers." Coût estimé de la campagne : 70.000 euros.
Seul bémol : le dispositif ne couvre pas toujours les investissements nécessaires. C'est le cas pour un des projets de Laon qui consiste à réhabiliter et transformer en logement trois immeubles en centre-ville. Malgré les subventions de l'État et d'Action logement, le coût pour la collectivité reste élevé, autour de 800.000 euros…

"Il faut donner envie à la jeunesse de rester"

Pour la maire de Saint-Quentin (54.000 habitants, Aisne), Action coeur de ville est un vrai "booster". "Les banquiers s'intéressent à des dossiers de promoteurs privés qu'ils n'ouvraient même pas auparavant", explique ainsi à Localtis Frédérique Macarez. L'élue, qui est aussi présidente de l'Agglo du Saint-Quentinois et vice-présidente de Villes de France, voit principalement quatre atouts principaux au dispositif : le cofinancement de l'État, qui permet aux collectivités de ne pas tout financer pour mettre à niveau un terrain (démolition, dépollution, fouilles archéologiques…), l'impact d'Action Logement, pour réhabiliter des bâtiments dégradés, l'apport d'ingénierie grâce à la Banque des Territoires et la prise de risque collective. "Cela rend possible des projets extraordinaires pour lesquels nous n'avions pas les moyens, détaille Frédérique Macarez. Le nombre de permis de construire a déjà été multiplié par trois." La ville travaille aussi sur la cible jeune. "Il faut donner envie à la jeunesse de rester, dit-elle. Nous travaillons sur ce point avec l'enseignement supérieur, en lien avec les entreprises qui existent sur le territoire, notamment dans le domaine de la robotique numérique."

"Nous aspirons à la mixité des populations"

Reste encore une inconnue à ces évolutions : savoir si l'arrivée de nouvelles populations, issues souvent des métropoles avec un pouvoir d'achat élevé, et les locaux, se passera sereinement. "Pour le moment, il n'y a pas de tension sur le marché de l'immobilier, assure Éric Delhaye, on voit des investissements réalisés sur des biens qui ne se vendaient pas, mais ces personnes investissent aussi dans des appartements à réhabiliter et à louer en centre-ville." "Nous aspirons à la mixité des populations", assure pour sa part Frédérique Macarez. Outre la gestion de la mixité, il faut aussi répondre aux attentes des nouvelles populations, en matière d'offre de soins, d'offre culturelle, de logement, et de services. À Laon, le maire réfléchit à la mise en place d'espaces de coworking et à la création d'une manufacture de proximité dans le cadre de l'appel à manifestation national en cours dans le cadre de France Relance (2).

 

(1) Soutenu par l'État, supervisé par le ministère de la Culture et accompagné par La Villette, ce dispositif de micro-folie consiste à intégrer un musée numérique au cœur d'un équipement déjà existant, au service de l'éducation artistique et culturelle.
(2) Pour redynamiser les territoires fragiles et soutenir les entreprises artisanales locales, le projet "Manufacture de proximité" offre la possibilité à des entrepreneurs de bénéficier d'accompagnements et de subventions dans leur développement. Un appel à manifestation a été lancé en octobre 2021 dans ce sens, dont l'objectif est d'aboutir à 100 manufactures.