Le rétropédalage du bio en grande distribution se confirme

Le bio continue sa décrue dans la grande distribution. D'après les chiffres de Circana, le chiffre d'affaires de ces produits passe sous la barre des 4%, un niveau jamais atteint depuis 2018. Le levier des cantines pourrait fonctionner mais pour l'heure, les collectivités cherchent surtout à faire des économies.

Le chiffre d'affaires réalisé par les produits bio est passé sous la barre des 4% en grande distribution, au mois de juillet. Les données, avancées par l'institut Circana, montrent un niveau qui n'avait pas été atteint depuis août 2018 alors que le label bio commençait à monter en puissance. Elles confirment la crise dans laquelle s'enfonce le bio, avec l'inflation galopante qui impacte le pouvoir d'achat des consommateurs. Plus globalement, et le constat est issu des chambres d'agriculture, le budget alimentaire des ménages français a baissé de 20% en deux ans après correction de l'inflation. Les clients vont chercher des produits plus bas de gamme, le tout se répercutant sur les produits de qualité type AOC et sur le bio (voir notre article du 31 août). Entre janvier et juillet 2023, les ventes de bio ont ainsi plongé de 13% en volume en grande distribution, d'après Circana. En valeur, le recul se limite à 2%, la hausse des prix compensant. Globalement, sur un an, la baisse de chiffre d'affaires du bio s'établit à 1,3%. En volume, elle s'élève à près de 11%.

"La déconsommation est claire"

"Nous sommes inquiets, c'est dur pour certains agriculteurs, explique à Localtis Simon Bestel, cofondateur et directeur général de Fermes en vie (Feve), une foncière agricole qui aide par le financement et l’accompagnement les porteurs de projets en agroécologie à lancer leur exploitation, il ne faudrait pas que l'inflation pénalise trop le bio ; la déconsommation est claire, et je ne pense pas du tout que ce soit lié à une volonté du consommateur de ne plus acheter bio, simplement, il arbitre dans sa consommation de tous les jours. Tant qu'il n'y a pas une vraie inversion de tendance à l'inflation, ce sera compliqué."

Autre phénomène témoin des difficultés du bio, les déconversions ont suivi une accélération (voir notre article du 13 février 2023) avec une augmentation de 42% en 2022. Mais d'après Simon Bestel, "si certains agriculteurs sont venus au bio par opportunisme et vont partir avec le marché qui s'inverse, si l'inflation ne dure pas trop longtemps, les vrais resteront convaincus". Et "tous les agriculteurs bio n'ont pas des problèmes, assure-t-il, ceux qui maîtrisent bien leur circuit de commercialisation s'en sortent". Les autres, et notamment ceux qui sont en phase d'installation et qui doivent convaincre leurs banques, ont plus de mal.

Aider les cantines à s'approvisionner en bio

Le gouvernement a réagi tardivement, notamment à la suite des alertes envoyées par les acteurs de la filière. Il a mis en place un plan de soutien de 200 millions d'euros en mai 2023, comprenant 60 millions d'euros d'aide d'urgence (voir notre article du 17 mai 2023). "Nous ne savons pas comment ça va être distribué, à quelle vitesse, il y a toujours des annonces mais on ne sait pas vraiment comment cela est consommé", regrette Simon Bestel qui croit davantage à des aides structurelles. "Les aides devraient être orientées sur la structuration des filières, pour assurer leur résilience sur le moyen et long terme, avec un gros plan sur les cantines pour les aider à s'approvisionner plus facilement en bio. Dans ce domaine, tant que l'arbitrage principal dans les achats sera le prix on sera coincé." Une grande partie du montant du plan gouvernemental de soutien consiste justement à honorer des engagements en matière de restauration collective, sans préciser les moyens utilisés pour cela. La loi Egalim fixe un objectif de 50% de produits sous signe de qualité et durables en restauration collective et 20% minimum de produits biologiques qui ne représentent que 6 à 7% des achats pour le moment en restauration collective publique…

La focalisation sur le prix entraîne un avantage pour les gros producteurs, alors que le bio est surtout développé par des petits producteurs et des circuits locaux. "Les collectivités cherchent surtout à faire des économies, on peut le comprendre car les parents n'ont pas forcément les moyens de payer plus pour la cantine de leurs enfants, mais c'est faisable, plein de cantines y arrivent très bien, assure Simon Bestel, il faut bien sûr des équipes investies qui aient envie de ce changement car cela demande de l'énergie et du temps, mais après ça tourne !"