Le Haut Conseil pour le climat alerte Gabriel Attal sur un "risque de recul de l'ambition de la politique climatique"

Dans une lettre rendue publique ce 4 avril, Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le climat (HCC), interpelle le Premier ministre sur la "dérive du calendrier" dans l'adoption de plusieurs textes de lutte contre le changement climatique, craignant un "risque de recul de l'ambition" de la France.

Datée du 2 avril et rendue publique ce jeudi, la lettre adressée par la présidente du Haut Conseil pour le climat (HCC) au Premier ministre sonne comme un avertissement.  Saluant les chiffres provisoires du Citepa faisant état d'un recul de 4,8% des émissions de gaz à effet de serre du pays pour 2023 (voir notre article), le HCC souligne qu'ils "ne doivent pas occulter les efforts majeurs" qu'il reste "à accomplir". Une telle baisse "si elle était confirmée (...) doit être soutenue chaque année d'ici 2030 et au-delà et se refléter au sein de tous les grands secteurs émetteurs", souligne sa présidente, Corinne Le Quéré. Pour les transports et l'énergie, "ceci implique un facteur multiplicateur de baisse en émissions de 3,5 à 5 par rapport aux baisses constatées entre 2019 et 2022, pour l'industrie entre 1,4 et 1,6 et de 1,2 pour le bâtiment", détaille-t-elle. Sans oublier la production agricole qui doit "accélérer sa baisse en émissions d'un facteur 1,25 à 3,5", ajoute-t-elle.

Dans l'attente de plusieurs documents "essentiels"

"A ce jour, le Haut Conseil pour le climat constate qu'après plusieurs consultations et débats, ni la loi de programmation énergie et climat, ni la Stratégie française énergie et climat, ni la 3e Stratégie nationale bas carbone, ni le 3e Plan national d'adaptation au changement climatique, ni la 3ème Programmation pluriannuelle de l'énergie n'ont été formellement adoptés, en dépit des obligations législatives", égrène la présidente du HCC. Or, "ces documents sont essentiels afin de guider l'action climatique à long terme" de la France alors que "le niveau d'urgence actuel, tant en matière d'atténuation que d'adaptation, (...) invite à réaffirmer fermement et sans délai la politique climatique" du pays.

"Le Haut Conseil pour le climat ne peut que s'inquiéter du risque de recul de l'ambition de la politique climatique induit par les dérives de calendrier de ses instruments les plus structurants", indique la lettre de l'organisme, qui a été institué par Emmanuel Macron fin 2018 pour évaluer les politiques climatiques de la France et compte une douzaine d'experts dont la climatologue Valérie Masson-Delmotte et l'ingénieur Jean-Marc Jancovici.

Dans sa lettre, le HCC pointe aussi le fait que l'accélération de la baisse des émissions est "d'autant plus nécessaire" que l'état de santé actuel de nos forêts, suite aux impacts du changement climatique, limite fortement leur contribution au stockage du carbone dans la biomasse. "Certains puits forestiers de métropole sont même devenus émetteurs au cours de la dernière décennie, alors que les sols agricoles émettent plus de carbone qu'ils n'en stockent", relève l'organisme.

Ambition à maintenir "au plus haut niveau"

La France a pour ambition de réduire ses émissions de 50% (-55% en net) d'ici 2030 pour se conformer aux engagements européens et atteindre la neutralité carbone. "Ces défis ne pourront être relevés (…) que si la politique climatique d'adaptation change d'échelle en devenant anticipatrice, préventive et transformatrice, et si le cadre stratégique pour l'atténuation, qui se construit, est mis en oeuvre de manière opérationnelle et systématique", prévient la présidente du HCC. Elle rappelle que "différer la mise en oeuvre comme réduire l'ambition de l'action climatique serait renoncer à assurer la protection de la population, qui est de plus en plus exposée aux impacts du changement climatique, qui s'intensifient en France comme de par le monde (…)". "L'ambition de la politique climatique doit être maintenue au plus haut niveau tant pour l'atténuation que pour l'adaptation, afin de limiter l'ampleur du réchauffement futur tout en réduisant au maximum ses effets négatifs", estime-t-elle.

 

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