Le gouvernement serre la vis contre les "dérives sectaires"

La secrétaire d'Etat chargée de la Citoyenneté Sabrina Agresti-Roubache a présenté ce mercredi sa stratégie nationale pour lutter contre les dérives sectaires, assortie d'un projet de loi instaurant de nouveaux délits de "sujétion psychologique" et de "provocation à l'abandon de soins". Une action justifiée par l'ampleur des signalements liés à la santé depuis la crise sanitaire.

Si l'extension de la lutte contre les dérives sectaires au "complotisme" un temps évoqué est finalement abandonnée, la nouvelle stratégie nationale présentée mercredi 15 novembre n'en marque pas moins un tournant. Celui-ci serait guidé par les mutations des formes d'emprise avec l'essor des réseaux sociaux.

Depuis la loi About-Picard de 2021 qui a posé les bases de la lutte contre les mouvements sectaires, "les dérives sectaires ont profondément évolué" argue, dans un dossier de presse, la secrétaire d'Etat chargée de la Citoyenneté et de la Ville Sabrina Agresti-Roubache qui a finalisé cette stratégie nationale de lutte contre les dérives sectaires, après la démission de Sonia Backès le mois dernier. Les groupes à prétention religieuse ont aujourd'hui été supplantés par "une multitude de groupes ou d'individus qui investissent les champs de la santé, de l'alimentation, du bien être, mais aussi le développement personnel, le coaching ou la formation", constate-t-elle.

L'idée de cette stratégie avait émergé l'an dernier lors de la publication du rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) suivie de l'organisation d'assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires au mois de mars. Le rapport faisait ressortir une augmentation de 33% des signalements à la Miviludes sur un an (4.020 en 2021) et un doublement depuis 2015. Il soulignait aussi une profonde évolution des modes opératoires, avec l'apparition de "gourous 2.0" fédérant de véritables communautés sur internet, le tout sur le terreau favorable de la contestation de la politique sanitaire (voir notre article du 8 novembre 2022).

Nouveau délit de sujétion 

En réponse, la stratégie nationale portée par la Miviludes vise à "mieux mobiliser les pouvoirs publics" autour de trois objectifs : la prévention, l'accueil et l'accompagnement des victimes et le renforcement de l'arsenal juridique, principalement à travers un projet de loi présenté par la secrétaire d'Etat en conseil des ministres, ce mercredi.

Ce texte en sept articles intervient 22 ans après la loi About-Picard qui a permis de réprimer "l'abus de faiblesse lié à un état de sujétion psychologique ou physique, principalement à des fins de captation financière". Le gouvernement souhaite à aller plus loin en créant un "délit autonome" visant à réprimer directement le fait même de placer ou de maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique (article 1). Ces situations se manifestent "par l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer le jugement". Les peines encourues seraient de 3 ans d'emprisonnement et 375.000 euros d'amende.

Le projet de loi instaure parallèlement une circonstance aggravante lorsque les délits ou les crimes (meurtres, violences, escroqueries…) sont commis dans un contexte sectaire (article 2).

Abandon de soins

Il est aussi prévu de renforcer l'accompagnement des victimes et d'élargir la possibilité pour les associations d'aide aux victimes de se constituer partie civile, sachant qu'aujourd'hui seule l'Unadfi est habilitée à le faire (article 3).

Alors qu' "un quart des saisies de la Miviludes concernent la santé", selon le secrétariat d'Etat, le projet de loi prévoit un nouveau délit de "provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins ou à l’adoption de pratiques" exposant à un "risque grave ou immédiat pour la santé" (article 4). Les sept ordres professionnels de santé seront obligatoirement informés par les parquets des condamnations des praticiens placés sous leur contrôle (article 5). Ce qui leur permettra d'"apprécier s'il y a lieu de déclencher des mesures disciplinaires à leur encontre", précise la même source. Enfin, le projet de loi vise à renforcer l'information du public sur les dérives sectaires.

En dehors du projet de loi, la stratégie nationale, qui repose sur une quarantaine de mesures, met la priorité sur la prévention avec la mise en place d'un circuit de signalements des contenus problématiques sur les réseaux sociaux ou encore "l'éducation à l'esprit critique". Il s'agira aussi de "libérer la parole des victimes", de "développer la connaissance du phénomène", et de "renforcer le maillage territorial" en désignant des référents dans l'ensemble des services locaux de l'Etat, formés sous l'égide de la Miviludes, précise-t-on dans l'entourage de la secrétaire d'Etat. Une grande campagne d'information sera lancée dans les prochains mois.

 

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