Le début d'un passage à vide pour la commande publique locale ?

La dernière édition du baromètre de la commande publique initié par la Banque des Territoires et Intercommunalités de France met en évidence l'apparition au deuxième trimestre 2022 de premiers signes de ralentissement des achats des collectivités et de leurs groupements. La conséquence de la pression que l'inflation exerce sur les budgets ?

Avec une progression de 12,5 milliards d’euros (+ 32,5 %), la commande publique locale a rebondi nettement en 2021, pour atteindre un montant de 51,2 milliards d'euros, légèrement supérieur à celui de 2019 (+ 0,5%). Allait-elle poursuivre sur sa lancée au début de cette année, dans un contexte pourtant marqué par l'accélération de l'inflation et la pénurie concernant certains matériaux ? Oui, mais avec moins de vigueur. La commande publique locale a en effet progressé de 2,8% au premier semestre 2022, par rapport au même semestre de l'année 2021.

Ces données sont extraites des deux dernières éditions du baromètre de la commande publique, mis en place par la Banque des Territoires et Intercommunalités de France, avec la contribution de la société Vecteur plus. Un outil qui recense l'ensemble des marchés attribués par les acteurs publics (c'est-à-dire les contrats faisant l'objet d'une publicité et d'une mise en concurrence), et ce qu'ils relèvent du fonctionnement ou de l'investissement. Le baromètre permet donc d'élaborer des données qui "ne recoupent pas totalement en volume" celles des budgets locaux, avertissent les auteurs. Ceux-ci soulignent par ailleurs que les marchés recensés donnent lieu à une dépense ne devenant effective que 6 à 18 mois (voire davantage) après les attributions.

Trompe-l'œil

Les achats réalisés par les acheteurs publics locaux ont atteint un montant de 27,6 milliards d'euros sur les six premiers mois de l'année 2022 (contre 26,8 milliards d'euros au cours des mêmes mois de 2021). Soit une progression de 2,8%. Remarque importante : ces données sont exprimées en euros courants, c'est-à-dire qu'elles ne tiennent pas compte de l'inflation. Ce qui signifie que la croissance constatée des achats publics locaux pourrait s'apparenter à un simple trompe-l'œil, une part significative de cette évolution étant lié à la hausse des prix.

A la fin du premier trimestre 2022, les effets de la hausse des prix étaient "déjà sensibles", selon le baromètre. Les collectivités faisaient état d'"un décalage important" entre les devis initiaux et les prix constatés lors de l’ouverture des offres. Certaines se voyaient contraintes de "baisser leurs exigences, voire de décaler leurs projets". Au total, on observait "un recul du nombre d’appels d’offre faisant progresser la valeur moyenne des marchés conclus".

Entre le premier et le second trimestres 2022, le montant des marchés attribués par les collectivités et leurs groupements a encore progressé (+3,3%). Mais cette croissance est, là encore, à mettre en rapport avec l'inflation (laquelle s'est élevée en mai 2022 à +5,2% sur un an). En clair : la quantité de prestation achetée ou le volume de travaux réalisé pourrait avoir stagné, voire reculé.

Trou d'air au deuxième trimestre 2022

Au second trimestre 2022, l'inflation et les difficultés d'approvisionnement ont eu vraisemblablement des conséquences encore plus nettes sur la commande publique locale. Le volume des achats réalisés par le secteur public local au cours de cette période s'est replié de près de 900 millions d'euros (- 6%) par rapport à la même période de 2021. Cet essoufflement résultait-t-il des premières tensions qu'ont connu les budgets locaux ? Etait-il passager, ou s'inscrivait-il dans une période longue de réduction des achats et des investissements des collectivités ? La prochaine édition du baromètre sera scrutée, car elle fournira des indications précieuses.

La commande publique locale est tirée par celle du bloc local, entre le premier semestre 2021 et le premier semestre 2022. Dans le détail, les communes et les intercommunalités voient, sur la période, le volume de leurs achats progresser respectivement de 5,8% et 4,9%. En revanche, les départements et les régions enregistrent un recul assez net de leurs commandes (respectivement - 3,9% et - 8,7%).

Fort rebond de la commande des bailleurs sociaux

Autre enseignement à tirer du baromètre : les achats en matière d'énergie représentent le plus petit poste de la commande publique locale, très loin derrière les achats dédiés aux bâtiments publics, ou encore aux transports et à la voirie. Mais leur montant a explosé (+109%) pour les communes entre le premier trimestre et le deuxième trimestre 2022. Pour les intercommunalités, leur évolution s'est limitée à +17,5%.

Les communes sont les premiers acheteurs publics locaux, avec 45% des montants d'achat réalisés. Les intercommunalités occupent la deuxième place (22%). Viennent ensuite les départements (11%), les syndicats intercommunaux (10%) et les régions (4%).

Entre les six premiers mois de 2021 et les six premiers mois de 2022, la commande publique totale a progressé de 6,5% (51 milliards, contre 48 milliards d'euros). Une évolution favorisée par la hausse de la commande des collectivités, mais plus encore par celle des bailleurs sociaux (+34%) et celle des hôpitaux et établissements de santé (+17%). L'analyse de la nature des marchés révèle que les marchés de services ont tiré vers le haut la commande publique dans son ensemble. Cette catégorie d'achats se taille la part du lion (42%) dans l'achat public total. Or, sur la période considérée, elle a progressé de 19%.